Devoir de Philosophie

synthèse bovary

Publié le 18/09/2013

Extrait du document

bovary
MADAME BOVARY FLAUBERT   I - LE RECIT            1) L’incipit   Le récit débute puis se termine avec le personnage de Charles. L’incipit relate l’enfance de Charles et dépeind son caractère. En peignant Charles, Flaubert peint aussi l’élément essentiel du malheur qui attend Emma : la médiocrité de son futur mari. Le romancier insiste sur la faiblesse et l’intelligence limitée de Charles, pour ancrer par avance la déception d’Emma dans une réalité bien connue du lecteur : l’insuffisance de Charles aux yeux de celle qui sera Madame Bovary.            2) Analyse et structure du récit                      Etude de la structure d’ensemble   La courbe évolutive du récit Le roman comporte trois parties. Nous remarquons que le coeur de la partie centrale, càd les chapitres 8,9 et 10, correspond au « sommet « de la destinée d’Emma : c’est la période de l’adultère avec Rodolphe, où l’héroïne oublie la platitude de son mariage et n’est pas encore assaillie par les problèmes d’argent, comme dans la troisième partie. Aux extrémités du roman, nous avons, au début, un long crescendo, et à la fin, un long descrescendo : avant le mariage de Charles et d’Emma (Chap 1, 2, 3 de la première partie), Emma elle-même est à peine connue du lecteur, et il faudra encore trois chapitres (chap 4, 5, 6) au romancier pour cerner les causes de l’insatisfaction de son héroïne. A la fin du roman, dans les chap 10 et 11, on découvre la ruine financière, morale, puis physique, de Charles après la disparition d’Emma : le personnage s’éteind petit à petit.   L’enchaînement des trois parties             ÄPremière partie : Emma jeune fille s’ennuie à la ferme (chap 3) et attend du mariage la révélation de l’amour (chap 6). Mais son mariage la déçoit, l’ennui s’approfondit. Espoir de renouvellement en quittant Tostes pour Yonville.               ÄDeuxième partie : espoir non concrétisé avec Léon (Chap 6). Espoir concrétisé avec Rodolphe (chap 9), qui néanmoins abandonne Emma (chap 13). Chute de l’héroïne dans le désespoir et le dégoût de la vie (chap 13-14). L’espoir renaît avec Léon (chap 15)               ÄTroisième partie : Concrétisation de l’espoir par l’adultère hebdomadaire avec Léon (chap 5), l’oubli des réalités conjugales et financières (chap 6). Chute dans la ruine par endettement, abandon par Léon (Chap 7), suicide (chap 8)   On voit que chaque partie constitue une sorte de cycle qui s’ouvre sur l’attente, par Emma, d’un changement positif de sa vie, et se clôt sur la deception, ou même le désespoir, parce que la réalité n’a pas rejoint le rêve.                      La structure cyclique de chacune des parties   Chacune des parties forme donc un cycle qui va de l’ennui à l’ennui plus profond, après le passage par une apothéose illusoire.   Première partie Ici,le génie de Flaubert consiste à lier et à opposer le destin respectif des époux Bovary. La vie conjugale, qui est le comble du bonheur pour Charles, coïncide précisément avec le début des désillusions d’Emma et l’attente vague d’autre chose (chap 5). Dans la vie d’Emma, l’apothéose va être représentée alors par l’épisode du bal à la Vaubyessard (chap 8). Nous sommes au sommet de la courbe : rêve et réalité se confondent pour Emma. La phase descendante et déceptive est marquée par le chap 9 où, de retour dans le quotidien de son ménage, Emma connaît un ennui plus profond et même des troubles nerveux.   Deuxième partie Nous retrouvons dans cette partie les mêmes éléments de fond, mais les phases d’attente et de désillusion font l’objet d’un travail plus complexe. Les six premiers chapitres sont dominés par l’amitié amoureuse d’Emma et de Léon, qui s’achève avec le départ du jeune homme pour Paris. C’est une phase d’attente, puisque cette liaison demeure platonique et qu’elle paraît ne pas devoir connaître de suite. Mais, très habilement, Flaubert a construit un « mini-cycle « de l’attente-déception-attente à l’intérieur même de cette phase : après le départ de Léon, Emma a des accès de coquetterie, elle compense sa déception par l’achat de toilettes coûteuses et