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Une symbolique du sacrifice

Publié le 14/04/2016

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Une symbolique du sacrifice Dans le mot sacrifice apparaît immédiatement l'idée de sacré. Mais ce mot induit aussi l'idée de violence. La violence est-elle sacrée? Le sacré est-il violent? Dans beaucoup d'enseignements initiatiques la violence est présente. La maçonnerie n'y échappe pas. Dans les deux premiers degrés de la maçonnerie, la violence est déjà présente. Elle apparait principalement pour marquer l'engagement que l'on prend. On montre ce qui attend un frère "s'il trahit son secret: c'est la scène du parjure. On souligne l'engagement pris dans l'initiation par le signe pénal, en disant qu'on préférerait avoir la gorge tranchée plutôt que de trahir son secret. Le second degré surenchérit dans une image plus violente selon laquelle il faudrait s'arracher le c?ur si on trahissait son secret. Dans le troisième degré la violence est beaucoup plus présente. Elle est même mise en scène. Alors que dans la scène du parjure du premier degré, la violence n'apparaît que sous la forme d'un tableau (ce que l'initié voit n'est que le résultat d'un acte qui a été fait mais qu'il n'a pas vu) dans l'initiation au troisième degré les différents acteurs prennent une part active dans cette violence. Alors que la maçonnerie a un idéal d'amélioration de l'homme, je me suis toujours demandé, et particulièrement depuis mon élévation à la maîtrise, pourquoi la violence était aussi présente dans les initiations. Le franc-maçon n'échappe-t-il donc pas à la violence? Quelle signification donner à ces meurtres? Mon désir de comprendre, m'a poussé à en savoir plus sur le sujet. J'ai essayé de synthétiser ci dessous ce que j'ai, pour l'instant, digéré de mon initiation et de mes lectures. Sans vouloir être exhaustif, je ne me suis intéressé qu'à deux aspects du sacrifice: son rôle sociologique et une (et non pas la) signification symbolique, que j'ai cru comprendre dans mon initiation au troisième degré et que j'ai tenté d'étayer par des exemples pris dans des textes sacrés. Le rôle sociologique du sacrifice : Toutes les sociétés ont eu un souci commun, celui de canaliser la violence. René Girard, dans son livre intitulé "la violence et le sacré" en explique les mécanismes. Dans toutes les sociétés les tensions entre les individus doivent être maîtrisées, canalisées, sinon la survie du groupe lui même est menacée. En effet l'agression d'un individu sur un autre suscite de la part de l'agressé une violence réciproque: une vengeance. Cette vengeance ne sera jamais équivalente à l'agression première. Elle entraînera inévitablement une réaction et c'est à un conflit généralisé que l'on s'expose. Cette généralisation du conflit met en péril l'unité initiale du groupe. Dans certaines sociétés primitives dans lesquelles la justice n'est pas organisée, pour éviter un conflit entre deux familles lorsqu'un meurtre a été commis, la famille de l'agresseur choisit parmi ses membres un individu qu'elle va sacrifier en réparation du meurtre. Il s'agit très souvent d'un être cher, car pour qu'il y ait réparation, il faut qu'il en coûte. Ce sacrifice évitera qu'un conflit ne naisse et ne dégénère entre les deux familles évitant ainsi un grand nombre de morts. Dans les sociétés modernes, c'est la justice qui joue ce rôle d'arbitre, de distanciation et de réparation. Le sacrifice, quand il est ritualisé, a un rôle de prévention. Toutes les sociétés ont cherché à mettre en place des dispositifs destinés à endiguer, canaliser la violence qui est en l'homme. Les jeux du cirque romains, les matchs de boxe, les matchs de foot ball modernes ont un rôle similaire. La mise en scène rituelle de sacrifice a pour objet de maintenir la violence hors de la communauté. Pour cela, il est commode de désigner une victime sur laquelle on va faire porter tous les maux que la société a à endurer. C'est le rôle du bouc émissaire. Non seulement le rôle de prévention est assuré, mais en plus s'ajoute un rôle unificateur de la société. Le sacrifice rituel des Dinka décrit par René Girard dans "La violence et le sacré" est très caractéristique. La victime est ici un animal. (Je cite) "Des incantations reprises en ch?ur rendent...

« faisant converger la violence sur la victime rituelle.

La métamorphose de la violence réciproque en violence unilatérale est explicitement figurée et revécue dans le rite.

(...) Le paroxysme, dans le sacrifice Dinka, se produit, semble-t-il non avec la mort elle-même mais avec les imprécations rituelles qui la précèdent et qui passent pour capable de détruire la victime.

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) La mise à mort consiste parfois en une véritable ruée collective contre la bête.

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) Les signes d'hostilité et de mépris, les cruautés dont l'animal fait l'objet avant son immolation font place tout de suite après, aux témoignages d'un respect proprement religieux.

