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APPRÉCIATION GÉNÉRALE SUR POLYEUCTE

Publié le 07/07/2011

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" Polyeucte est probablement le drame de Corneille qui contient le plus de vérité humaine. On y voit un exemplaire excellent des drames intimes que l'établissement du christianisme dut susciter et dans les cœurs et dans les foyers, et comment durent sentir et penser, à ce grand moment historique, une personne du peuple (Stratonice), un fonctionnaire (Félix), un philosophe (Sévère), un chrétien d'esprit pratique (Néarque), un chrétien enthousiaste marié à une païenne (Polyeucte), et une païenne épouse d'un chrétien (Pauline). Joignez que l'aventure passionnelle de Polyeucte, de Pauline et de Sévère est, en elle-même, des plus émouvantes. Ajoutez que, comme dans Horace, le " devoir " qui triomphe ici n'a rien d'une invention individuelle, mais que tout chrétien en reconnaîtra le caractère impérieux. Enfin, la théorie de Corneille sur le véritable amour, lequel se subordonne à l'intelligence et s'attache toujours au meilleur, trouve ici la plus belle application, Polyeucte adorant Pauline, mais lui préférant Dieu, et Pauline préférant Polyeucte à Sévère, dès que la sublimité d'âme de son mari lui est connue : en sorte que le drame, on l'a souvent dit, est emporté d'un mouvement ascensionnel, Dieu tirant à soi Polyeucte, qui tire à Dieu Pauline, qui tire à son tour le médiocre Félix. Tout cela, vivant. Une des marques que les personnages de cette tragédie ont une vie plus riche et plus complète que ceux des autres pièces de Corneille, c'est qu'ils sont les seuls, dans son théâtre, dont l'image se soit modifiée dans l'esprit des générations successives de lecteurs ou de spectateurs, et qui, ainsi, aient eu la fortune des grandes figures de Molière et de quelques-unes de celles de Racine. Et l'œuvre y a gagné. Aujourd'hui, cette histoire d'un martyr, ce drame conduit concurremment par des passions humaines et par la grâce divine, nous plaît beaucoup plus qu'aux gens du XVIIe siècle, peut-être parce que nous sommes moins bons chrétiens, et ne nous inspire pas la même antipathie qu'aux hommes du XVIIIe siècle, peut-être parce que nous sommes meilleurs philosophes. " (J. Lemaître.)

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