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Chanson de Craonne

Publié le 03/04/2013

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Née des mutineries qui éclatent en 1917 au sein de l’armée française, au lendemain de la désastreuse offensive du Chemin des Dames, la Chanson de Craonne (du nom du plateau de sinistre mémoire) dit la révolte, la détresse et le sentiment d’abandon qui s’emparent des poilus, confrontés à une guerre absurde, meurtrière et qui s’éternise. Interdite, pourchassée en vain — son auteur restera anonyme, malgré la récompense promise par les autorités militaires à qui en révélerait l’identité —, la Chanson de Craonne a circulé d’un bout à l’autre du front, avant d’être recueillie par Paul Vaillant-Couturier, puis publiée en 1919.

La Chanson de Craonne

 

Quand au bout d’huit jours, le r’pos terminé, On va r’prendre les tranchées, Notre place est si utile Que sans nous on prend la pile. Mais c’est bien fini, on en a assez, Personn’ ne veut plus marcher, Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot On dit adieu aux civ’lots. Même sans tambour, même sans trompette, On s’en va là-haut en baissant la tête. Adieu la vie, adieu l’amour, Adieu toutes les femmes. C’est bien fini, c’est pour toujours, De cette guerre infâme. C’est à Craonne, sur le plateau, Qu’on doit laisser sa peau, Car nous sommes tous condamnés, Nous sommes les sacrifiés. Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance, Pourtant on a l’espérance Que ce soir viendra la r’lève, Que nous attendons sans trêve. Soudain, dans la nuit et dans le silence, On voit quelqu’un qui s’avance : C’est un officier des chasseurs à pied, Qui vient pour nous remplacer. Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe, Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes. C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards Tous ces gros qui font leur foire ; Si pour eux la vie est rose, Pour nous c’est pas la mêm’ chose. Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués, F’raient mieux d’monter aux tranchées Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien, Nous autr’s, les pauvr’s purotins. Tous les camarades sont enterrés là, Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là. Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront, Car c’est pour eux qu’on crève. Mais c’est fini, car les trouffions Vont tous se mettre en grève. Ce s’ra votre tour, messieurs les gros, De monter sur l’plateau, Car si vous voulez la guerre, Payez-la d’votre peau !

 

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