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CALVIN Jean : sa vie et son oeuvre

Publié le 19/11/2018

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CALVIN Jean (1509-1564). Auteur d’une œuvre théologique, polémique et épistolaire monumentale et fondateur d’un des deux principaux courants de la Réforme, où son audience égalera celle d’un Luther, Calvin est aussi — et peut-être d’abord — l’un des grands prosateurs français de la Renaissance. Son traité de l’Institution de la religion chrétienne, publié en latin en 1535, mais assez rapidement traduit par lui-même pour servir au « simple peuple » (1541), est sans nul doute le livre français le plus lu dans l’Europe du xvie siècle. Calvin y inventait un style et une langue qu’admirera, au siècle suivant, même un adversaire comme Bossuet. Style fait de simplicité, de clarté et de rigueur syntaxique; langue déjà classique par son dépouillement et surprenante de modernité par la « délatinisation » qui s’y accomplit. Cette révolution littéraire apparaît intimement liée au bouleversement idéologique qu’implique la Réforme. C’est parce que le débat théologique et philosophique cesse d’être le privilège d’une caste de clercs, qu’il ne peut plus s’écrire dans la langue de la scolastique mais doit recourir au parler vulgaire et revêtir « telle simplicité rude, et quasi agreste ».

 

« Contraint par la Grâce »

 

Né à Noyon et fils d’un procureur ecclésiastique de cette ville, Jean Cauvin (en latin, Calvinus) est envoyé à l’âge de quatorze ans à Paris. Il y reçoit une solide formation d’humaniste, au collège de la Marche tout d’abord, puis dans l’austère et traditionnel collège de Montaigu. Licencié ès arts (1528), il s’oriente, sur l’ordre de son père, vers des études juridiques, qu’il poursuit à Orléans, puis, sous André Alciat, à Bourges. Ayant obtenu sa licence de droit, mais renonçant, sitôt la mort de son père (1531), à la carrière juridique, il apprend le grec, puis l’hébreu auprès des humanistes Danès et Vatable. C’est vers cette époque qu’il donne sa première œuvre : une édition commentée du De clementia de Sénèque, où se révèle une profonde connaissance de la rhétorique, dont la terminologie technique sera abondamment utilisée dans ses traités ultérieurs. Converti aux nouvelles idées en 1533 au plus tard, il devient d’emblée « réformateur malgré lui », suscitant à son corps défendant des vocations et des martyrs. Commence alors le temps des persécutions et de l'errance. Il s’enfuit à Angoulême, fief de Marguerite de Navarre, visite Lefèvre d’Étaples à Nérac, puis se rend en Italie auprès de Renée de Ferrare, la protectrice de Marot. L’affaire des Placards (sept. 1534)

 

et la violente répression qui s’ensuit le contraignent à un exil définitif. A Bâle, il achève la première version de l'Institution, précédée d’une Épître au roy où il demande l’arrêt des persécutions et distingue les réformés, loyaux sujets, des anabaptistes anarchistes de Munster, auxquels le pouvoir tendait à les assimiler. De passage à Genève en 1536, il y est retenu par les « adjurations épouvantables » du réformateur Guillaume Farel, mais il doit s’exiler avec celui-ci en 1538, à la suite du conflit qui les oppose au Conseil général de la ville. Calvin se rend à Strasbourg, auprès de Bucer, où il poursuit, avec l’Épître au cardinal J. Sadolet et la deuxième édition, augmentée, de l'Institution, son travail de théologien. Un renversement de majorité au Conseil de Genève le rappelle, malgré lui, dans cette ville, où il va demeurer de 1541 jusqu’à sa mort. Il y affirme peu à peu une autorité incontestée, ajoutant à une activité pastorale continue — il prononce un sermon par jour — l’organisation juridique et politique d'un Etat théocratique, dont il se veut l’humble gérant. Le principal événement de cette période est le procès doctrinal intenté en 1559 à Michel Servet. Sa conclusion, que Calvin n’a pas voulue, sera l’exécution par le feu de l’accusé.

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« réformateur découvre, non pas un rapport d'essence : «Ceci est réellement », mais un rapport de signification : « Ceci signifie ».

Au lieu d'identifier le pain et la chair, le vin et le sang du Christ, comme le faisait l'Église traditionnelle, l'Institution distingue un signifiant et un signifié unis et «scellés>> -mais non plus confondus - dans une relation de sens.

En cette liaison nécessaire, l'objet signifiant apparaît subordonné à la chose signifiée qu'il exprime, mais dont il reste distinct.

Le débat de l'Eucharistie, essentiel dans la Réforme calviniste, ramène la théologie à la question rhétorique du sens.

Il anticipe, au-delà des prolongements polémiques de l'exégèse évangélique, un mode d'analyse du langage que la linguistique saussurienne reprendra à son compte.

Les deux styles Exposé dogmatique, l'Institution peut se lire aussi comme une «tragédie grandiose», selon le mot d'Abel Lefranc, où, de la corruption originelle à la rédemption finale, se déroule la destinée de l'homme chrétien.

Tout commence par le clair-obscur de la caverne platoni­ cienne.

La prise de conscience s'opère quand le sujet détache son regard de la terre pour l'élever vers le soleil, qui l'éblouit et l'aveugle instantanément.

Vérité insoute­ nable contrastant avec la « blancheur obscure » du monde; gloire divine accusant par différence la «ver­ mine et corruption >> de l'humanité.

Cette opposition ini­ tiale -et fondamentale quant aux conséquences théolo­ giques que Calvin va en tirer- est représentative d'un art dépouillé, qui ne recourt à des images topiques, héri­ tées de la Bible ou de l'Antiquité, que pour introduire dans la sécheresse de l'exposé, aux articulations décisi­ ves, des moments de pathétique austère.

Ce style solennel du sermonnaire a son complément et son envers : les nombreux traités polémiques de Calvin Contre les anabaptistes (1544), Contre la secte phantas­ tique et furieuse des libertins, qui se nomment spirituels ( 1545), sur les Reliques, sur 1 'Astrologie judiciaire, etc., usent d'une langue plus imagée, volontiers familière, où l'injure et la plaisanterie scatologique ne paraissent jamais déplacées.

Ainsi les« nicodémites »,ou « tièdes >> de l'Église, sont-ils assimilés aux vidangeurs et« cureurs de retraits », qui, à force de« remuer l'ordure », devien­ nent insensibles à sa mauvaise odeur.

Rabelais, taxé d'épicurisme, devient un chien enragé «dégorgeant son ordure >> à la face de Dieu.

Les catholiques « mange­ Dieu » se métamorphosent en bouchers et en cyclopes.

Tout se passe comme si le refoulé du calvinisme se débondait alors sur la personne de l'adversaire, immolant avec le corps de celui-ci les vestiges d'un langage n'ayant plus cours entre « chrestiens réformés».

[Voir aussi BIBLE, SUISSE.

Littérature d'expression française].

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Patio, Genève, Droz, 1984; Advertissement contre l'astrologie judiciaire, éd.

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A consulter.

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Schmidt, Calvin et la tradition calvi­ nienne, Paris, Le Seuil, 1957; H.

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Millet, Calvin et la dynamique de la parole: étude de rhétorique réformée, Paris, Champion, 1992.

F.

LESTRINGANT 366. »

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