paraît mûre pour l’adultère. (chap 7). Elle attend de nouveau quelque chose. La phase heureuse connaît une apothéose rapide : c’est l’amour avec Rodolphe, dans la forêt (chap 9). A partir de là, tout l’art de Flaubert est d’introduire des ferments de désillusion dans la phase d’illusion heureuse : Emma a le sentiment de retrouver déjà dans l’adultère « les platitudes du mariage «. L’abandon d’Emma par Rodolphe engendre chez celle-ci une dépression de plusieurs mois qui est, du point de vue de la structure, le symétrique aggravé de la phase finale de la première partie. A l’opéra de Rouen, Emma, transportée par le spectacle (chap 15) est prête à idéaliser un nouvel amour quand réapparaît Léon : un nouveau cycle commence.   Troisième partie Le romancier a ajouté un élément dans le destin d’Emma, qui fait tourner au drame l’échec sentimental : c’est l’endettement, et la menace de la ruine pour le ménage Bovary. Ce facteur nouveau se conjugue avec la déception qu’Emma connaît avec Léon, comme avec Rodolphe. La phase finale (désespoir et suicide) apparaît à son tour comme le symétrique aggravé de l’abattement qui a suivi l’abandon de Rodolphe.                          Structure d’alternance et structure de répétition   La structure d’alternance A l’intérieur de chacune des trois parties, le romancier fait alterner le récit de moments statiques (essentiellement consacrés à l’ennui d’Emma) et le récit d’événements marquants et uniques, qui se détachent sur la grisaille de fond. Dans la première partie, cette alternance est particulièrement nette.             - chap 4 : moment fort ; les noces de Charles et d’Emma.             - chap 5 : rythme étale et répétitif ; la vie conjugale.             - chap 8 : moment exceptionnel ; le bal à la Vaubyessard.             - chap 9 : retour à la vie répétitive ; ennui d’Emma.   Dans la deuxième partie, le chap 9, qui raconte la scène unique à tous les égards de l’amour en forêt avec Rodolphe, est suivi par la description des plates routiens de l’adultère (chap 10). L’opération du pied-bot par Charles, qui échoue pitoyablement (chap 11) , joue le rôle de faux moment fort dans la carrière de Charles. Dans la troisième prtie, on remarquera qu’à l’alternance entre la description des petites habitudes de l’adultère et celle de l’endettement à répétition (chap 6 et 7), succède l’épisode dramatique de la mort d’Emma.                      La structure de répétition   Il est des exemples évidents, où la signification de la symétrie saute aux yeux : Emma quitte un bourg ennuyeux, Tostes, pour trouver en Yonville un second bourg étouffant. Il y a une idylle platonique avec Léon en début de troisième partie, et après l’échec avec Rodolphe, un adultère avec le même Léon,dans cette même partie. Flaubert souligne ainsi le fait que la vie d’Emma, malgré un désir perpétuel d’évasion, est destinée à retomber toujours dans les mêmes ornières. La répétition s’accompagne souvent de dégradation dans la situation répétée : à l’amour en forêt avec Rodolphe, dans la splendeur de la nature automnale (II, 9) répond l’amour avec Léon, dans le pitoyable fiacre de location (III 1).     La structure cyclique est l’image de l’éternel retour de l’échec dans le destin d’Emma. Le génie de Flaubert est d’avoir concilié les phénomènes de cyclicité et de répétition avec la marche de la fatalité dans le récit, qui fait de Madame Bovary, à certains égards, un roman tragique.              3) Le personnage de roman                      L’identité   Le titre du roman prive Emma de son identité en assimilant la jeune femme à son rôle social. C’est cette aliénation au mari que souligne Rodolphe lorsqu’il déclare : Madame Bovary !...Eh! tout le monde vous appelle comme cela !... Ce n’est pas votre nom, d’ailleur ; c’est le nom d’un autre ! Madame Bovary est l’héroïne du roman. Mais il faut attendre le chap 5 pour que Emma, objet du regard de Charles, devienne sujet, et pour que le lecteur ait accès à sa conscience.     