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Le traité de Troyes et le principe d'indisponibilité de la couronne de France

Publié le 04/07/2012

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Une fois que cette position de successeur légitime était assurée, les partisans de Charles fils de Charles VI et surnommé le « roi de Bourges « s’attachèrent à affirmer le principe d’indisponibilité de la couronne. L’ensemble de ces arguments montraient que les clauses du traité de Troyes exhérédant le dauphin étaient nulles, car elles attribuaient au roi régnant un pouvoir que ses prédécesseurs n’avaient jamais eu, celui de régler sa propre succession comme il l’entendait. L’argumentation de Jean de Terre Vermeille appelle trois considérations : d’une part, le roi n’étant pas propriétaire de la couronne, il ne peut exhéréder son fils car il n’est que le simple administrateur des biens et des droits du royaume, qu’il ne peut donc pas en disposer, même à titre héréditaire. Il doit laisser jouer les règles coutumières pour la dévolution. Par ailleurs, un roi ne peut pas modifier l’ordre de la succession car cela revient à disposer de la couronne (ex. de Louis XIV). Enfin, un roi ne peut pas renoncer à la couronne car il n’est pas un héritier de droit privé (ex. de François 1er).

« crise devient une notion des plus floues, dans la mesure même où il y a des moments dans la crise où il y a des rémissions et, dans la rémission, des moments où l’onpeut se demander si le roi se sent vraiment bien.

Le résultat est qu’on peut encore utiliser la notion de crise jusqu’en 1415, mais ensuite, dans les dernières années, onn’arrive pas à trouver de crise, les témoins ne parlent plus de rémissions, ils disent simplement « le roi était en bonne santé », « le roi était inconscient », ou « le roiétait malade », si bien que les choses deviennent de plus en plus floues, car le roi récupère de moins en moins.

Dans les dernières années, celles qui suivent Azincourt(1415), on peut vraiment dire que, même quand il est en bonne santé, le roi est complètement désadapté.

La notion de crise est donc bien importante, mais c’est unenotion qu’il ne faut pas exagérer dans la dernière partie de la maladie.

Cette évolution fait par ailleurs comprendre que le roi est resté au début en prise avec lasituation, mais on peut vraiment dire qu’en 1415 et dans les années suivantes, il ne l’est plus. II L’interprétation de la folie en général au Moyen Age Pendant longtemps, les religieux ont eu une manière particulière d’appréhender la folie : pour eux, les fous sont inspirés par Dieu, incompris sur terre mais détenteursde la véritable sagesse, ce qui revient à faire d’eux des quasi-prophètes ou à les rapprocher de la conception platonicienne : ce type d’analyse de la folie est-ilpertinent sous Charles VI, et le roi rentre-il dans ce cadre ?Il y a un discours chrétien et littéraire, celui de gens qui, depuis les premiers Pères de l’Eglise, disent « je ne sais pas qui est fou, je ne sais pas qui est sage ».

C’est lediscours fondamental qui justifie l’attitude des chrétiens, qui ont des comportements de fous, que les païens ne comprennent absolument pas : ils disent se comporterde cette manière parce qu’ils sont détenteurs de la vraie sagesse, et n’avoir que les apparences de la folie.

Ce discours sur la folie / sagesse dure depuis les Pèresjusqu’à Erasme, et c’est là qu’on retrouve cette ambiguïté fondamentale, qui est devenue un thème littéraire constant.

Froissart, chroniqueur royal de l’époque deCharles VI, fait un excellent développement où il dit en substance : « Etait-ce un fou ? Etait-ce un sage ? On ne l’a jamais su… A-t-on été sage de ne pas tenir comptedes paroles d’un fou ?...

» Mais attention ce discours littéraire et chrétien ne doit pas nous voiler une vérité fondamentale : dans la vie courante, que ce soit un roi, unmédecin, un juriste, ou encore un homme de la rue, on distingue parfaitement celui qui a perdu le sens de celui qui ne l’a pas perdu. III Dans ces conditions, la maladie du roi peut-elle être une cause d’annulation de l’ « honteux » traité de Troyes ? Tout d’abord, le roi est roi, désigné par Dieu et sa place ne dépend en aucun cas de la volonté des hommes.

Qui peut aller à l’encontre d’un choix divin ? La personnedu roi reste donc inviolable et sacrée.Ensuite, la maladie du roi est, du moins au départ une série de crises, il est donc inenvisageable de destituer purement et simplement le roi dans ces circonstances.Cela reviendrait à nier ses guérisons ponctuelles et rendrait pour le moins délicate la situation dans les phases de conscience du roi.Le roi de France ne peut donc être destitué pour une raison quelle qu’elle soit, même si cette solution nous paraît aujourd’hui tout à fait appropriée, elle estinenvisageable à l’époque, en raison d’une coutume latente qui n’a toujours pas été explicitée mais surtout selon la compréhension qu’on les sujets de la personne duroi.C’est pourquoi, on doit se contenter de phases de régence pendant les crises de folie du roi, ce qui ne répond pas au problème puisque le roi peut prendre desdécisions jugées mauvaises ou illégales, comme c’est le cas du traité de Troyes, qui à cet égard fait figure d’exception puisque Charles VI le fou était aussi appelé leBien Aimé.

