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André BRETON 1896- 1966 La Clé des champs - Texte seul

Publié le 24/03/2020

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breton

J’ai pu dire autrefois que la place Dauphine « est bien un des lieux les plus profondément retirés que je connaisse, un des pires terrains vagues qui soient à Paris. Chaque fois que je m’y suis trouvé — ajoutais-je — j’ai senti m’abandonner peu à peu l’envie d’aller ailleurs, il m’a fallu argumenter avec moi-même pour me dégager d’une étreinte très douce, trop agréablement insistante et, à tout prendre, brisante»1. Cette impression ne s’est éclairée pour moi, mais alors aux limites de l’éblouissement, que plus tard. Il me semble, aujourd’hui, difficile d’admettre que d’autres avant moi, s’aventurant sur la place Dauphine par le Pont-Neuf, n’aient pas été saisis à la gorge à l’aspect de sa conformation triangulaire, d’ailleurs légèrement curviligne et de la fente qui la bissecte en deux espaces boisés. C’est, à ne pouvoir s’y méprendre, le sexe de Paris qui se dessine sous ces ombrages. Sa toison brûle encore, quelquefois l’an, du supplice des Templiers2 qui s’y consomma le 13 mars 1313 et dont certains veulent qu’il ait été pour beaucoup dans le destin révolutionnaire de la ville.

La Clé des champs, © Société Nouvelle des Editions Pauvert, 1979.

1. L’auteur cite son roman Nadja. - 2. Ordre religieux militaire fondé à l’origine pour protéger les pèlerins en Terre Sainte. Devenus riches et très puissants, les Templiers furent persécutés par le roi de France de l’époque, Philippe le Bel.

Quelle est la place du souvenir dans cette description de la place Dauphine ?

Comment s’exprime l’évidence symbolique de ce lieu parisien ?

Dans quelle mesure l’objectivité des événements historiques et la subjectivité du poète se complètent-ils?

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