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ABSURDE (Absurd)

Publié le 03/04/2015

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ABSURDE (Absurd)

Sens logique : est absurde ce qui est contraire à la logique ou au bon sens. La définition du cercle carré (figure géométrique ayant quatre côtés égaux, quatre angles droits, et dont tous les points sont équidistants d'un même point appelé centre) est absurde, car elle est contradictoire. En mathématiques, on nomme « raisonne­ment par l'absurde « celui qui consiste à établir qu'une proposi­tion est vraie en montrant que sa contradictoire aboutit à des résultats incompatibles avec l'hypothèse initiale : la proposition à démontrer, contradictoire de la contradictoire, est donc vraie en fonction du principe du tiers exclu (voir Logique). Par extension, on dira qu'est absurde toute attitude, toute conduite paraissant dénuée de sens parce qu'elle contrevient soit à des conduites antérieures, soit à des règles communément admises. Cultivé pour lui-même, ce genre d'absurdité est un aliment pour l'humour (Lewis Carro115, le théâtre d'Ionesco, certaines tendances du dessin humoristique contemporain).

Mais il s'agit là, dirait Sartre (ou plutôt Roquentin dans la Nausée : la scène dans le jardin public, à partir de laquelle il analyse la notion d'existence), d'une absurdité relative et non pas absolue. Face à la théologie et à la métaphysique classique tendant à justifier le monde par l'introduction d'une raison immanente ou d'une providence directrice, certains courants litté-raires6 ou philosophiques contemporains ont installé l'absurde au coeur de leur vision du monde, de l'homme, et de leurs rapports.

qui correspondent à chacun de ces stades pris séparément sont le dogm>isme, le scepticisme et le mysticisme.

5. Lewis Carroll : logicien anglais (1832-1898), auteur de la célèbre Alice au pays des merveilles.

6. Qui se rattachent au grand écrivain tchèque Franz Kafka (1883-1924) ; par exemple, Samuel Beckett, Dino Buzzatti.

Sens métaphysique. C'est ainsi que, chez Kierkegaard, l'absurde signifie la distance de la subjectivité. à la raison considérée comme tentative pour établir un système rationnel du monde (plus précisément, pour Kierkegaard, l'hégélianisme). C'est parce que l'individu, comme subjectivité, ne peut être inclus totale­ment dans une systématique rationnelle qu'il est nécessaire de fonder une éthique religieuse reposant sur la croyance en une transcendance fondamentalement inaccessible. L'absurde, c'est à la fois le lieu du silence (celui de Dieu.) et l'indice de l'écart constitutif de la subjectivité : la distance entre le fini et l'infini. C'est le sens du « credo quia absurdum « : l'absurde est le signifiant de Dieu. Le héros absurde, dont le type est Abraham, est précisément celui qui offre à Dieu le sacrifice le plus irrationnel. qui soit, celui de son fils ; il ne sait pas pourquoi il sacrifie Isaac, ni même si c'est véritablement la voix de Dieu qui lui a commandé de le faire. Abraham se distingue du héros tragique Agamemnon, qui sacrifie Iphigénie pour une raison dé­terminée, et non pas gratuitement.

Dans la philosophie existentielle athée., l'absurde n'est plus le révélateur de Dieu, le fondement. d'une philosophie religieuse de la transcendance, mais, au contraire, l'indice de la contingence absolue, indépassable de l'Etant, qu'il s'agisse de la réalité du monde ou de l'existence. humaine. Dans la première partie de l'oeuvre de Camus', l'absurdité est surtout divorce de l'homme et du monde : celui-ci n'est pas son monde, mais manifeste une hostilité, ou du moins une neutralité telle que l'homme s'y sent à jamais étranger ; et, par contrecoup, il ne peut pas trouver le sens de sa propre vie puisque rien de l'extérieur ne saurait lui assigner une raison d'être. Chez Sartre, notamment dans l'Etre et le Néant (IV' partie, chap. II, et conclusion), une analyse beau­coup plus rigoureuse lie l'absurdité de la condition humaine à l'impossibilité où est l'homme de devenir le fondement de sa propre existence, l'être. cause de lui-même, « mens causa sui «. Cette exigence qui hante selon lui toute action, tout projet humain, est contradictoire car l'homme ne peut exister à la fois comme nature et comme conscience, comme « en-soi s et comme « pour-soi «.: il est voué à « ek-sister «, à être au-delà de lui-même comme une conscience, c'est-à-dire comme un néant.; il est « condamné à être libre «, responsable de ce qu'il est sans être sa propre raison d'être — donc sans avoir de raison d'être. « L'homme est une passion inutile. «

Le point de vue structural. Dans la perspective existentialiste, l'absurde a donc, de toute façon, valeur ontologique. ; il est une expérience absolue, première ou dernière, comme on voudra : expérience révélatrice, que ce soit de la présence ou de l'absence de Dieu. La pensée structuraliste de ces dernières années (en

7. Albert Camus : l'Etranger (Gallimard, Paris, 1942) ; le Mythe de Sisyphe (Gallimard, Paris, 1942).

particulier celle de Foucault, de J. Lacan.) tend, au contraire, à relativiser la notion, en montrant que le conflit raison-absurdité se situe lui-même à l'intérieur d'une logique des relations entre le vécu et l'impensé (ou l'inconscient.) : la subjectivité vit un certain ordre (celui de l'inconscient ou d'une culture déterminée), tout en méconnaissant cet ordre dont elle est pourtant l'expres­sion. En ce sens, tout acte, toute institution peuvent être conçus comme des symptômes, et l'absurde (qui ne peut dans ces condi­tions manquer d'apparaître à la conscience) serait, en définitive, fondé dans une logique symbolique8 : l'absurde apparaît à l'inter­férence entre le signifiant. (le symptôme inadéquat) et le signifié (l'infrastructure inconsciente, non saisie comme telle).

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