Pourquoi écrire son autobiographie ?

« Chapitre 3 Le biographique raconter aux« autres», de faire participer Les« autres», «avait acquis chez nous, avant comme après notre libération, la violence d'une impulsion immédiate, aussi impérieuse que les autres besoins élémentaires».

Parler de soi permet aux survivants de continuer à vivre malgré L'horreur.

À L'inverse, L'écriture autobiogra­ phique est aussi L'occasion de revivre un moment heureux du passé.

Lauteur éprouve alors Le plaisir égoïste de se replonger avec délice dans son propre passé, d'éprouver à nouveau un bonheur révolu.

C'est ce qu'expérimente Cohen dans L'écriture du Livre de ma mère.

À La mort de sa mère, il est dévasté par La douleur et ne cesse de regretter de n'avoir pas su profiter suffisamment de La présence maternelle, aussi envahissante qu'aimante.

IL cherche alors à retrouver tous Les petits bonheurs qu'elle Lui procurait.

Lécriture autobiographique est L'occasion de faire émerger ces souvenirs heureux, souvent enfouis dans La mémoire.

Ainsi, La Longue énumération des plaisirs d'enfance suscite L'émergence de nouveaux sou­ venirs; parfois, c'est L'harmonie sonore des mots qui s'enchaînent qui excite La mémoire : [«vertueuses chromos, conforts et confitures», «noyau d'abricots thésaurisés, boÎte à herboriser»).

parfois c'est L'association des mots en séries thématiques qui fait rejaillir un moment heureux [«cahiers neufs de la rentrée, sac d'école en fau léopard, plumiers japonais, plumiers à plusieurs étages, plumes Sergent-Major, plumes baïonnette de Blanzy Poure, goûters de pain et de chocolat»].

Lécriture permet à L'autobiographe de revivre son bonheur passé et Lui apporte à nouveau de La joie, qui se traduit par L'enthousiasme Lyrique de ses Longues énumérations.

Ainsi, que ce soit pour apaiser une douleur ou au contraire pour prolonger un bonheur, on écrit son autobiographie* pour des raisons sentimentales.

Cependant, L'autobiographe ne se Laisse pas seulement guider par ses senti­ ments.

1 L peut aussi écrire pour analyser son passé et porter un regard critique sur son existence.

Ainsi, il écrit aussi son autobiographie* pour se juger et juger ceux qui L'ont entouré, ont influencé son existence d'une façon ou d'une autre.

Rousseau a Le sentiment d'être mal jugé par Le monde: c'est donc pour rétablir La vérité qu'il entreprend Les Confessions.

Pour Lui, L'écriture autobiographique doit être un regard Lucide et critique sur son existence.

IL affirme clairement dans Le texte Liminaire : «J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise.

Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon; {...].

Je me suis montré tel que je fus; mépri­ sable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été».

Écrire son autobiographie*, c'est donc pour Rousseau, se juger et il revendique ce privilège.

Pour Martin Gray, écrire son autobiographie*, c'est juger les Allemands, ceux qui ont anéanti sa famille et ses amis.

À chaque fois que son récit, Au nom de tous les miens, le ramène à une situation critique, un épisode douloureux, il se souvient de ce qui l'a aidé à survivre : la nécessité de juger les SS : «Adieu les miens.

Adieu.

Pour vous, je ne peux qu'une seule chose, vivre encore.

Pour vous venger et dire ce que vous étiez et comment ils vous tuèrent.» Pour lui, L'écriture auto­ biographique participe de La même intention que sa participation à des tribunaux après guerre.

IL s'agit de juger, de condamner.

On écrit donc parfois son autobio­ graphie* pour obéir à un désir de justice.. »