II - LA NARRATION            1) Le point de vue                      ÄL’omniscience   L’omniscience dans la présentation d’un lieu ou d’un personnage : Ainsi, la présentation de Yonville (II, 1) paraît relever d’un savoir complet que possèderait le narrateur sur le pays dans les domaines géographique, topographique et économique. Nous repérons un signe supplémentaire d’omniscience, quand le narrateur observe : « Depuis les événements que l’on va raconter, rien, en effet, n’a changé à Yonville «. C’est donc que le romancier attest savoir tout de la vie du bourg, le drame particulier du ménage Bovary n’étant qu’un épisode de la chronique yonvillaise. On remarquera que les trois derniers paragraphes du roman sont écrits dans cette même omniscience froide. Avec beaucoup de rigueur, Flaubert use de l’omniscience lorsqu’elle est justifiée par le destin des personnages : en tête de la deuxième partie, Yonville est présentée sous le régime de l’omniscience parce que, Charles et Emma n’y étant pas arrivés, l’adoption de leur point de vue aurait été malencontreuse. Plusieurs personnages sont présentés par un narrateur omniscient. Rodolphe est rapidement peint comme intelligent et sans scrupules, par un narrateur qui semble l’avoir percé à jour.   L’omniscience dans des interventions ponctuelles : Par moments, le narrateur formule des appréciations qui attestent d’un savoir psychologique superieur à celui de tous les personnages. Si Rodolphe évite Emma après leur rupture, se croyant fort et libre, c’est « par suite de cette lâcheté naturelle qui caractérise le sexe fort « (III, 8), commente le narrateur. Quand Emma fait de grandes déclarations d’amour à Rodolphe, celui-ci croit qu’elle n’est pas sincère et qu’elle se paie de mots. Erreur grave que corrige le narrateur en plaidant pour Emma, parce qu’il paraît connaître le fond de son âme. Mais ce type d’interventions est rare dans le roman.                      ÄLe point de vue externe   Flaubert n’a guère utilisé cette technique, sauf dans une scène célèbre : il s’agit de l’épisode du « fiacre « (III, 1). Léon et Emma sillonnent Rouen interminablement, dans un piteux fiacre de location dont ils ont baissé les stores. Le lecteur a tôt fait de deviner, sans que rien soit dit, que ce fiacre sert de refuge commode aux deux amants pour leur première relation physique. Le narrateur se borne en effet à énumérer tous les lieux qui ont vu passer cet étrange fiacre ; pas un instant il ne nous donne accès à l’intérieur de la voiture ; quand Léon et Emma en sont descendus, il ne délivre aucune information rétrospective.                      ÄLe point de vue subjectif   A des degrés divers, le narrateur adopte le point de vue des quatre personnages essentiels (Emma, Charles, Léon et Rodolphe)   Léon et Rodolphe : deux points de vue sur Emma Le narrateur n’adopte le point de vue de ces deux personnages que pour faire apparaître Emma dans le champ de leur vision ou de leur imagination. Ceci correspond au fait qu’ils n’ont d’existence romanesque que comme amants de l’héroïne : leur intériorité n’est traitée que par rapport à leur attraction ou à leur répulsion pour Emma. Par moments même, l’adoption de leur point de vue par le narrateur paraît une simple commodité technique : le beau portrait du visage d’Emma le jour des Comices (II, 8) est motivé par le fait que Rodolphe vient d’apercevoir Emma. En revanche, lors de l’épisode de la forêt, c’est bien le regard de Rodolphe, plein de convoitise, qui se pose sur le « bas blanc « découvert par Emma quand elle relève un peu sa robe.   Le point de vue de Charles : le regard de l’adorateur. Emma apparaît très souvent à travers le regard amoureux et ébahi de Charles (I,8 ; II;3). A la différence de Rodolphe et Léon, la focalisation interne est appliquée plusieurs fois à Charles : le narrateur épouse le contenu de sa rêverie (II, 12). On remarquera que ces passages se multiplient dans le dernier chapitre du roman ; c’est que visiblement, Flaubert sympathise avec son personnage qui, transformé par le chagrin, s’enfonce dans des rêveries d’adolescent triste.   