Devoir de Philosophie

Cavour, lettre à D'Azeglio (extrait)

Publié le 19/02/2013

Extrait du document

Chargé, en 1860, du maroquin des Affaires étrangères du royaume de Piémont-Sardaigne, le comte de Cavour gère la tumultueuse vie diplomatique d’une Italie dont l’unification s’accélère. Le 8 mai, depuis Turin, il donne ses instructions écrites au marquis d’Azeglio, ambassadeur à Londres. Il y réaffirme son indéfectible attachement à l’unification et à l’indépendance italiennes tout en soulignant, afin de préserver le soutien anglais à sa cause, qu’il n’est pas solidaire de l’aventurisme garibaldien — faisant ainsi référence à l’expédition des Mille menée par Giuseppe Garibaldi.

Lettre du comte de Cavour au marquis d’Azeglio (8 mai 1860)

 

Mon cher Marquis,

 

 

Les événements qui se passent en Sicile me décident à me départir de la réserve que je m’étais imposée, vis-à-vis du gouvernement anglais, par suite du sentiment de défiance que l’affaire de la Savoie avait malheureusement excité contre nous en Angleterre.

 

 

Quelle que soit la différence de vues qui s’est manifestée à cette occasion entre les Ministres de S.M.B. et moi, différence que je regrette hautement, il me paraît indubitable que l’Angleterre et la Sardaigne n’ont, à l’égard de la Sicile, qu’un seul et même intérêt. En effet (vous aurez eu souvent l’occasion de le répéter à Lord Palmerston et à Lord John), nous n’avons d’autre but que de rendre l’Italie aux Italiens, de fonder d’une manière durable et réelle l’indépendance de la Péninsule, de la délivrer de toute sujétion morale, aussi bien que matérielle. Nous n’avons cédé la Savoie et Nice que parce que, à tort ou à raison, nous sommes convaincus que ces pays ne font pas partie de la nationalité italienne. Mais (comme je me suis empressé de vous le mander hier par télégraphe) nous ne céderions pas un pouce de terre italienne, quels que fussent les avantages du troc qu’on viendrait nous proposer.

 

 

Vous pouvez donc démentir pleinement l’absurde bruit relatif à la cession de Gênes, ou de tout autre partie de la Ligurie à la France. […] En Sicile, comme dans l’Italie centrale, l’Angleterre ne peut avoir qu’un but : laisser les Italiens maîtres de décider de leur sort, empêcher toute intervention, toute influence étrangère. C’est là justement ce que nous voulons ; car, je le répète, je suis italien avant tout, et c’est pour faire jouir mon pays du self-gouvernement à l’intérieur, comme à l’extérieur, que j’ai entrepris la rude tâche de chasser l’Autriche de l’Italie, sans y substituer la domination d’aucune autre Puissance…

 

 

Vous aurez donc soin d’expliquer à Lord Palmerston que, dans l’affaire de Sicile, nous désirons avant tout nous mettre en parfait accord avec l’Angleterre. Nous n’avons pas encouragé Garibaldi à se jeter dans cette aventure, qui nous paraissait téméraire… Cependant… nous ne nous sommes pas crus en droit d’empêcher par la force des efforts qui tendent à améliorer le sort des Siciliens. Si Garibaldi réussit, si la grande majorité des Siciliens se réunit autour de lui, nous ne demandons pour eux que la pleine liberté de décider de leur sort, de faire de l’indépendance qu’ils auront acquise l’usage qui leur paraîtra le plus convenable…

 

 

Source : Lettre du comte de Cavour au marquis D'Azeglio, 8 mai 1860, citée dans Blanchi (Nicomède), la Politique du comte Camille de Cavour de 1852 à 1861, Lettres inédites, Turin, Roux et Favale, 1885.

 

Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

Liens utiles