Ce respect coïncide avec la détente assurément cathartique qui résulte du sacrifice.

Si la victime emporte la violence réciproque avec elle dans la mort, elle a joué le rôle qu'on attendait d'elle; elle passe désormais pour incarner la violence sous sa forme bienveillante aussi bien que malveillante, c’est à dire la toute puissance qui domine les hommes de très haut; il est raisonnable, après l'avoir maltraitée de lui rendre les honneurs extraordinaires (...).

Les deux attitudes successives sont d’autant plus rationnelles, malgré leur contradiction, qu’il suffit d'adopter la première, pour jouir ensuite de la seconde " (fin de citation).

Il est important que tous participent à ce rite, et particulièrement les jeunes hommes qui détiennent le plus d'agressivité, et surtout afin qu'ils partagent un même crime.

Cette description est intéressante parce qu'elle montre une progression dans la montée de la violence qui est d'abord dans tous les sens puis s'oriente petit à petit vers une seule victime pour arriver à un paroxysme qui s'exprime avant tout par des paroles (les imprécations) puis une ruée finale vers la bête et enfin une détente cathartique. C'est à dire une purification et une libération. René Girard démontre dans cet ouvrage que c'est la violence initiale, inhérente à l'homme qui a conduit les sociétés à pratiquer les premiers rites.

Et de fait pratiquement toutes les religions ont des rites qui mettent en scène une violence. C'est sur cette signification cathartique du sacrifice que je voudrais m'arrêter et plus particulièrement la notion de libération.

Les exemples du sacrifice d'Abraham, de celui du Christ et de celui d'Hiram vont illustrer mon propos. Tout d'abord le Sacrifice d'Abraham.

Ou plutôt celui de son fils Isaac.

Les faits tels qu'ils sont racontés dans l'ancien testament sont les suivants: Abraham est vieux.

Il a une centaine d'années.

Il a deux enfants, mais un seul avec sa femme Sarah qui, jusqu'à l'âge de 90 ans avait été stérile.

Ce fils s'appelle Isaac.

Abraham entend la voix de Yahvé qui lui demande de sacrifier ce fils, qui est le seul légitime, alors qu'il est encore jeune.

Malgré ce que cela lui coûte, n'écoutant que sa foi, Abraham accompagné de son fils, et de deux serviteurs adolescents, monte sur la montagne sur laquelle il dresse l'holocauste et se prépare à trancher la tête d'Isaac comme Yhave le lui a demandé.

Dans le texte, alors que les serviteurs sont appelés adolescents, Isaac, qui a environ le même âge, est nommé comme fils d'Abraham, " ton fils, ton unique ".

Au moment où il lève sa main armée d'un couteau, Yhave lui demande d'arrêter.

Abraham voit alors un bélier qui avait les cornes prises dans un enchevêtrement de ronces.

C'est à ce bélier enchevêtré dans ses liens qu'Abraham va trancher la gorge.

Mary Balmary, dans son ouvrage intitulé "le sacrifice interdit" fait l'interprétation suivante.

Le texte précise qu'Abraham redescend de la montagne avec les trois adolescents, et non plus deux adolescents et son fils comme il était dit lors de la montée.

La nuance est importante.

Car ce sacrifice est une espèce d'ultime initiation qui permet à Isaac d'exister en tant qu'homme (il est adolescent, c'est à dire en train de devenir adulte).

Isaac, bien que restant génétiquement le fils d'Abraham, n'est plus la chose de son père mais un être séparé de lui.

Il n'existe plus en tant que fils de son père mais en tant que lui même.

En fait ce que Yhave a demandé de faire à Abraham est tout simplement de couper le lien père fils qui existe entre lui et Isaac.

Cette coupure va permettre à Isaac d'exister.

Et lorsqu’Abraham voit le bélier avec les cornes enchevêtrées dans les broussailles, il s'agit d'une vision, d'une prise de conscience, de sa propre dépendance vis à vis de Yahve.

Ce sacrifice règle donc deux problèmes: la rupture du lien de dépendance entre Yahve et Abraham et la rupture du lien de dépendance entre Abraham et son fils.

Et la mort du bélier, qui, lui, est adulte, symbolise ce qui attend tout être qui n'a pas été libéré des liens, symbolisés ici par les ronces, qui le rattachent à ses parents.

Cette interprétation de ce passage de la bible que fait Mary Balmary , est d'autant plus crédible que peu de temps auparavant on apprend que Sarah, la mère d'Isaac, avait été stérile tant que son père l'avait appelée Saraï.

En hébreux, Sarah veut dire "Princesse", mais Saraï est un génitif et veut dire "ma princesse".

C'est à dire qu'elle n'existait pas en tant que femme mais seulement en tant que fille de son. »

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