Le regard et les rêves d’Emma : effets d’ironie Innombrables sont les passages où le réel nous est présenté perçu, idéalisé, fantasmé par Emma, sans parler des moments où la narration restitue la rêverie d’une héroïne qui oublie complètement le réel (II,12) ou est envahie brusquement par des images de son enfance (I, 8) Le travail stylistique de Flaubert sur de tels passages est remarquable : il fixe dans une syntaxe soutenue et dans des métaphores travaillées le contenu de conscience, que l’on suppose vague et informe, de la rêveuse. Cependant, en même temps qu’il épouse le point de vue d’Emma, il ridiculise sournoisement sa vision subjective à mesure qu’il la formule.            2) Qui parle ?   Le narrateur est extérieur à l’histoire (hétérodiégétique). Il écrit à la 3e personne.            3) Voix narrative   Le narrateur utilise le monoloque et le discours indirect libre pour faire une incursion dans la conscience des personnages.       III - L’ESPACE DANS Madame Bovary            1) Distribution et descriptions des lieux du réel                      Ä Oppositions de lieux et oppositions de personnages   Les personnages ont pour les lieux du roman des sentiments positifs ou négatifs qui révèlent leurs oppositions psychologiques. Ainsi Emma garde la nostalgie de son couvent de Rouen et idéalise jusqu’au ridicule cette ville, qui lui apparaît comme une Babylone moderne : la détestation d’Yonville liée à son mariage, agrandit pour elle Rouen, qui abrite son adultère, aux dimensions de Paris. Inversement, Léon, qui a vécu à Paris, affecte du mépris pour la vie provinciale. (III, 1)                      Ä La description des lieux   Flaubert, s’inscrivant dans la tradition ouverte par Balzac, s’oblige à nous faire consciencieusement découvrir les lieux de vie des personnages. Nous avons droit ainsi, à l’occasion de l’installation à Yonville du ménage Bovary, à une visite guidée de tout le bourg ; la description s’attarde (II, 1) sur les édifices remarquables, avec une ironie sournoise. Mais dans d’autres passages, Flaubert, comme lassé par la grisaille de son sujet, s’accorde un moment de bonheur esthétique. Ainsi, dans un passage célèbre (III, 5) la ville de Rouen vue d’en haut lui offre l’occasion d’une peinture aux effets impressionnistes, toute de reflets et de taches colorées. Toujours vue d’en haut, Yonville à travers la brume et les nuages ne manque pas d’une poésie inattendue (II, 9) : la vallée est comparée  à un « immense lac pâle « dont «les lignes de peupliers « formeraient « les grèves «. Ici, le romancier, faisant taire l’ironie, épouse le regard émerveillé d’Emma, qui croit avoir changé de monde et de vie.            2) Espaces quotidiens, espaces retrécis                      Ä Les thèmes de l’étroitesse, de la promiscuité et du surpeuplement   Les lieux de vie de l’héroïne sont placés sous le signe de l’étroitesse mesquine et de la promiscuité irritante : le jardin de la maison de Tostes, rectangulaire, qui paraît enfermé « entre deux murs de bauge « (I, 5). La salle de la maison d’Yonville, toute en longueur et basse de plafond invite seulement à se poster à la fenêtre pour regarder la rue. L’étroitesse est aggravée par l’enfermement qu’occasionne l’hiver, quand les fenêtres sont givrées et opaques. Moyen de transport, mais aussi espace collectif de vie, la diligence « L’Hirondelle «, longuement décrite, confine les voyageurs dans son intérieur mal éclairé par des vasistas « étroits « et poussiéreux. De l’étroitesse résulte un sentiment déplaisant de promiscuité : l’activité de Charles envahit l’intimité domestique (l’on entendait, de la cuisine, les malades tousser dans le cabinet) L’écrivain a redoublé ce thème de l’enfermement en l’appliquant métaphoriquement à l’intériorité d’Emma : L’avenir était un corridor tout noir, et qui avait au fond. sa porte bien fermée. Flaubert restitue ici l’état de conscience de l’héroïne à l’aide d’une image concrète, tirée de l’espace domestique qu’abhorre Emma.            3) L’ailleurs rêvé par Emma   Cet Ailleurs est si vague que le rêve d’Emma paraît être de voyager indéfiniment, par mer de préférence, parce que l’Océan « élève l’âme et donne des idées d’infini « (II, 2). La rêverie de l’Ailleurs a été peinte par Flaubert, dans une page célèbre (II, 12). Emma, à ce moment, est exaltée par le projet de fuir avec Rodolphe ; les amants doivent gagner Marseille et de là, continuer en calèche jusqu’à Gênes. La suite du voyage se perd dans le flou. A partir du texte de la rêverie d’Emma, on peut faire quatre séries de remarques :                           Äle voyage se présente comme une succession de cartes postales, où l’on reconnaît vaguement un paysage, puis une ville de caractère méditérranéen, auxquels succède un hameau de pêcheurs : le quotidien y présente les facilités supposées de la vie tropicale.                         