alleu

alleu, au Moyen Âge, terre libre et affranchie de la tutelle seigneuriale.

Survivance des propriétés concédées aux colons romains et aux lètes barbares installés par l’Empire romain déclinant ou par les souverains barbares du haut Moyen Âge, l’alleu est une exception à la règle féodale qui affirme : « nulle terre sans seigneur «.

L’alleu peut être roturier (c’est-à-dire la propriété d’un simple paysans), appartenir à un noble, à un chevalier (et devient, dans ce cas, un fief) ou même à l’Église ; il évolue alors souvent vers la seigneurie. L’alleu peut aussi avoir sa propre souveraineté, lorsque le propriétaire y exerce pleinement la justice. C’est le cas du « petit roi d’Yvetot «, chanté au XIX^e siècle par Béranger, qui gouverne une petite partie de la Normandie à la fin du XI^e siècle.

Particularités françaises, les alleux se situent surtout dans le Massif central et dans le Midi ; réduits entre le XI^e et le XIII^e siècle, période durant laquelle ils sont absorbés par le système féodal pour le nord du royaume, les alleux connaissent une nouvelle extension à la fin du Moyen Âge.

La période moderne, y compris le règne de Louis XIV, préserve les alleux dans certaines régions : dans la plaine d’Auvergne, ils représentent 44 p. 100 du sol. Le roi a obtenu la reconnaissance de sa propriété éminente en échange de cette tolérance. À la fin de l’Ancien Régime, le Dauphiné, les pays de la coutume de Troyes, Chaumont, Vitry, Auxerre et le Nivernais sont réputés terres de franc-alleu ; en Champagne, cette désignation signale seulement une franchise de champart.

Survivance du haut Moyen Âge, seule forme de propriété non féodale dans une société modelée par la féodalité, l’alleu demeure une exception dans la France médiévale et moderne, une exception contre laquelle combattent avec succès d’abord les seigneurs, puis le roi lui-même.