Devoir de Philosophie

Algérie

Publié le 10/04/2013

Extrait du document

1 PRÉSENTATION

Algérie, en arabe Al Jazā’ir, pays du Maghreb. Sa capitale est Alger.

L’Algérie est bordée au nord par la mer Méditerranée, à l’est par la Tunisie et la Libye, au sud-est par le Niger, au sud-ouest par le Mali et la Mauritanie, à l’ouest par le Maroc, et notamment le Sahara-Occidental.

2 MILIEU NATUREL
2.1 Relief et hydrographie

L’Algérie est le deuxième pays d’Afrique par sa superficie — 2 381 741 km², dont les quatre cinquièmes sont occupés par le Sahara. Le pays comprend deux grands ensembles géographiques : les chaînes de l’Atlas, au nord, et le Sahara, au sud. Entre les massifs de l’Atlas tellien, ou Tell algérien (Kabylie, Mascara, Ouarsenis, Saïda, Tlemcen, etc.), s’insèrent des plaines étroites et discontinues en bordure d’une côte très découpée qui s’étire sur près de 1 000 km.

À l’intérieur des terres, le long des oueds côtiers, s’étendent de nombreuses vallées fertiles : la vallée du Chéliff, irriguée par le cours d’eau du même nom, le plus long d’Algérie (725 km) ; la Mitidja, une plaine de subsidence séparée de la mer par les collines du Sahel d’Alger. À l’est, les fonds de vallées forment des plaines comme la Soummam et la plaine alluviale d’Annaba, d’une importance économique comparable à celle de la Mitidja. Ces régions regroupent l’essentiel des terres arables. Il n’existe aucun oued permanent au sud du Tell, où les hauts plateaux semi-arides (Sétif, Constantine) sont parsemés de dépressions désertiques et de lacs salés marécageux, les chotts (Chergui, Hodna).

L’Atlas saharien est constitué de montagnes très anciennes, datant de l’éocène. Fragmentées d’ouest en est par l’érosion, ces chaînes montagneuses (monts des Ksour, djebel Amour, monts des Ouled Naïl, Mzab, djebel Aurès) abritent des oasis aux pieds de leurs contreforts. L’Atlas domine la grande étendue du Sahara algérien. Les altitudes n’y dépassent pas 2 000 m, hormis dans les régions frontalières du Maroc (djebel Aïssa, 2 236 m). À l’est, les altitudes sont plus élevées, notamment dans le massif des Aurès, dont les sommets dominent à l’ouest la cuvette du Hodna et au sud la dépression des grands chotts.

Au sud de l’Atlas tellien, l’ensemble des Hautes Plaines offre un paysage de steppes unique : à l’ouest, elles s’étirent sur près de 500 km sur une largeur de 100 à 200 km ; à l’est, elles s’étendent sur près de 200 km, et en raison d’un relief plus élevé (800 à 1 000 m) on parle de Hauts Plateaux. C’est une région de transition vouée à une économie pastorale semi-nomade ; l’élevage des ovins y est la principale activité.

Le Sahara algérien s’oppose par tout un ensemble de caractères à l’Algérie maghrébine. Du point de vue de la structure géologique, il appartient au vieux socle africain ; ce socle de roches précambriennes a été nivelé au cours des millénaires, et la mer recouvrait une grande partie du Sahara dès la fin du précambrien, au secondaire et encore au tertiaire. Ces transgressions marines expliquent en partie l’aspect du Sahara ; le socle cristallin n’affleure que dans les massifs montagneux comme le Hoggar ou l’Atakor, la mer ayant déposé sur presque tout le socle un lourd manteau de sédiments : schistes et grès du primaire, calcaires, grès et argiles au secondaire, sédiments néogènes dans le nord, arrachés à l’Atlas au tertiaire.

Conséquences de cette formation, trois types de paysage dominent : les hamadas, plateaux de dalles rocheuses ; les regs, grandes étendues de graviers et de cailloux ; les ergs, immenses étendues de dunes de sables nés de l’érosion et accumulés par les vents. L’épaisseur des sédiments a permis la formation des structures pétrolifères qui font de la région un pôle économique stratégique. Cette histoire géologique complexe explique l’altitude généralement basse du Sahara (moins de 500 m en moyenne) : le Grand Erg oriental et le Grand Erg occidental se composent d’immenses dunes de sable et de zones pierreuses ; au sud du plateau du Tademaït (762 m), immense hamada de dalles rocheuses, on trouve le plateau gréseux du tassili des Ajjer et enfin, le massif du Hoggar, où culmine le mont Tahat (3 003 m), le point le plus élevé du pays.

2.2 Climat

Au nord, le climat est typiquement méditerranéen. Les étés sont chauds et secs, les hivers doux et humides (400 mm à 1 000 mm de pluie par an). Les températures moyennes (25 °C en août et 12 °C en janvier à Alger) varient en fonction de l’altitude. En été, le sirocco, un vent extrêmement chaud et sec, souffle du Sahara. Sur les Hauts Plateaux et dans l’Atlas saharien, les précipitations sont peu abondantes (200 mm à 400 mm par an). Dans le Sahara, elles sont inférieures à 130 mm par an. L’amplitude thermique y est très importante (de 49 °C le jour à moins de 10 °C la nuit). L’aridité du climat est accentuée par des vents de sable parfois très violents (simoun).

2.3 Végétation et faune

Les sols du nord de l’Algérie souffrent depuis plusieurs siècles des pratiques de cultures intensives, du déboisement et du surpâturage. La forêt reste encore vivace dans certaines parties du Tell et de l’Atlas saharien. Les principales essences y sont les pins, les cèdres de l’Atlas et plusieurs variétés de chênes, dont le chêne-liège. Les versants inférieurs sont dénudés ou recouverts de garrigue (genévriers et arbustes divers). La région des Hauts Plateaux est une zone de steppe semi-aride où poussent notamment l’alfa (graminée) et des herbes propices au pâturage. Dans le Sahara, la flore est très clairsemée (plantes herbacées, acacias, jujubiers), voire absente.

La plupart des régions sont peuplées d’animaux nécrophages (chacals, hyènes et vautours). On rencontre en plus petit nombre des antilopes, des gazelles, des lièvres et des reptiles.

3 POPULATION ET SOCIÉTÉ
3.1 Démographie

En 2008, l’Algérie comptait 33,7 millions d’habitants, soit 14,2 habitants au km². Cependant, ce chiffre reflète mal une répartition inégale : on estime que 96 p. 100 de la population vit sur 17 p. 100 du territoire, essentiellement dans le nord du pays.

La population algérienne a plus que doublé depuis les années 1960 ; toutefois, son taux de croissance annuel moyen diminue lentement : de 3,2 p. 100 pour cette même période, il est passé en 2002 à 1,68 p. 100, soit l’un des taux de croissance démographique les plus bas d’Afrique. La baisse sensible de la fécondité (1,82 enfants par femme en 2008, contre 7,4 en 1970) est en partie imputable au recul de l’âge du mariage et à l’amélioration du niveau d’instruction des filles. La population de l’Algérie est jeune : en 2002, on estime à 33,5 p. 100 de la population totale la part des moins de 15 ans, alors que celle des individus âgés de 65 ans et plus est de 4,9 p. 100. L’espérance moyenne de vie est de 73,8 années.

La population de l’Algérie se compose en majorité d’Arabes (82 p. 100) ; elle compte aussi une très forte minorité berbère (Kabyles, Chaouïas, Zénètes ; 17 p. 100). Avant l’indépendance, près de 150 000 juifs vivaient en Algérie, parfois de souche très ancienne. Presque tous ont quitté le pays en même temps que les colons européens (environ 1 million de personnes), essentiellement des Français. La proportion de résidents étrangers a fortement diminué lors des événements du début des années 1990. La population française, en particulier, est passée de 52 000, en 1986, à 24 500 en 1992 et 8 300 (dont les trois quarts possèdent la double nationalité) en 1996 ; elle tend à croître cependant depuis 1996 en raison de l’amélioration sensible du climat sécuritaire.

Il existe une importante communauté algérienne à l’étranger (1,8 million de personnes en 1995), dont la plus nombreuse se trouve en France, où les Algériens émigrèrent massivement, notamment à partir des années 1950 : on y compte 700 000 ressortissants algériens et plus d’un million de binationaux.

3.2 Découpage administratif et villes principales

Sur le plan administratif, l’Algérie comprend 48 wilayas, divisées en 160 dairates (sous-préfectures) et 1 541 communes.