Ä la rêverie accumule les clichés du décor méditérranéen : citronniers, églises de marbre blanc, guitares, mulets, vêtements de couleurs vives...                         Ä Emma finit par confondre les images entre elles, si bien que l’Ailleurs perd toute réalité géographique.                         Äles thèmes qui caractérisent l’Ailleurs sont la luminosité, la chaleur, la vie facile et paresseuse.   IV - LA DESCRIPTION   Certains critiques ont souligné la fascination du romancier pour la description. La stagnation du récit invite à la contemplation de l’objet représenté et plus encore du texte et de l’écriture qui le représentent.   Le narrateur accorde aux objets la même attention qu’à son personnel romanesque. Les objets ne sont plus seulement, comme dans la tradition balzacienne, les élément d’un décor, ni même seulement des indices importants pour expliquer le personnage. Dans l’épisode de la noce d’Emma, le narrateur s’attache moins aux personnages composant le cortège qu’aux volumes, aux couleurs et aux tissus des vêtements (I, 4). Lors de la description de la pièce montée, le descripteur de plaît à nous étonner par sa minutie à composer description, si bien que l’attention du lecteur est attirée davantage par l’échafaudage du paragraphe que sur celui de la pièce montée ! La description de la chambre d’hôtel où se retrouvent Emma : l’écrivain a meublé à sa guise cette pièce banale, il nous fait sentir le charme suranné de tout un luxe ancien, il fixe dans son texte les reflets qui se posent fugitivement sur les cuivres du lit. Or, tout ceci n’est nécessaire ni à l’intrigue, ni à l’illusion réaliste, ni à aucune démonstration symbolique : c’est la poésie de pure présence des objets qui avec Flaubert apparaît dans le roman.   L’abondance des descriptions ne répond donc pas seulement chez lui, comme chez Balzac par exemple, à des nécessité d’ordre dramatique, mais d’abord à ce qu’il nomme lui-même « l’amour de la contemplation «. On trouve bien dans son oeuvre quelques tabeaux descriptifs, comme celui d’Yonville au début de la deuxième partie de Madame Bovary, dont la présence est justifiée par le besoin de donner à l’action et aux sentiments une sorte de cadre explicatif [...]. Mais plus souvent la description se développe pour elle-même, aux dépens de l’action qu’elle éclaire bien moins qu’elle ne cherche, dirait-on, à la suspendre et à l’éloigner.[...] Cet effet d’immobilisation est peut-être plus sensible dans une oeuvre comme Bovary, où une tension dramatique pourtant très puissante est sans cesse contrariée par des points d’orgue descriptifs d’une admirable gratuité. Gérard Genette, « Silences de Flaubert «, in Figures I. LA SATIRE DU ROMANTISME     Flaubert est contemporain de l’explosion romantique (1820-1850), dont il a subi l’influence, partagé les goûts et les rêves. La trace ne s’en effacera jamais complètement : « Il y a en moi, littérairement parlant deux bonhommes distincts : un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d’aigles, de toures les sonorités de la phrase et des sommets de l’idée : un autre creuse et fouille le vrai tant qu’il peut « En rédigeant Madame Bovary, Flaubert lutte contre ses penchants personnels, mais il entreprend aussi de dresser le bilan moral de la génération romantique. Et ce bilan équivaut à un constat d’échec.               1) La satire des écrivains romantiques   L’action du roman se déroule entre 1828 et 1856, en pleine période romantique. Aussi est-il naturel qu’Emma dévore les oeuvres des grands écrivains romantiques. Sont cités Chateaubriand, Lamartine et Walter Scott. A chaque fois, Flaubert les évoque sur le mode satirique. Mais il le fait d’une manière particulière et subtile : en les imitant et en jouant sur les dissonances de ton.                      