Le mythe de Sisyphe.
Publié le 04/11/2013
Extrait du document
«
Cette
vielecomble, rienn'est pirequedelaperdre.
Cefou estungrand sage.Maisleshommes qui
vivent d'espoir s'accommodent maldecet univers oùlabonté cèdelaplace àla générosité, latendresse au
silence viril,lacommunion aucourage solitaire.
Ettous dedire : « C'était unfaible, unidéaliste ouun
saint. » Ilfaut bienravaler lagrandeur quiinsulte.
*
S'indigne-t-on assez(oucerire complice quidégrade cequ'il admire) desdiscours deDon Juan etde
cette même phrase quisert pour toutes lesfemmes.
Maispourquicherche laquantité desjoies, seule
l'efficacité compte.Lesmots depasse quiont fait leurs preuves, àquoi bonlescompliquer ? Personne,ni
la femme, nil'homme, neles écoute, maisbienplutôt lavoix quilesprononce.
Ilssont larègle, la
convention etlapolitesse.
Onlesdit, après quoileplus important resteàfaire.
DonJuan s'yprépare
déjà.
Pourquoi seposerait-il unproblème demorale ? Cen'est pascomme leMañara deMilosz pardésir
d'être unsaint qu'ilsedamne.
L'enfer pourluiest chose qu'onprovoque.
Ala colère divine, iln'a qu'une
réponse etc'est l'honneur humain :« J'aidel'honneur, dit-ilauCommandeur, etjeremplis mapromesse
parce quejesuis chevalier. » Maisl'erreur seraitaussigrande d'enfaire unimmoraliste.
Ilest àcet
égard « comme toutlemonde » : ilala morale desasympathie oude son antipathie.
Onnecomprend bien
Don Juan qu'en seréférant toujoursàce qu'il symbolise vulgairement : leséducteur ordinaireetl'homme
à femmes.
Ilest unséducteur ordinaire
[15] .
À cette différence prèsqu'ilestconscient etc'est parlàqu'il estabsurde.
Unséducteur devenu
lucide nechangera paspour autant.
Séduire estson état.
Iln'y aque dans lesromans qu'onchange d'état
ou qu'on devient meilleur.
Maisonpeut direqu'à lafois rien n'est changé ettout esttransformé.
Ceque
Don Juan metenacte, c'est uneéthique delaquantité, aucontraire dusaint quitend verslaqualité.
Ne
pas croire ausens profond deschoses, c'estlepropre del'homme absurde.
Cesvisages chaleureux ou
émerveillés, illes parcourt, lesengrange etles brûle.
Letemps marche aveclui.L'homme absurdeestcelui
qui nesesépare pasdutemps.
DonJuan nepense pasà« collectionner » lesfemmes.
Ilen épuise le
nombre etavec elles seschances devie.
Collectionner, c'estêtrecapable devivre deson passé.
Maislui
refuse leregret, cetteautreforme del'espoir.
Ilne sait pasregarder lesportraits.
*
Est-il pourautant égoïste ? Asa façon sansdoute.
Maislàencore, ils'agit des'entendre.
Ilyaceux
qui sont faits pourvivre etceux quisont faits pouraimer.
DonJuan dumoins ledirait volontiers.
Maisce
serait parunraccourci commeilpeut enchoisir.
Carl'amour dontonparle iciest paré desillusions de
l'éternel.
Touslesspécialistes delapassion nousl'apprennent, iln'y ad'amour éternelquecontrarié.
Il
n'est guère depassion sanslutte.
Unpareil amour netrouve defin que dans l'ultime contradiction quiest
la mort.
Ilfaut être Werther ourien.
Làencore, ilyaplusieurs façonsdesesuicider dontl'une estledon
total etl'oubli desapropre personne.
DonJuan, autant qu'unautre, saitquecela peut êtreémouvant.
Mais ilest undes seuls àsavoir quel'important n'estpaslà.Ille sait aussi bien : ceuxqu'un grand amour
détourne detoute viepersonnelle s'enrichissent peut-être,maisappauvrissent àcoup sûrceux queleur
amour achoisis.
Unemère, unefemme passionnée, ontnécessairement lecœur sec,carilest détourné du
monde.
Unseul sentiment, unseul être, unseul visage, maistoutestdévoré.
C'estunautre amour qui
ébranle DonJuan, etcelui-là estlibérateur.
Ilapporte avecluitous lesvisages dumonde etson
frémissement vientdecequ'il seconnaît périssable.
DonJuan achoisi d'être rien.
Il s'agit pourluide voir clair.
Nous n'appelons amourcequi nous lieàcertains êtresqueparréférence
à une façon devoir collective etdont leslivres etles légendes sontresponsables.
Maisdel'amour, jene
connais quecemélange dedésir, detendresse etd'intelligence quime lieàtel être.
Cecomposé n'estpas
le même pourtelautre.
Jen'ai pasledroit derecouvrir toutescesexpériences dumême nom.Cela
dispense deles mener desmêmes gestes.
L'homme absurdemultiplie encoreicicequ'il nepeut unifier.
Ainsi découvre-t-il unenouvelle façond'être quilelibère aumoins autant qu'elle libèreceuxqui.
»
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