En 1970, les Algériens étaient près de 60 p. 100 à vivre hors des villes. Le rapport s’est depuis inversé, avec un exode rural important qui a joué un rôle essentiel dans le développement de la crise sociale, politique et économique que connaît l’Algérie. Cette désarticulation de la société traditionnelle n’est pas étrangère à la facilité avec laquelle les mouvements islamistes ont pu s’implanter. En 2005, 60 p. 100 de la population algérienne résidait en milieu urbain. La capitale, Alger, premier port maritime du pays, est passée de 1 908 000 habitants en 1990 à 3 059 643 en 2003. Oran, sur la côte ouest, est un pôle commercial et portuaire important (655 852 habitants en 1998). À l’est, Constantine est la capitale d’une région productrice de bestiaux et de blé (462 187 habitants en 1998).

3.3 Institutions et vie politique
3.3.1 Historique

La Charte nationale promulguée en 1976 fait de l’Algérie une république démocratique et populaire, reposant sur un régime présidentiel. Cette Constitution institue le Front de libération nationale (FLN) comme parti unique, alors que celui-ci domine de fait le paysage politique national depuis l’indépendance, en 1962. Au lendemain de la guerre d’Algérie, le parti qui a mené la longue guerre d’indépendance algérienne jouit en effet d’une légitimité, intérieure autant qu’extérieure, incarnée par les « héros de l’indépendance «. Il monopolise la représentation nationale et contrôle l’ensemble des rouages du pouvoir.

La révision de la Constitution opérée en 1989 abolit les références au socialisme et la notion de parti unique, et introduit le multipartisme. Elle établit aussi la séparation des pouvoirs et limite le rôle de l’armée. La transition démocratique est toutefois interrompue dès les élections législatives de décembre 1991, qui consacrent au premier tour l’avancée écrasante du Front islamique du salut (FIS), parti confessionnel militant pour la création d’un État islamique. Après un coup d’État militaire, le second tour des élections est annulé par le Haut Conseil de sécurité (HCS) tandis que l’Assemblée populaire nationale est suspendue. Un Haut Comité d’État (HCE) est créé en janvier, qui instaure l’état d’urgence et dissout le FIS. L’Algérie, qui plonge dans une guerre civile sanglante à la suite de la répression anti-islamique, est gouvernée de 1992 à 1994 par le HCE. La nomination par le HCE de Liamine Zéroual comme président par intérim (janvier 1994) est suivie de son élection, contestée, en novembre 1995. En novembre 1996, une réforme constitutionnelle, approuvée par référendum, interdit les partis religieux, linguistiques et régionalistes, consacre l’islam comme religion d’État, renforce le pouvoir présidentiel et crée également un système législatif bicaméral. En 1999, Abdelaziz Bouteflika est élu à la présidence de l’Algérie avec le soutien de l’armée. Il est réélu en 2004 pour un second mandat.

3.3.2 Pouvoir exécutif

Le pouvoir exécutif appartient au président de la République, élu au suffrage universel (à partir de 18 ans) pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Chef suprême de toutes les forces armées et responsable de la Défense, le président de la République arrête et conduit la politique extérieure de la nation. Il nomme un Premier ministre à la tête du gouvernement, puis les membres du gouvernement, sur proposition du Premier ministre. Conformément à la Constitution, le président peut s’appuyer sur deux institutions consultatives, un Haut Conseil islamique et un Haut Conseil de sécurité.

3.3.3 Pouvoir législatif

Le pouvoir législatif repose sur un système bicaméral constitué d’une Chambre haute, le Conseil de la nation, et d’une Chambre basse, l’Assemblée populaire nationale. Le Conseil de la nation est composé de 144 membres, dont un tiers est désigné par le président de la République ; les autres 96 membres sont élus au suffrage indirect. Le mandat des membres du Conseil, renouvelable par moitié tous les trois ans, est de six ans. L’Assemblée populaire nationale est composée de 389 membres élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans.

3.3.4 Partis politiques

Les deux principaux partis au pouvoir en Algérie sont le Front de libération national (FLN), l’ancien parti unique qui domine le paysage politique algérien depuis l’indépendance, et le Rassemblement national démocratique (RND), créé quatre mois avant les élections législatives de juin 1997 pour soutenir le président Liamine Zéroual. Les élections législatives de juin 2002, auxquelles ont participé 23 partis, ont signé le retour en force du FLN d’Ali Benflis, qui détient la majorité absolue avec 199 sièges, et le très net recul du RND, conduit par Ahmed Ouyahia, qui a vu son nombre de sièges chuter de 155 à 47 entre les élections de 1997 et celles de 2002 — le RND dispose cependant d’une forte majorité au Conseil de la nation.

Alors que le Front islamique du salut (FIS) est interdit depuis mars 1992, le pouvoir algérien tolère un certain nombre de partis islamistes agréés ; tandis que les mouvements islamistes proches du pouvoir sont en perte de vitesse — le mouvement Ennahda (« Renaissance «) de Lahbib Adami est passé de 34 sièges dans la précédente législature à un seul à l’issue des élections de 2002, et le Mouvement de la société de la paix (MSP) du cheikh Mahfoud Nahnah, de 69 à 38 —, le mouvement Islah (Mouvement de la réforme nationale, MRN) d’Abdallah Djaballah, plus radical, détient désormais 43 sièges à l’Assemblée. Les principaux partis d’opposition laïcs face au FLN sont le Front des forces socialistes (FFS) d’Hocine Aït Ahmed et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Saïd Saadi. Ces deux partis kabyles, qui disposaient chacun de 19 sièges dans la précédente Assemblée, ont boycotté le scrutin en raison de la crise insurrectionnelle qui agite la Kabylie depuis le printemps 2001. Parmi les autres partis qui composent le paysage politique algérien et qui sont représentés à l’Assemblée, figurent le Parti des travailleurs (PT) de Louisa Hanoune (21 sièges) et le Front national algérien (FNA, 8 sièges).

3.3.5 Défense nationale

En 2004, les forces armées algériennes regroupaient 120 000 hommes dans l’armée de terre, 10 000 dans l’aviation, 7 500 dans la marine. L’État a consacré 3,4 p. 100 du produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de la Défense nationale.

3.3.6 Les groupes armés

Les principaux mouvements armés sont le GIA (Groupe islamique armé), l’AIS (Armée islamique du salut) et l’AEI (Armée de l’État islamique).

Le GIA recrute essentiellement parmi les masses périurbaines et la jeunesse désœuvrée, et pratique un terrorisme qui a pris la forme de massacres collectifs. Il est probablement infiltré par les services spéciaux algériens. L’AIS, la branche armée du FIS, fondée en juillet 1994, regrouperait 4 000 à 5 000 maquisards. Ses actions ont été volontairement passées sous silence par le gouvernement algérien, alors qu’elles seraient au moins dix fois supérieures en nombre à celles du GIA. L’AEI regrouperait surtout des déserteurs de l’armée algérienne. Les groupes armés ont aujourd’hui cessé toutes les opérations contre les installations pétrolières. Autour de ces mouvements gravitent des petits groupes plus ou moins contrôlés qui agissent ponctuellement.

À l’exception de la Kabylie, la carte des actions terroristes et des maquis se superpose en partie à celle de la guerre d’Algérie, notamment l’Algérois, la Mitidja, ainsi que le Nord-Constantinois.

3.4 Langues et religions

L’arabe est la langue officielle de l’Algérie. Environ 80 p. 100 de la population est arabophone, et parle majoritairement l’arabe algérien, une variante dialectale de l’arabe. Par ailleurs, environ 6 millions d’Algériens, regroupés principalement en Kabylie, parlent l’une des variantes du berbère (en particulier le tamazight). Le français, longtemps enseigné dès l’école primaire, est lu et parlé par de nombreux Algériens. Il a cependant été supprimé dans l’enseignement secondaire en 1989, avec la disparition du baccalauréat bilingue arabe-français. Née de la volonté d’en finir avec la langue colonisatrice, l’arabisation a pris une tournure autoritaire au début des années 1990. La première loi de généralisation de l’arabe date de 1991. Elle stipule que tous les actes officiels doivent être rédigés en arabe. Ce vote ayant provoqué de violentes manifestations à Alger en faveur de la démocratisation et de la défense du berbère, son adoption est reportée sur l’initiative de Mohamed Boudiaf. La nouvelle Constitution de 1996 confirme l’arabe comme seule langue nationale et officielle, mais reconnaît l’amazighité (l’identité berbère) comme l’une des trois composantes fondamentales de l’identité nationale, à côté de l’arabité et de l’islamité. Une nouvelle loi est votée la même année, en faveur de la généralisation de l’utilisation de l’arabe, qui touche les secteurs où le français est encore la langue de travail majoritaire (la vie économique et l’enseignement supérieur notamment). La bataille de l’arabisation est cependant loin d’être gagnée et, en 2002, face aux revendications des berbérophones, le berbère accède au statut de langue nationale par un amendement de la Constitution.