ÄLe pastiche du roman historique   Le romantisme voit la vogue du roman historique, lancée par l’écossais Walter Scott. Flaubert ne manque pas de prêter à son héroïne la passion des « choses historiques «. A la façon d’un pastiche - càd en imitant le style et les thèmes des auteurs de romans historiques -, il se moque de cette mode.                      ÄLa caricature des envolées lyriques   Toute l’oeuvre de Chateaubriand est marquée par un style somptueux et oratoire : de grandes phrases expriment les effusions du coeur, peignent de vastes paysages, jouent avec les siècles. Le dimanche, Emma attend avec impatience la lecture de passages du Génie du christianisme. La phrase de Flaubert prend alors le rythme de l’écriture de Chateaubriand : Comme elle écoute, les premières fois, la lamentation sonore des mélancolies romantiques se répétant à tous les échos de la terre et de l’éternité ! La caricature vient ici de l’éxagération.                      ÄLa poésie romantique tournée en burlesque   Le burlesque est un procédé de style qui consiste dans un décalage volontaire entre le fond et la forme, entre le cadre et le thème, entre le contexte et l’action. Il transparaît surtout lors de l’épisode de la promenade en barque sur la Seine au début du chapitre 3 de la troisième partie. Emma récite les vers du « Lac « de Lamartine. Mais quand on compare le poème avec les pages du roman, on ne peut être que saisi et amusé par les différences et les contrastes. A l’air embaumé du lac du Bourget, Flaubert substitue la fumée du goudron ; aux molles clartés de la lune qui scintillent sur la surface de l’eau, il oppose les larges gouttes grasses qui flottent sur la Seine. Les rameurs sont remplacés par un batelier vulgaire.            2) Le procès de l’esprit romantique                      ÄLes dangers des rêves infinis   Le héros romantique est par définition un être insatisfait. La conviction de vivre dans un univers trop étroit l’empêche de satisfaire ses aspirations à l’infini. Victime de ses lectures qui entretiennent en elle l’idéal d’un amour et d’un bonheur absolus, Emma cherche vainement la réalisation de cette existence rêvée et romanesque. Par comparaison, tout ne peut lui paraître que fade et sans intérêt. La fuite dans l’imaginaire ne peut qu’engendrer des déceptions.                      ÄLes excès de la sensibilité   Emma qui possède un « tempérament plus sentimental qu’artiste, cherchant des émotions et non des paysages « verse dans une franche sensiblerie. Par exemple : Penchée sur le plan de Paris et ses gravures, Emma nie l’espace réel qui est le sien et va jusqu’à voir et entendre Paris. Il en va de même avec les êtres. Emma refuse de voir Léon tel qu’il est.                      ÄLa fuite hors du monde   Sensible, insatisfait, imaginatif, le héros romantique cherche à échapper à la réalité qui l’entoure. Emma réagit semblablement. Les rêves qu’elle nourrit à la veille de son départ avec Rodolphe réunissent tous les lieux communs de la littérature romantique : l’ailleurs exotique, l’innocence du bonheur, le retour à la nature.            3) Une satire ambiguë                      ÄLe bovarysme, fils du romantisme   L’histoire d’Emma est celle d’une existence qui se défait au lieu de se faire. C’est un itinéraire d’échec. La raison en est dans la certitude qu’il existe ailleurs un paradis « S’il y avait quelque part un être fort et beau, une nature valeureuse [...], pourquoi, par hasard, ne le trouverait-elle pas ? « Cette conviction, alimentée par la lecture des romans, est d’autant plus vive que partout domine l’ennui. Emma incarne à sa façon ce « mal de siècle «. En ce sens, le bovarysme naît du romantisme, qui s’est constamment plu à souligner la contradiction vécue du rêve et de la réalité.                      ÄSatire ou nostalgie?   En faisant d’Emma une victime romantique, Flaubert dénonce en même temps la grisaille et les souillures mêmes du monde moderne. Emma a tort de choisir ses rêves contre la réalité. Mais n’est ce pas dire que la réalité est laide ? La satire flaubertienne du romantisme débouche sur un paradoxe : elle semble regretter ce qu’elle condamne et qu’elle tourne en ridicule.     