Dans ce cas ces décisions doivent être acceptées comme si le roi était en bonne santé mentale.Il est donc impossible d’utiliser la maladie du roi pour annuler tout ou partie de ce traité. II L’indisponibilité de la couronne et l’impossibilité pour Charles VI de exhéréder son fils Cette question met en avant un grand principe que les circonstances vont révéler, le principe de l’indisponibilité de la couronne.

Il convient de préciser que ceprincipe n’a donc pas été créé « ex nihilo », mais qu’il a été révélé lors de ces épisodes historiques.Ce principe trouve deux grandes justifications : tout d’abord une justification coutumière puis une justification qui s’appuie sur le droit savant. I Révélation du principe par la coutume En 1420, lors de la conclusion du « honteux traité de Troyes », il a été prévu que la couronne de France devait échoir à Henri V roi d’Angleterre alors même queCharles VI avait un fils.

La question que se posent alors les juristes est de savoir si un roi de France est fondé à disposer librement du royaume comme un seigneurféodal peut disposer de son fief ou s’il n’obéit pas à des règles particulières d’indisponibilité.En s’appuyant sur le caractère latent de la coutume, on démontre qu’un dauphin n’ayant jamais été exhérédé par son père, Charles VI ne peut en aucune façon priverle dauphin Charles de sa succession au trône. II L’utilisation des droits savants comme justification Les juristes favorables à la cause du dauphin soutiennent avec vigueur que le traité de Troyes n’est pas valable.

Charles VI étant devenu le « jouet de son entourage »,les juristes avaient imaginé une argumentation pour démontrer que le roi régnant de pouvait en aucun cas disposer librement de la couronne au détriment de l’héritierdu trône que désignait la coutume. A la tête de ce mouvement, on trouve Jean de Terre Vermeille.

Jean de Terre Vermeille est un juriste languedocien né en 1370 à Nîmes, et il a donc été formé àl’école du droit romain.

Il devient avocat du roi en 1418 après avoir servi en tant que consul et conseiller.

Mais il quitte les fonctions royales en 1424 pour se tournervers la réflexion politique et par la rédaction en 1419 de trois Tractatus et en s’appuyant sur le droit romain qui l’a formé, il prend fait et cause pour la monarchie endémontrant les droits incontestables du dauphin. A travers ses Tractatus, Jean de Terre Vermeille ne cherche pas la finalité scientifique, mais l’efficacité politique : en faisant une analyse de la succession statutaire etdonc indisponible, Jean de Terre Vermeille parvient à démontrer que l’exclusion de la couronne de Charles fils de Charles VI serait inopérante.L’analyse de Jean de Terre Vermeille constitue un véritable syllogisme judiciaire en trois temps : un énoncé des catégories juridiques et des régimes en matièresuccessorale, une qualification juridique de la question soumise à son examen, et enfin il fait entrer la question soumise dans une des catégories juridiques afin detrouver la solution. 1.

Enoncé des catégories juridiquesJean de Terre Vermeille s’appuie sur une distinction qu’opèrent les juristes romains entre les biens patrimoniaux et les biens extrapatrimoniaux, et qui appellent doncdeux régimes successoraux différents.Dans une succession privée, le testateur peut décider de la dévolution de ses biens et peut exhéréder sous certaines conditions un héritier légitime.

La volonté dudéfunt entre en ligne de compte car il s’agit de la transmission de quelque chose dont il est propriétaire.

D’autre part, les héritiers peuvent aussi manifester leurvolonté en refusant les effets de l’hérédité.La situation est différente pour les biens extrapatrimoniaux qui ne font pas l’objet d’une succession héréditaire mais d’une situation successive.

Il faut alorsdistinguer le sens des mots « hériter » et « succéder » car hériter est recevoir quelque chose de son propriétaire alors que succéder signifie venir à la place de.

Dans lecas d’une succession de biens extrapatrimoniaux, la volonté du prédécesseur n’entre pas en ligne de compte car celui-ci n’est pas propriétaire de ce qui est transmis.C’est donc la loi qui fixe les modalités de la succession. 2.

Le cas du royaume de FrancePour Jean de Terrevermeille, la couronne de France est une dignité, ce qui signifie selon le droit canonique que c’est une fonction qui existe par elle-mêmeindépendamment de ses titulaires successifs.Donc la fonction royale est différente de la personne du roi et elle appartient à la catégorie des biens extrapatrimoniaux.. »

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