La Charte nationale de 1976 a proclamé l’islam religion d’État. La très grande majorité des Algériens sont musulmans sunnites, pour la plupart de rite malékite.

3.5 Éducation

Le système éducatif algérien a longtemps été cité en exemple dans les pays anciennement colonisés et contribuait à maintenir le sentiment d’appartenance nationale. Depuis 1962, la scolarité est gratuite et obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans, qui suivent un cycle dit « fondamental « de neuf ans (six ans d’école élémentaire, trois ans de collège). En 1998, plus de 7 millions d’élèves étaient encadrés par 300 000 enseignants ; près de 60 p. 100 des enfants âgés de 12 à 17 ans étaient scolarisés ; 21 p. 100 de la classe d’âge concernée poursuivaient des études dans le troisième degré.

L’Algérie dispose de 8 universités (dont 2 en sciences et technologie) qui accueillent 682 775 étudiants en 1998. L’université d’Alger, fondée en 1879, offre un enseignement dans plusieurs disciplines (droit, médecine, sciences et lettres). Sept de ces universités et la quasi-totalité des établissements spécialisés de l’enseignement supérieur ont été fondés après l’indépendance.

Malgré les efforts consentis — l’État algérien consacre environ 5,12 p. 100 du PNB (1996) et 27,6 p. 100 (1998) de son budget aux dépenses d’éducation —, le système éducatif algérien n’est cependant pas parvenu à répondre aux exigences de l’explosion démographique. De plus, l’arabisation de l’enseignement introduite en 1972 a été jugée trop brutale par bon nombre d’observateurs. Elle a nécessité la formation hâtive d’enseignants arabophones, et le gouvernement dut même faire appel à des enseignants étrangers. Les résultats ont été, dans un premier temps, très médiocres, car les premières générations issues de cet enseignement ont connu un fort taux d’analphabétisme et d’illettrisme dans les deux langues. Aussi le taux d’alphabétisation demeure-t-il bas (72,2 p. 100 en 2005, 121e rang mondial). Les enseignants francophones, et notamment les universitaires, sont devenus en outre l’une des cibles privilégiées du terrorisme islamiste.

3.6 Arts et vie culturelle

Capitale politique, Alger est aussi la capitale culturelle du pays. La Bibliothèque nationale, qui y est située, possède l’un des fonds les plus riches du pays (650 000 volumes), comprenant d’importants ouvrages sur l’Afrique. La bibliothèque de l’université d’Alger abrite plus de 700 000 volumes. Le musée de la Préhistoire et de l’Ethnographie, le musée national des Antiquités classiques et musulmanes et le musée national des Beaux-Arts se trouvent tous à Alger. Le musée de Cirta, à Constantine, conserve des collections d’art et d’archéologie.

Héritiers d’une tradition ancienne, les écrivains algériens ont su maintenir la richesse d’expression de la littérature de langue arabe tout en lui associant la langue française (voir aussi littérature du Maghreb). À l’image de la nation algérienne, la plus occidentale, sans doute, des nations arabo-musulmanes, la littérature algérienne contemporaine s’est forgée à partir d’une double influence qui lui confère sa singularité. Les écrits de Mohammed Dib, Malek Haddad, Kateb Yacine, Assia Djebar ou, encore, Rachid Mimouni et Rachid Boudjedra se font l’écho des espoirs et des contradictions d’une société aujourd’hui déchirée.

Voir aussi art de l’islam ; musique arabe ; musique islamique ; cinéma africain.

4 ÉCONOMIE
4.1 Cadre général

L’Algérie est l’un des pays les plus riches du continent africain. Avec un produit intérieur brut (PIB) de 114,73 milliards de dollars en 2006, elle affiche un PIB par habitant de 3 440 dollars qui la place au 94e rang mondial. Le pays, qui possède de très importantes réserves de gaz naturel et figure parmi les principaux producteurs de pétrole au monde, a fondé son développement sur l’extraction, la production et l’exportation de ses ressources minières. Alors que la production d’hydrocarbures représente la quasi-totalité des exportations, 40 p. 100 du PIB et 60 p. 100 des recettes de l’État, la croissance économique algérienne — de 2,17 p. 100 en moyenne de 1990 à 2002 — est très fortement soumise aux fluctuations des prix des hydrocarbures.

Alimentée principalement par la hausse du prix des hydrocarbures de 1973 à 1980, cette croissance s’effondre à partir de 1986 avec la chute de 50 p. 100 des prix du baril de pétrole. La crise économique révèle la faillite du système d’industrialisation étatisée, axée sur les industries lourdes, censées entraîner l’ensemble de l’économie. En 1989, le gouvernement de Mouloud Hamrouche, sous la présidence de Chadli Bendjedid, lance un vaste programme de réformes visant à stabiliser l’économie et à ouvrir le pays à l’économie de marché. Les avancées accomplies, en dépit de l’opposition des caciques du FLN, marquent toutefois un coup d’arrêt sous l’effet de la guerre civile dans laquelle le pays plonge en 1992.

De 1994 à 1998, afin de résoudre le grave problème du poids de la dette extérieure, accentué par l’effondrement des cours du pétrole, l’Algérie applique une politique d’ajustement structurel dans le cadre d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) et de programmes de rééchelonnement de la dette extérieure avec ses créanciers. Cette politique permet de redresser la plupart des indicateurs économiques. Le pays renoue notamment avec la croissance, à la faveur de la remontée des prix du pétrole et du gaz à la fin des années 1990. En décembre 2001, l’Algérie intensifie son insertion dans l’économie mondiale en concluant avec l’Union européenne (UE), son principal partenaire commercial, un accord d’association devant déboucher à terme sur une zone de libre-échange. Elle s’engage parallèlement à poursuivre ses réformes, notamment dans les domaines bancaire et fiscal, et à mettre en œuvre un vaste programme de privatisations visant le désengagement de l’État dans tous les secteurs. La diversification de l’économie est en outre en cours, le gouvernement algérien s’efforçant d’attirer les investissements intérieurs et étrangers dans le secteur industriel hors hydrocarbures.

Les mesures d’austérité mises en place depuis le milieu des années 1990 présentent cependant un coût social très élevé. Le pays est confronté à une augmentation de la pauvreté et son taux de chômage est l’un des plus élevés au monde : touchant près de 30 p. 100 de la population active au début des années 2000, il atteint environ 50 p. 100 chez les moins de 30 ans. L’État doit en outre faire face à une grave pénurie de logements — le taux d’occupation par unité est l’un des plus élevés au monde — et à de continuelles difficultés d’approvisionnement en eau.

4.2 Agriculture, forêts, pêche

Défavorisée par un climat aride — les terres arables ne constituent que 3 p. 100 du territoire —, l’agriculture souffre de la dégradation des sols et de la faiblesse de l’irrigation. Elle a en outre été délaissée dans les années 1960 en faveur de l’industrie. Les diverses politiques dirigistes mises en place ont abouti à une baisse de la productivité et, par conséquent, à la hausse de la dépendance alimentaire. Aujourd’hui, le secteur primaire emploie environ 26 p. 100 de la population active et représente 8,6 p. 100 du PIB (2000). La faible productivité (par exemple pour le blé, 794 kg/ha, contre 6 676 kg/ha en France) rend l’importation de denrées alimentaires nécessaire — seuls 25 p. 100 des besoins alimentaires sont couverts par la production nationale. La balance agricole est régulièrement déficitaire. Des efforts sont néanmoins entrepris pour améliorer les performances, notamment en libéralisant le secteur agricole et en subventionnant les pratiques d’irrigation dans le Sud.

Les principales cultures sont les céréales, qui occupent 35 p. 100 des terres arables, notamment le blé (2,69 million de t en 2006) et l’orge (1 235 880 t). Les autres productions agricoles importantes incluent la pomme de terre, la vigne, les agrumes, les olives et les dattes.

L’élevage constitue un secteur actif et dynamique. En 2001, le cheptel se compose d’environ 19,6 millions d’ovins (14e rang mondial), 3,8 millions de caprins, 1,6 million de bovins et de 125 million de volailles.

En 2005, les forêts couvrent 1 p. 100 de la superficie du pays. D’importants projets de reboisement ont été entrepris dans les années 1970. Les coupes restent modestes : 7,8 millions de m3 en 2006.

La pêche est un secteur actif : en 2005, les prises représentaient 126 628 t de poissons (sardines, anchois, thons et fruits de mer).

4.3 Mines et industries

Les hydrocarbures sont la principale richesse du pays. Les réserves de pétrole (9,2 milliards de barils) et de gaz naturel (3,626 milliards de m3) dont dispose l’Algérie au Sahara figurent parmi les plus importantes au monde. La production de pétrole brut (588 millions de barils en 1999, 17e rang mondial) et celle de gaz naturel (82,4 milliards de m3 en 2003, 5e rang mondial) assurent 30 p. 100 du PIB, 60 p. 100 des recettes du pays et 97 p. 100 de ses exportations. La part des produits miniers hors hydrocarbures n’est pas négligeable (17 p. 100 du PIB environ) ; l’Algérie dispose notamment d’importantes ressources en phosphates, minerai de fer, houille, plomb, zinc, mercure et uranium.

Le raffinage du pétrole occupe une place de premier plan dans un secteur industriel algérien insuffisamment diversifié en raison de la priorité donnée au développement des industries lourdes dans les années 1960. Outre la sidérurgie (acier), la chimie et la pétrochimie (engrais, matières plastiques, produits pharmaceutiques), le pays possède une importante industrie agroalimentaire (vin, huile d’olive), textile (fabrication traditionnelle de tapis) et mécanique (camions, machines agricoles). La quasi-totalité des activités industrielles, qui représentent environ 60 p. 100 du PIB, est localisée à la périphérie d’Alger et d’Oran. Placées sous le contrôle de l’État et souvent peu rentables, elles font l’objet d’un programme de privatisation élaboré dès le milieu des années 1990. Compte tenu de la lenteur des réformes, la mise en œuvre de la privatisation des entreprises publiques ne commence véritablement qu’au début des années 2000, dans un contexte où l’amélioration de la situation politique rend le marché algérien plus attractif aux investisseurs étrangers.

4.4 Services, finances et commerce
4.4.1 Monnaie et finance

L’unité monétaire est le dinar algérien subdivisé en 100 centimes. En 1966, tous les établissements bancaires ont été nationalisés. Les fonctions monétaires et bancaires du gouvernement algérien sont centralisées dans le cadre de la Banque d’Algérie, qui, en 1986, a entrepris la libéralisation du secteur bancaire et permis la constitution de banques privées. Soutenu par le FMI et par ses principaux bailleurs de fonds, l’État algérien a entrepris des efforts d’assainissement de ses finances et a vu sa dette extérieure diminuer à partir de la fin des années 1990. L’encours de la dette extérieure est passé de plus de 33 milliards de dollars en 1996 à 22,5 milliards de dollars en 2001. Le service de la dette en pourcentage des exportations de biens et de services est en outre passé de 73,9 p. 100 en 1991 à 19,5 p. 100 en 2001.

4.4.2 Transports

Les réseaux ferroviaire et routier algériens, les plus denses du Maghreb, desservent principalement le tiers nord du pays. Toutefois, la liaison Nord-Sud est assurée par la portion algérienne de la grande route transsaharienne (achevée en 1985), qui s’étire depuis la côte méditerranéenne jusqu’au-delà de Tamanrasset, à la frontière du Niger. Le réseau routier, constitué de 108 302 km (2004), dont 69 p. 100 bitumés, relie les centres miniers et pétrolifères du Sahara à la côte. Le réseau ferroviaire, qui s’étend sur 3 572 km (2005), dont 301 km électrifiés, est composé de 5 lignes desservant le nord du Sahara. Les principaux ports maritimes sont Alger, Oran et Annaba. Les transports aériens sont assurés par Air Algérie, la compagnie aérienne nationale.

4.4.3 Commerce extérieur

Le gaz naturel et le pétrole constituant 97 p. 100 des revenus d’exportation du pays, la balance commerciale de l’Algérie est très fortement tributaire du prix des hydrocarbures. Ainsi la hausse du prix du baril de pétrole enregistrée à la fin des années 1990 a-t-elle entraîné un redressement des indicateurs commerciaux. En 2004, les exportations s’élèvent à 32,08 milliards de dollars contre 18,39 milliards d’importations.

Outre les hydrocarbures, l’Algérie exporte des phosphates, du minerai de fer, du cuir, du liège, du tabac, des fruits et des légumes. Ses principales importations concernent les denrées alimentaires, les biens de consommation et les produits d’équipement industriel. Le principal partenaire commercial de l’Algérie est l’Union européenne, avec qui elle réalise plus de la moitié de son commerce extérieur, devant les États-Unis.

5 HISTOIRE
5.1 Les origines

Des ossements découverts sur le territoire algérien témoignent d’une présence humaine qui remonte à plus de 500 000 ans (voir paléolithique). Des civilisations ibéromaurusiennes (de 13 000 à 8 000 av. J.-C. environ), définies pour la première fois à La Mouillah, près de Tlemcen, et capsiennes (de 7 500 à 4 000 av. J.-C. environ) se développent respectivement dans le Nord (région de Constantine), dans l’Est et dans le Sahara. On ne connaît pas l’origine exacte des Berbères. Chasseurs puis pasteurs et cultivateurs, ils s’organisent en tribus et en confédérations, que les Grecs distinguent sous les noms de Libyens, et les Romains sous ceux de Numides et de Maures.

5.2 De Carthage à Rome

Aux alentours de 814 av. J.-C., les Phéniciens, navigateurs venus de l’est méditerranéen, fondent la ville de Carthage, dans l’actuelle Tunisie. Son rayonnement commercial n’est effectif qu’après la décadence de Tyr (550 av. J.-C.), leur principale cité. Les Carthaginois établissent des comptoirs sur la côte algérienne (Annaba, Skikda, Alger, etc.), et exercent une domination économique et politique sur les populations libyco-berbères.

En revanche, les chefs numides ont mieux su jouer des rivalités que la cité a développées avec Rome. Ainsi, durant les guerres puniques (iiie-iie siècles av. J.-C.), Masinissa, un chef numide allié à Rome, s’empare de Cirta (Constantine). Cette capitale des rois berbères de Masaesyles, dont le territoire s’étendait jusqu’au Maroc oriental, devient alors celle de la Numidie. Après un long règne (203-148 av. J.-C.), Masinissa meurt, laissant le royaume en partage à ses fils, qui composent avec les Romains. Mais le petit-fils de Masinissa, Jugurtha, refuse la mainmise romaine ; instigateur d’une insurrection en 111 av. J.-C., il est soumis par Rome en 105 av. J.-C.

Sous l’autorité romaine, la Numidie devient avec l’Égypte le « grenier de Rome «, fournissant blé et huile d’olive. La Maurétanie, annexée à l’Empire romain en 40 apr. J.-C., est divisée en deux provinces impériales (Maurétanie tingitane et Maurétanie césarienne), tandis que l’est de l’Algérie est rattaché à la province proconsulaire d’Afrique. Pour protéger la région des raids des tribus nomades, un réseau de voies militaires est construit, reliant entre elles des villes de garnison, plusieurs cités de 5 000 à 10 000 habitants, qui sont dotées de tous les attributs des villes romaines (Timgad, Lambèse).

Au ive siècle apr. J.-C., alors que les légions romaines appelées à défendre l’Empire en déclin se retirent de Numidie, la région est, pour un temps, déclarée indépendante, sous la pression du mouvement donatiste. La population berbère latinisée, tôt convertie à la foi chrétienne, s’est en effet massivement ralliée à cette secte chrétienne, persécutée par les autorités romaines, après que le christianisme est devenu religion officielle de l’Empire (313), tandis que les tribus berbères des montagnes, non latinisées, continuent à résister. Dans un contexte d’anarchie, les Vandales, peuple germanique, envahissent l’Afrique du Nord et y établissent un royaume en 429. Leur domination, limitée à la bande côtière, reste cependant fragile, et des principautés berbères indépendantes se reconstituent durant cette période.

En 533, les Vandales sont chassés par les armées de l’empereur byzantin Justinien Ier, dont le rêve est de faire renaître la splendeur de l’Empire romain. La conquête byzantine, pourtant, se limite seulement à l’est du pays.

5.3 Les dynasties musulmanes du Moyen Âge

Le rêve de Justinien Ier s’effondre lorsque, en 647, les Arabes, porteurs d’une nouvelle religion, l’islam, se lancent à la conquête de l’Afrique du Nord, et trouvent un accueil favorable dans les populations urbaines et côtières, dont beaucoup se convertissent. À l’est, dans les Aurès, ils doivent s’opposer à la résistance de deux chefs berbères, Kusayla et la Kahina, une prophétesse. Mais, dès le début du viiie siècle, les Berbères se soumettent et se convertissent massivement à l’islam. Des chefs de guerre, tel Musa ibn Nusayr, s’illustrent dans les troupes musulmanes. Dès le début du viiie siècle, l’Algérie, comme l’ensemble du Maghreb, est devenue une province placée sous l’autorité des Omeyyades. Les Arabes et les nouveaux convertis, qui ont adopté leur genre de vie et leur langue, y constituent une élite urbaine.

Après 740, tandis que se multiplient les querelles de succession pour le califat, les Berbères se dressent contre l’autorité califale et beaucoup rallient les kharijites, dissidents fondamentalistes et démocrates de l’islam. Une communauté kharijite subsiste d’ailleurs aujourd’hui dans le Mzab (ibadites). Les Berbères kharijites fondent plusieurs petits royaumes, dont l’un des plus importants, celui des Rostémides, créé en 777 à Tahert (Tiaret), est balayé en 911 par la dynastie arabe chiite des Fatimides, soutenue par les Kabyles, une confédération berbère de l’Est. Dès le xie siècle, l’arabe devient la langue majoritaire dans les plaines et les steppes. Seuls les Berbères des montagnes résistent durablement. Deux dynasties berbères règnent cependant sur toute la région entre le xie et le xiiie siècle : les Almoravides et les Almohades. Venues de la Mauritanie pour la première et du nord du Maroc pour la seconde, elles étendent leur influence du Nord-Ouest africain au sud de l’Espagne. Tlemcen, la capitale des Almohades, devient un centre artisanal réputé. On y construit de belles mosquées et de nombreuses écoles coraniques. Les ports maritimes (Bejaïa, Annaba et Alger, en pleine expansion) développent un commerce actif, apportant en Europe les fameux chevaux barbes, de la cire, un cuir de qualité et des tissus.

5.4 L’autorité ottomane

L’anéantissement des Almohades, en 1269, déclenche une rude bataille commerciale entre chrétiens (Espagnols) et musulmans pour le contrôle des ports de la Méditerranée. La région est partagée entre trois dynasties berbères : les Mérinides à Fès, les Abdelwadides à Tlemcen et les Hafsides à Tunis. Dès la fin du xve siècle, après la reconquête chrétienne (la Reconquista) de la totalité de l’Andalousie, l’Espagne occupe plusieurs ports de la côte algérienne (Mers el-Kébir, Oran, Béjaïa). Les Abdelwadides acceptent le protectorat espagnol, mais les autorités religieuses des villes portuaires, soutenues par la population, engagent des corsaires, qui capturent les navires marchands et retiennent l’équipage et la cargaison en échange d’une rançon. En 1518, Alger et plusieurs autres ports sont assiégés par les Espagnols ; les Turcs ottomans sont appelés à la rescousse.

Les Barberousse, deux frères corsaires d’origine grecque ou sicilienne — selon les sources — et convertis à l’islam, obtiennent du sultan Soliman le Magnifique d’être envoyés en Afrique du Nord avec une flotte. Ils chassent les Espagnols de la plupart de leurs nouvelles possessions, et résistent au siège de Charles Quint devant Alger (1541). Les Abdelwadides sont déposés en 1554, et Khayr al-Din, le plus jeune des Barberousse, est nommé beylerbey, c’est-à-dire représentant du sultan en Algérie. Proconsuls militaires d’Afrique, ces « rois d’Alger « exercent leur autorité non seulement sur la zone littorale, mais aussi sur les pachas de Tunisie et de Tripolitaine. En raison de son éloignement de Constantinople, la régence d’Alger est gouvernée comme une province autonome.

Conséquence indirecte de la Reconquista espagnole, l’établissement des Ottomans en Algérie débouche sur la mise en place d’une monarchie élective et de formes de gouvernement qui ont marqué profondément l’Algérie : au xviie siècle, Alger choisit son dey qui reçoit ensuite l’investiture de Constantinople. L’ordre est en principe assuré par deux forces militaires rivales, l’odjaq, la milice des janissaires, et la taïfa des raïs, la corporation des corsaires. Mais l’arrière-pays — le Sud, le Constantinois, la Kabylie — échappe au pouvoir de la régence d’Alger, qui est essentiellement une « colonie d’exploitation «. Le pouvoir ottoman a recours à la formation de smalas (colonies militaires) et aux maghzens, des tribus privilégiées qui font rentrer l’impôt.

5.5 La conquête française

À l’extérieur, Alger doit sa puissance à l’efficacité de sa flotte de corsaires qui exerce une forte influence en Méditerranée occidentale. Régulièrement, les États européens payent un tribut pour assurer la protection de leurs navires, et les rançons des prisonniers apportent de gros revenus à la régence. Mais à la fin du xviiie siècle, les progrès réalisés en matière d’armement et de construction navale permettent aux Européens de mener une action collective contre la capitale corsaire. En 1815, les États-Unis envoient une escadre navale à Alger. L’année suivante, le dispositif défensif de la ville est pratiquement annihilé par une flotte anglo-hollandaise.

En 1827, prétextant un incident qui oppose le dey Hussein au consul de France Deval, Charles X ordonne un blocus naval et une expédition militaire contre la ville. Les troupes françaises, fortes de 37 000 hommes, s’emparent d’Alger en 1830 et occupent une partie du pays. Le nouveau régime suscite d’emblée une farouche résistance de la part des tribus, habituées à une autorité turque très indirecte. En Oranie, elles s’organisent autour de l’émir Abd el-Kader, qui proclame la guerre sainte (voir djihad) contre les Français en 1839. Sa tactique, fondée sur des attaques éclair, rend très difficile l’entreprise de conquête menée notamment par le général Bugeaud. Abd el-Kader, qui se réfugie au Maroc et obtient, un temps, l’appui du sultan marocain, est définitivement vaincu en 1847, mais il demeure longtemps un héros de la résistance nationale aux yeux de nombre d’Algériens.

5.6 La colonisation française

Les premiers colons français qui s’établissent aux environs d’Alger achètent à bas prix ou confisquent leurs domaines aux propriétaires algériens et turcs. La conquête, menée par l’armée française, ne s’achève qu’en 1857 avec la soumission des oasis du Sud et de la Kabylie. Elle est facilitée par le repli opéré par les Ottomans, qui, dès 1820, ont octroyé des chartes libérales officialisant la transformation des régences en protectorats semi-indépendants, puis par l’impossibilité pour les chefs de guerre algériens de faire en quelques années l’unité d’un pays morcelé politiquement, géographiquement et ethniquement. C’est dans ce vide politique que s’engouffrent les conquérants.

La colonisation officielle commence en 1836 dans la Mitidja. D’abord réticente, l’administration française organise l’attribution de terres à des colons dont elle encourage la venue jusqu’au début du xxe siècle, à grand renfort de publicité, notamment chez les viticulteurs du Midi, dont les vignes ont été détruites par le phylloxéra. En 1848, l’Algérie est proclamée territoire français et divisée en trois départements. Les colons constituent une élite privilégiée, qui développe de grands domaines produisant du vin et des agrumes commercialisés en France. Si certains Européens bâtissent de véritables fortunes, la majorité des colons est constituée de fonctionnaires, de petits exploitants agricoles et de commerçants. Après la révolution de 1848 puis au lendemain de la Commune de Paris, des opposants politiques sont déportés en Algérie, venant grossir les rangs des colons. L’administration de la population musulmane est confiée aux Bureaux arabes créés en 1844 par Bugeaud, gouverneur général de l’Algérie depuis 1840. Formés uniquement d’administrateurs militaires, ils protègent les populations arabes des exactions des colons et provoquent le sénatus-consulte de 1863 qui, en principe, garantit leurs terres aux tribus.

Sur le plan administratif, les colonisateurs de l’Algérie, les Français comme les Ottomans avant eux, hésitent entre une politique d’assimilation et des mesures visant à préserver l’autonomie de la colonie, sans vraiment réussir à trouver de solution viable. Instrument de l’assimilation, le décret Crémieux de 1870 accorde la citoyenneté française aux 32 000 juifs d’Algérie, puis en 1889 la loi de naturalisation des enfants nés en territoire français permet l’accroissement rapide de la population non musulmane. À partir de 1881, on tente aussi une gestion directe de l’Algérie depuis les ministères parisiens ; échec complet, cette expérience a pour conséquence d’aggraver le sort des populations arabes, ignorées par les législateurs. À la fin du xixe siècle, le régime d’autonomie financière est rétabli. Outre le gouverneur général, l’essentiel du pouvoir est détenu par l’Assemblée des délégations financières des colons, des non-colons et des indigènes musulmans (21 représentants sur 69 membres). Le pays demeure fort peu industrialisé. La population algérienne, évaluée à 2 millions d’habitants à peine en 1830, est estimée à près de 10 millions en 1954, dont 1 million d’Européens.

5.7 La montée du nationalisme algérien

À la veille de la Première Guerre mondiale, la plupart des jeunes Algériens souhaitent devenir français à part entière, et la mobilisation de 1914 se fait, à l’étonnement des autorités, dans une atmosphère d’« union sacrée «, chez les musulmans comme chez les colons. Mais la législation interdit aux autochtones de tenir des réunions publiques ou de quitter leur maison ou leur village sans permission. Sujets français, ils ne peuvent devenir des citoyens de plein droit qu’en renonçant à leur statut coranique.

Le nationalisme algérien se développe au début des années 1920 au sein de la bourgeoisie musulmane. La demande initiale concerne simplement l’égalité des droits avec les Européens, comme le souligne le cheikh Ibn Badis : « Le bonheur du peuple algérien, grâce à l’aide de la France démocratique. « Les principaux dirigeants nationalistes, Ahmed Messali Hadj, fondateur, en 1926, de l’Étoile nord-africaine, Ferhat Abbas ainsi qu’Ibn Badis, animateur de la ligue des Oulémas, accueillent favorablement le projet Blum-Violette (1936), qui propose d’élargir l’accès à la citoyenneté française sans contrepartie religieuse. Mais le projet de loi, et toutes les tentatives effectuées dans ce sens, se heurte à l’hostilité des colons comme à celle de l’Assemblée nationale française. C’est dans ce contexte que les nationalistes trouvent une argumentation de choix dans un ouvrage paru peu de temps auparavant : le Livre de l’Algérie de Tewfiq al-Madani (1932) proclame en exergue « L’Islam est notre religion, l’Algérie notre patrie, la langue arabe est notre langue « ; les nationalistes devaient s’en souvenir.

Frustré par l’opposition systématique à toute politique d’assimilation, alors même que la population algérienne fait preuve d’une loyauté sans faille pendant la Seconde Guerre mondiale, Ferhat Abbas publie le Manifeste du peuple algérien en 1943, un an après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord. Les promesses de réformes viennent trop tard. En mai 1945, les révoltes de Sétif et de Guelma entraînent une répression sanglante (8 000 morts à Sétif), qui aboutit à la radicalisation des nationalistes algériens dont les mouvements sont interdits durant un an. En 1946, Ferhat Abbas fonde l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA), tandis que Messali Hadj crée le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). En 1947, l’Assemblée nationale française adopte un nouveau statut de l’Algérie, instituant une Assemblée parlementaire algérienne, avec un nombre égal de délégués européens et musulmans. Mal appliqué, le statut ne satisfait pas les indigènes et mécontente les colons. Les nationalistes les plus radicaux décident alors de s’engager dans la lutte armée.

5.8 Une longue guerre d’indépendance

Des militants du MTLD, parmi lesquels Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed, Mohammed Khider, créent, en 1954, un Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA), qui devient rapidement le Front de libération nationale (FLN). Ils sont les instigateurs de l’insurrection qui a lieu dans les Aurès le 1er novembre 1954, donnant le signal à la guerre d’Algérie. Deux ans plus tard, la guérilla contrôle une partie des campagnes. Les Français envoient des renforts (environ 500 000 soldats), mais la guerre s’étend aux villes. Durant la « bataille d’Alger «, en 1957, les parachutistes du général Massu parviennent difficilement à écraser les groupes nationalistes. Les Français ont recours à des méthodes de plus en plus coercitives. L’armée française brûle les villages dont les habitants sont soupçonnés d’aider les insurgés ; la torture est largement utilisée, tandis que certains villageois sont déportés dans des camps de regroupement. Des barrages électrifiés sont plantés le long des frontières tunisienne (la ligne Morice) et marocaine, afin d’isoler le commandement général du FLN de ses unités en Algérie.

En 1958, le bombardement d’un village frontalier tunisien, Sakiet Sidi-Youssef, marque un tournant dans le conflit. L’émotion est grande dans l’opinion internationale, déjà alertée par une partie des intellectuels français qui dénoncent sans relâche l’usage de la torture. En France, le prolongement de la guerre d’Algérie contribue à la faillite de la IVe République et au retour au pouvoir du général de Gaulle. Le 13 mai, la population européenne d’Algérie manifeste à Alger sa crainte d’être abandonnée par la métropole. De Gaulle, dès son entrée en fonction, promet de maintenir l’Algérie française, mais en faisant de tous les Algériens, y compris les musulmans, des « Français à part entière «. Puis, devant la gravité de la situation, alors que la résistance algérienne ne désarme pas, que la lassitude gagne la population métropolitaine et que l’isolement international de la France s’accroît, il se prononce, en septembre 1959, en faveur du droit des Algériens à l’autodétermination. Des négociations s’ouvrent avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), l’organe exécutif du FLN constitué dans la clandestinité.

Indignés, les Français d’Algérie tentent en vain de se soulever au début de l’année 1960. Puis en avril 1961, les généraux Challe, Salan, Jouhaud et Zeller organisent à Alger un putsch qui avorte. L’Organisation de l’armée secrète (OAS), regroupant des militaires et des colons extrémistes, s’associe au complot. Ils mènent de front une violente campagne terroriste contre le FLN, la population musulmane et contre les autorités françaises. Mais la plus grande partie de l’armée française en Algérie, composée pour l’essentiel d’appelés, demeure fidèle au gouvernement.

Le 18 mars 1962, un accord de cessez-le-feu est signé à Évian entre les autorités françaises et les représentants du FLN. Les accords d’Évian prévoient la tenue d’un référendum. En juillet, l’Algérie vote à une écrasante majorité pour l’indépendance. Près d’un million de Français d’Algérie quittent précipitamment le pays avant la fin de l’année, dans des conditions souvent difficiles. Un grand nombre de supplétifs algériens de l’armée française (harkis), qui n’ont pu les suivre, sont massacrés.

La guerre d’Algérie a été l’une des plus longues guerres de décolonisation. Elle marque durablement les esprits, algériens et français, tant par les drames humains qu’elle a provoqué que par ses conséquences politiques. Elle confère également au peuple algérien et à ses dirigeants un prestige considérable dans le monde arabo-musulman et, plus largement, dans le tiers-monde. Elle favorise aussi indirectement l’accession en douceur à l’indépendance des autres colonies françaises.

5.9 L’Algérie indépendante : les caciques du FLN
5.9.1 Les présidences de Ben Bella et de Boumédiène

L’Algérie accède à l’indépendance dans un climat de guerre civile et d’intenses luttes pour le pouvoir. Incarcéré en France depuis 1956, Ahmed Ben Bella est libéré après la signature des accords d’Évian. Il s’oppose au GPRA, qu’il chasse d’Alger grâce au soutien du chef d’état-major de l’Armée de libération nationale (ALN), le colonel Houari Boumédiène ; dans le nouveau paysage politique algérien, l’armée de l’extérieur prend l’avantage sur les maquis de l’intérieur. En septembre 1962, Ben Bella est élu président de la République algérienne démocratique et populaire. Il remplace Mohammed Khider à la tête du bureau politique du FLN en avril 1963, et suspend la Constitution en octobre suivant. Mais, le 19 juin 1965, il est destitué par le Conseil de la révolution que préside Boumédiène, lequel lui reproche ses méthodes de gouvernement autoritaires. Emprisonné et assigné à résidence, il est ensuite exilé en France, puis en Suisse, où il fonde, en 1984, le Mouvement pour la démocratie en Algérie (MDA).

Adepte d’un socialisme autoritaire, Boumédiène gouverne le pays à partir de juillet 1965. Il met en place un pouvoir fort, appuyé par l’armée. Bâtisseur de l’Algérie moderne, il permet au pays d’acquérir une stature de premier plan sur la scène internationale, en lançant notamment, à l’Organisation des Nations unies, l’idée d’un nouvel ordre économique mondial en 1974. Sur le plan intérieur, l’ère Boumédiène est celle des nationalisations des secteurs essentiels de l’économie et de la priorité donnée au développement de l’industrie lourde, fondée essentiellement sur les hydrocarbures, au détriment du secteur fondamental de l’agriculture. Boumédiène perçoit lui-même les dysfonctionnements du système peu avant sa mort, survenue en décembre 1978. Le colonel Chadli Bendjedid lui succède.

5.9.2 La présidence de Chadli Bendjedid

En janvier 1979, le IVe congrès du FLN accorde les pleins pouvoirs au colonel Chadli Bendjedid, qui devient secrétaire général du Parti et est désigné comme candidat unique à la présidence de la République. Le 7 février 1979, le peuple algérien ratifie ce choix, et Chadli succède ainsi officiellement à Houari Boumédiène. Il est réélu pour un deuxième puis pour un troisième mandat en janvier 1984 et en décembre 1988. Dès son arrivée au pouvoir, Chadli engage une politique de libéralisation économique et sociale. S’il maintient la politique étrangère de non-alignement qu’a inaugurée son prédécesseur, il prend cependant ses distances avec l’Union soviétique, effectuant une visite officielle aux États-Unis en 1985. Sa présidence a suscité de nombreux espoirs, mais il se forge vite une réputation de prodigalité à l’égard de son clan, venant renforcer le climat de corruption qui règne déjà dans le pays. C’est à cette époque qu’apparaissent les premiers maquis islamistes, avec l’équipée d’un ancien combattant du FLN, Mustapha Bouyali, dont le Mouvement islamique armé (MIA) tient le maquis de 1982 à 1985.

En octobre 1988, à Alger, des émeutes de la faim opposent principalement les jeunes, premières victimes de la faillite du modèle de développement algérien, qui a tout misé sur un pétrole cher, aux forces de sécurité. Elles sont sévèrement réprimées, mais elles contribuent à l’accélération de la politique de réforme du régime.

Chadli fait adopter par référendum une nouvelle Constitution en février 1989, qui ouvre l’Algérie au multipartisme. En juin 1990, le Front islamique du salut (FIS), qui a su exploiter le désarroi d’une partie de la population algérienne, remporte les premières élections municipales démocratiques. En décembre 1991, le premier tour des élections législatives confirme l’avantage du FIS, sur le point d’obtenir la majorité au Parlement. Ce résultat provoque une reprise en main de l’armée, qui refuse la victoire d’un parti confessionnel prônant la dissolution de la nation algérienne dans la umma (communauté musulmane) et hostile à la laïcisation et à l’occidentalisation de la société algérienne. Le président Chadli Bendjedid est déposé le 11 janvier 1992 par un coup d’État militaire ; le processus de démocratisation est interrompu : le second tour des législatives est annulé, le Parlement et la Constitution sont suspendus.

5.10 La « seconde guerre d’Algérie «
5.10.1 Le Haut Comité d’État (HCE)

Une nouvelle fois, il est fait appel à un héros de la guerre d’indépendance pour tenter d’apaiser la situation : le 16 janvier, Mohamed Boudiaf, l’un des dirigeants historiques du FLN, en exil au Maroc, est porté à la tête d’un Haut Comité d’État (HCE), qui concentre tous les pouvoirs. Le FIS est dissous en mars 1992, la répression s’abat sur les islamistes, qui répliquent par le terrorisme. Mohamed Boudiaf est lui-même victime d’un attentat le 29 juin 1992. Ali Kafi lui succède à la présidence du HCE. Ses Premiers ministres successifs (Belaïd Abdesselam, le père de l’industrialisation algérienne, Redha Malek, Mokdad Sifi) mènent une politique de répression anti-islamiste systématique. Les dirigeants du FIS, Abassi Madani et Ali Benhadj, sont emprisonnés. Les éléments les plus radicaux de la mouvance islamiste (constitués en Groupes islamiques armés, GIA) répliquent par le recours au terrorisme et engagent la lutte armée contre les autorités. Le pays plonge dans une guerre civile, où la violence procède autant des groupes islamistes armés (GIA et AIS), qui portent également le terrorisme sur le sol français, que des forces militaires et paramilitaires. Elle ne cesse de s’étendre, pour toucher la Kabylie, d’abord épargnée, mais n’atteint pas les régions sahariennes où se trouvent les gisements d’hydrocarbures sécurisés par l’armée, ni la frontière marocaine.

La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme et sept formations politiques — dont le FLN, le Front des forces socialistes (FFS), dirigé par Hocine Aït Ahmed, et l’ex-FIS —, se faisant les porte-parole de la société civile prise au piège de l’affrontement entre pouvoir et islamistes, refusent la logique de guerre et prennent position pour l’ouverture de négociations politiques, préalablement à la future élection présidentielle. La « plate-forme pour une solution politique et pacifique de la crise algérienne «, signée à Rome en janvier 1995, demande, entre autres, la libération des responsables du FIS et de tous les détenus politiques, ainsi que l’annulation de la décision de dissolution du FIS. Elle est rejetée par Liamine Zéroual, nommé « président de l’État « par la conférence nationale « de consensus « en janvier 1994. Le discours nationaliste dont il use à cette occasion contribue à son élection à la présidence, le 16 novembre 1995 avec 61 p. 100 des suffrages exprimés, mais le scrutin est boycotté par l’opposition. La population algérienne, y compris les quelque 2 millions de personnes vivant en France, participe massivement à ce scrutin (75 p. 100), manifestant son rejet de la violence.

5.10.2 La présidence de Liamine Zéroual

L’évolution du conflit demeure complexe. L’armée, qui a protégé les consultations électorales, l’élection de Liamine Zéroual et le référendum sur la mise en place d’une nouvelle Constitution en novembre 1996, semble faire une guerre à distance sans provoquer d’affrontement direct. Elle protège l’« Algérie utile «, les installations pétrolières, mais engage peu ses unités dans une lutte à mort, dont elle craint l’issue. L’essentiel de l’effort de guerre est assumé par les unités spéciales, la gendarmerie et les gardes patriotiques, milices armées par le pouvoir. Le terrorisme est jugé par le pouvoir comme « résiduel «, alors que, quotidiennement, des Algériens sont tués par l’explosion de voitures piégées ou massacrés par dizaines dans des villages ou des fermes isolées.

En quatre ans, vraisemblablement plus de 100 000 personnes trouvent la mort dans ce conflit. Les élections législatives du 5 juin 1997 sont précédées d’un renforcement des opérations de police, destinées à nettoyer les maquis et à inciter la population à se rendre aux urnes. Remportées par le Rassemblement national démocratique (RND), parti créé quatre mois avant le scrutin pour soutenir le président Zéroual, elles permettent l’entrée massive de l’opposition au Parlement. Le RND, qui n’obtient pas la majorité absolue (155 sièges sur 380), doit composer avec le FLN (64 sièges) et, surtout, avec deux mouvements islamistes modérés : le Mouvement de la société de la paix (69 sièges) et le mouvement Ennahda (34 sièges). L’émergence d’un mouvement islamiste conservateur lié à l’État permet aux autorités algériennes de contrôler le jeu politique. En juillet 1997, le président Zéroual libère, après six ans de détention, l’ancien leader du FIS, Abbassi Madani, qui est néanmoins remis en résidence surveillée en septembre 1997. Enfin, la désignation par le président du tiers des représentants du Conseil de la nation et l’élection du 25 décembre 1997 assurent au RND le contrôle de 80 des 96 sièges qui composent le Conseil de la nation, la Chambre haute du Parlement.

Ce semblant de jeu démocratique ne règle pas pour autant le problème fondamental de la société algérienne : la guerre civile ouverte qui dure depuis cinq ans. Les autorités accroissent leurs capacités de répression en développant les milices. En même temps, la guerre prend un tournant difficilement analysable, celui des massacres collectifs. Ces massacres de villages entiers, qui ont commencé dans la plaine de la Mitidja, se produisent en priorité dans des régions qui ont voté massivement pour le FIS et qui sont très contrôlées par l’armée. Ils ont ensuite atteint d’autres régions de l’Est et de l’Ouest algérien. Ils suscitent une grande émotion dans l’opinion publique internationale. En juin, à la guerre civile vient se surimposer une tension en Kabylie, provoquée par l’assassinat du très populaire chanteur kabyle Lounès Matoub (opposé aux islamistes, critique à l’égard du pouvoir et défenseur de l’identité berbère) et par la mise en vigueur de la loi sur l’arabisation dans l’administration.

Économiquement, l’Algérie est toujours dans une phase de restructuration. Les privatisations et la libéralisation du commerce entamées en avril 1994 permettent des ascensions sociales fulgurantes, servies par une corruption criante, alors que l’économie parallèle, symbole de la pauvreté du plus grand nombre, subsiste. L’État algérien, que l’on croyait au bord de l’effondrement en 1994-1995, tient « l’Algérie utile « et porte des coups sévères aux maquis islamistes, sans pour autant être capable de les éradiquer complètement.

En septembre 1998, une forte opposition de la haute hiérarchie militaire, qui avait été à l’origine de la venue au pouvoir de Liamine Zeroual, aboutit à l’annonce par ce dernier de son départ du pouvoir en février 1999. Cette démission anticipée, suivie un mois plus tard de celle de son conseiller et du ministre de la Justice, révèle l’impuissance de l'État à rétablir la paix et à tracer une ligne politique propre à redonner confiance aux diverses composantes de la population. Aux élections du 15 avril 1999, l’opposition se présente divisée, avec plusieurs listes dirigées par Hocine Aït Ahmed du Front des forces socialistes (FFS), Abdallah Djallabah du Mouvement de la réforme nationale (MRN), représentant Ennahda, l’ancien ministre réformateur Mouloud Hamrouche, Ahmed Taleb Ibrahimi, un islamiste modéré, Youssef El Khatib, un ancien maquisard, dont la candidature vise surtout à s’opposer à celle d’Abdelaziz Bouteflika, candidat des militaires. Dénonçant les « fraudes massives «, les six candidats de l’opposition se retirent à la veille du scrutin, laissant seul en lice Abdelaziz Bouteflika, qui a été élu.

5.10.3 La présidence d’Abdelaziz Bouteflika

Ministre des Affaires étrangères sous Boumédiène pendant seize ans, Abdelaziz Bouteflika se présente comme celui qui pourrait redonner à l’Algérie son prestige et son essor. Peu après son élection, l’AIS, avec l’appui « total et sans réserve « d’Abassi Madani, se dit prête à déposer les armes et à participer à la lutte contre le GIA. Abdelaziz Bouteflika annonce alors la tenue d’un référendum sur la « concorde civile «, visant à instaurer une mesure d’amnistie pour les islamistes n’ayant pas commis de crimes de sang. Le 19 septembre 1999, la victoire écrasante du « oui « (98,6 p. 100 des suffrages exprimés) est interprétée par le président comme une approbation de sa politique. Le chef de l’État y trouve une occasion de faire valoir une légitimité contestée en raison des conditions de son élection. Si les résultats du référendum ont réduit pour un temps l’opposition au silence, l’amnistie, limitée au 13 janvier 2000, n’obtient pas le résultat escompté (un millier de repentis seulement), et encore moins l’assentiment des victimes du terrorisme. Malgré la nomination d’un nouveau Premier ministre en décembre 1999, Ahmed Benbitour, le pouvoir peine à faire face aux autres grands problèmes de la société algérienne : la révision du Code de la famille, trop défavorable aux femmes, la question du tamazight (la langue berbère) et de l’arabisation, le chômage (33 p. 100 des actifs) et le discrédit qui touche la classe dirigeante et les militaires. En revanche, dans le domaine de la politique étrangère, la première année de pouvoir du président Bouteflika est marquée par la tenue à Alger du sommet annuel de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), par la volonté de régler le contentieux du Sahara-Occidental avec le Maroc — dont le chef de l’État se rapproche à l’occasion de sa présence aux funérailles du roi Hassan II —, par la volonté de favoriser le règlement du conflit israélo-arabe (la poignée de main avec le Premier ministre israélien Ehoud Barak), mais aussi par son voyage officiel en France.

Malgré une évolution du régime et une amélioration de la situation sur le plan des attentats, des querelles au sein du pouvoir conduisent à un remaniement ministériel. Le 26 août 2000, le Premier ministre Ahmed Benbitour démissionne de ses fonctions. En désaccord avec le chef de l’État sur le rythme de privatisation des entreprises publiques, Ahmed Benbitour n’accepte pas, par ailleurs, la mainmise d’Abdelaziz Bouteflika sur tous les dossiers. Le président nomme pour le remplacer son directeur de cabinet Ali Benflis, réputé pour être un réformateur. Dans le même temps, afin de rallier les islamistes modérés, le régime prône un retour à certaines valeurs religieuses, notamment sur le plan de la morale.

Pour autant, la question de la violence des groupes islamistes est loin d’être résolue. En décembre 2000, la période du ramadan entraîne comme chaque année un regain d’assassinats et d’actions terroristes, alors que certaines révélations d’anciens militaires incriminent la responsabilité de l’armée dans plusieurs massacres attribués au GIA. Surtout la situation se dégrade fortement en Kabylie. En avril 2001, après la mort d’un adolescent de 18 ans placé en détention à Beni Douala et abattu par un gendarme, d’importantes émeutes ont lieu, notamment à Tizi Ouzou, entraînant la mort d’une quarantaine de personnes et le retrait du RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), parti berbère, de la coalition gouvernementale. Au mois de novembre 2001, alors que des pluies torrentielles s’abattent sur l’Algérie — les inondations causent la mort de plusieurs centaines de personnes, en particulier à Alger, dans le quartier de Bab el Oued —, le gouvernement est confronté à la colère de la population, attisée par l’incurie des secours, lents et inadaptés.

En avril 2002, le Parlement vote à l’unanimité un amendement à la Constitution qui institue le berbère comme langue nationale. Ce geste historique, qui revêt une dimension symbolique importante dans le processus de reconnaissance de l’identité berbère, intervient à l’approche des élections législatives, dans un climat tendu par les manifestations et les revendications qui continuent de remettre en cause l’autorité de l’État en Kabylie. Il n’empêche cependant pas les comités de villages kabyles d’appeler au « boycottage actif « du scrutin. Les deux principaux partis d’opposition, le Front des forces socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), refusent également de participer à un scrutin dont ils contestent la régularité. En remportant 199 des 389 sièges que compte l’assemblée, soit la majorité absolue, le Front de libération nationale (FLN), l’ancien parti unique, sort grand vainqueur des élections de mai 2002. L’autre parti au pouvoir, le Rassemblement national démocratique (RND), obtient 48 sièges, contre 155 dans la législature précédente ; l’ensemble des partis islamistes légaux détiennent 81 sièges. En dépit des nombreux appels au vote lancés par le président Bouteflika, le taux de participation — de 46 p. 100 selon les chiffres officiels — est le plus bas depuis l’indépendance. En Kabylie, théâtre de nombreux affrontements entre manifestants et forces de sécurité, les appels au boycottage sont suivis par la quasi-totalité des électeurs, la plupart des bureaux de vote restant fermés. À l’issue des élections législatives, le Premier ministre et secrétaire général du FLN, Ali Benflis, est reconduit dans ses fonctions.

Le début de l’année 2003 est marqué par la visite de Jacques Chirac en Algérie, première visite d’État d’un président français depuis l’indépendance de l’ancienne colonie. Cette visite, accueillie avec enthousiasme par la population algérienne, vise officiellement, côté français, à « refonder « les relations entre les deux pays que réunit une « destinée commune «. À l’approche du scrutin présidentiel de 2004, elle représente aussi, pour Abdelaziz Bouteflika, une démonstration du soutien dont il bénéficie sur la scène internationale. Conditionnée à cette échéance électorale, la vie politique algérienne est dominée par ses habituelles luttes de clans et par le bras de fer politique opposant le président et son Premier ministre, Ali Benflis. Devant son refus de prendre position en faveur de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika, Ali Benflis est limogé et remplacé par Ahmed Ouyahia, ancien Premier ministre (1995-1998) et secrétaire général du RND. Sur fonds de violentes querelles intestines, le FLN désigne Ali Benflis comme son candidat à l’élection présidentielle de 2004.

Ces luttes de pouvoir interviennent alors que l’Algérie est endeuillée par un violent tremblement de terre survenu le 21 mai, dans la région d’Alger. Ce séisme, l’un des plus meurtriers jamais enregistrés en Algérie — 2 300 morts et plus de 10 000 blessés —, provoque la colère de la population, tant face à l’inertie des pouvoirs publics après le sinistre que face à leur incurie dans l’aménagement du territoire. Ces manquements, ajoutés aux pratiques frauduleuses des entreprises de construction (emploi de matériaux inadaptés, non-respect des normes techniques, corruption), auraient lourdement contribué au nombre de logements détruits (20 000) et de personnes sinistrées (plus de 100 000).

Lors de l’élection présidentielle d’avril 2004, Abdelaziz Bouteflika est réélu dès le premier tour avec près de 85 p. 100 des suffrages — son rival Ali Benflis en recueille 6,42 p. 100. Tandis que la campagne électorale a laissé espérer un scrutin relativement ouvert — l’armée ayant officiellement affirmé sa neutralité —, l’opposition dénonce une fraude massive devant le score du président sortant. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia est reconduit dans ses fonctions. En février 2005, Abdelaziz Bouteflika devient président du FLN, une fonction honorifique qui n’existait pas jusqu’alors. Cela témoigne du réalignement du parti sur la politique du chef de l’État, notamment sur sa politique de « réconciliation nationale «. Alors que, selon les autorités, environ un millier d’islamistes sont encore en activité en Algérie, le président Bouteflika fait voter les Algériens sur son projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale visant à mettre fin à la guerre entre l’État et les groupes armés islamistes (150 000 morts et des milliers de disparus depuis 1992). À l’issue d’un scrutin boycotté par les partis d’opposition, les organisations de défense des droits de l’homme et les associations de familles de disparus, les Algériens se prononcent le 29 septembre 2005 à 97,38 p. 100 en faveur de la charte, avec une participation officielle de près de 80 p. 100, un chiffre dénoncé par l’opposition. Au mois de mai 2006, Ahmed Ouyahia démissionne sur fonds de querelles entre le FLN et le RND. Il est remplacé au poste de Premier ministre par Abdelaziz Belkhadem, un proche du chef de l’État.

Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

Liens utiles