INFLUENCE DE L’OEUVRE              1) Un roman réaliste ?   Le mouvement réaliste et l’école naturaliste vont se réclamer de Flaubert. Maupassant affirme qu’après Madame Bovary, la preuve est faite que le vrai sujet du roman moderne, c’est la dimension prosaïque et quotidienne de la vie. Toute cette génération admire l’exactitude minutieuse de l’observation sociale, dans ce roman qui porte effectivement le sous-titre de Moeurs de province. On loue la force et le naturel d’une histoire qui a l’air de suivre les enchaînements accidentels d’une existence réellement vécue. La réussite stylistique du roman est laissée dans l’ombre. Aussi Flaubert va-t-il rejeter les épithètes de « réaliste « ou « naturaliste « appliquées à son roman. Il reproche à ceux qui se réclament de lui leur indifférence au caractère esthétique du roman.            2) Madame Bovary ou l’invention de « l’art du roman «   Au début du Xxe s, l’intérêt pour ce roman va se déplacer vers un pôle radicalement opposé à la doctrine réaliste. Dans un essai sur L’Art du roman, Henry James s’emploie à montrer qu’avec Madame Bovaryj, Flaubert a hissé le roman français jusqu’à une cohérence esthétique inconnue auparavant. Pour James, il faut avant tout admirer l’invention d’une forme. Il analyse particulièrement le travail accompli par Flaubert sur le point de vue subjectif qui a contribué à un profond renouvellement du romant européen. (cf le héros-narrateur de Proust)            3) « Flaubert le précurseur «   Les romanciers du Nouveau Roman vont procéder à une lecture « orientée « de Flaubert pour en faire leur précurseur. Nathalie Sarraute souligne le dédain de Flaubert pour « l’histoire « et son attachement à la description. Elle fait de Flaubert le précurseur d’un art abstrait du roman, dans lequel le prétendu réalisme n’est qu’une façade qui cache l’idéal profond du romancier « faire un livre sur rien [...] un livre qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style «. L’obsession formelle et structurelle de Flaubert est frappante dans son roman ; la description des objets dépasse le simple souci réaliste, et leur accorde une présence et une signification romanesques.  
bovary

« oublie la platitude de son mariage et n'est pas encore assaillie par les problèmes d'argent, comme dans la troisième partie. Aux extrémités du roman, nous avons, au début, un long crescendo, et à la fin, un long descrescendo : avant le mariage de Charles et d'Emma (Chap 1, 2, 3 de la première partie), Emma elle-même est à peine connue du lecteur, et il faudra encore trois chapitres (chap 4, 5, 6) au romancier pour cerner les causes de l'insatisfaction de son héroïne.

A la fin du roman, dans les chap 10 et 11, on découvre la ruine financière, morale, puis physique, de Charles après la disparition d'Emma : le personnage s'éteind petit à petit.   L'enchaînement des trois parties             ÄPremière partie : Emma jeune fille s'ennuie à la ferme (chap 3) et attend du mariage la révélation de l'amour (chap 6).

Mais son mariage la déçoit, l'ennui s'approfondit.

Espoir de renouvellement en quittant Tostes pour Yonville.               ÄDeuxième partie : espoir non concrétisé avec Léon (Chap 6).

Espoir concrétisé avec Rodolphe (chap 9), qui néanmoins abandonne Emma (chap 13).

Chute de l'héroïne dans le désespoir et le dégoût de la vie (chap 13-14).

L'espoir renaît avec Léon (chap 15)               ÄTroisième partie : Concrétisation de l'espoir par l'adultère hebdomadaire avec Léon (chap 5), l'oubli des réalités conjugales et financières (chap 6).

Chute dans la ruine par endettement, abandon par Léon (Chap 7), suicide (chap 8)   On voit que chaque partie constitue une sorte de cycle qui s'ouvre sur l'attente, par Emma, d'un changement positif de sa vie, et se clôt sur la deception, ou même le désespoir, parce que la réalité n'a pas rejoint le rêve.                      La structure cyclique de chacune des parties  . »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles