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coquillages, amas de

Publié le 29/01/2013

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1   PRÉSENTATION

coquillages, amas de (ou butte de coquillages, conchero, kaizuka, kjškkenmšdding, midden, sambaquis, shellmiden), accumulations de coquillages laissées par les hommes de la préhistoire sur les rivages de la mer, des rivières et des lacs, et utilisées à notre époque comme carrière à chaux ou comme matériaux de travaux publics. L’origine humaine de ces amas coquilliers n’a été reconnue qu’à l’issue d’un siècle d’âpres polémiques en rapport avec les grands débats scientifiques de la seconde partie du XIXe siècle. Ces amas témoignent d’une activité de pêcheurs généralisée dans presque toutes les parties du monde.

C’est la méthode de datation au carbone-14 (ou 14C) qui a permis, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de dater avec certitude ces buttes de coquillages. Cette civilisation, peu spectaculaire eu égard à l’absence de monuments et à la rareté de « beaux objets «, est cependant très enrichissante pour la compréhension du passé et de la vie quotidienne des populations du néolithique.

2   UNE HYPOTHÈSE LOURDE DE CONSÉQUENCES

En 1834, le naturaliste danois Peter W. Lund (1801-1880), disciple de Cuvier, qui s’était installé au Brésil, avait émis l’idée que des restes humains découverts dans une grotte du Mineas Gerais et associés à des ossements d’animaux étaient antérieurs au déluge évoqué dans la Bible. Cette idée, reprise par Darwin dans l’Origine des espèces (1859), a suscité la polémique que l’on connaît. Le naturaliste danois J. A. Worsaae, collègue de Lund, quant à lui, avait déjà observé au Danemark de tels amas — les divers objets hétéroclites très anciens qui y étaient mélangés (pierres taillées, tessons de poteries, os, charbons de bois, etc.) leur avaient valu d’être qualifiés de kjškkenmšdding (débris de cuisine), définition reprise ensuite en Angleterre sous le nom de midden (tas d’ordures). Aussi a-t-il avancé que les amas de coquillages qui ponctuaient le littoral brésilien (les sambaquis) étaient dus à la main de l’homme. Mais la controverse était telle que cette hypothèse n’a été pratiquement admise qu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

3   LES KAIZUKA JAPONAIS

La question de l’origine anthropique (humaine) de ces buttes était néanmoins posée. En 1877, un anthropologue américain Edward Morse (1838-1925), en voyage au Japon, aperçoit des buttes semblables (kaizuka) dans la région d’Omori, près de Tokyo. Leur fouille révèle la présence de « poteries à motif de corde «, qui sont appelées jomon doki par le botaniste Shirai Kotaro (1885), d’où le nom de « Jomon « donné à la culture qui les avait produites. En même temps qu’une préhistoire locale jusque-là insoupçonnée, le Japon venait de se découvrir une civilisation d’une « originalité absolue « (C. Lévi-Strauss).

Les hommes de la civilisation jomon étaient des chasseurs, des pêcheurs, et des collecteurs sédentaires. L’étude de leurs activités contredisait une règle jugée alors comme absolue : l’apparition simultanée de l’agriculture et de la céramique. Les plus anciennes céramiques jomon remontent à 10 500 ans av. J.-C., donc plus tôt que partout ailleurs dans le monde. Elles ont été trouvées dans un amas coquillier près de Nagasaki. La culture jomon, qui se termine vers 300 av. J.-C., a produit toute une gamme d’objets (poteries, figurines et statuettes) et de motifs. De plus, elle est apparue et s’est développée en milieu insulaire, contredisant la théorie diffusionniste en vogue à l’époque qui donnait aux civilisations une origine unique (en général, le Proche-Orient).

L’étude des kaizuka montre que la population était déjà importante. Les amas coquilliers n’étaient fréquentés qu’à une certaine époque de l’année, lors de la pêche, de la collecte des mollusques, et probablement de leur préparation (séchage ou fumage) en vue d’échanges avec les populations de l’intérieur. L’activité de ces ramasseurs de coquillages s’est révélée bénéfique pour la conservation des ossements en milieu calcaire, ce qui n’est pas le cas lorsque le sol est acide, en forêt, par exemple.

4   LES ESCARGOTS DU SAHARA

En 1905, un gendarme en poste dans la région de Sétif sur les hauts plateaux algériens découvre des amas de terre, épais parfois de plusieurs mètres, auxquels sont amalgamées des quantités impressionnantes de coquilles d’escargots ; il leur donne le nom d’« escargotières «. Les archéologues qui les étudient en relèvent un grand nombre en Algérie orientale et jusqu’à la lisière du Sahara. Le milieu calcaire a protégé les ossements humains (certains ont subi des pratiques rituelles ou sont enduits d’ocre rouge) et animaux, ainsi que de nombreux fragments d’œufs d’autruches gravés de dessins d’animaux. Ces escargotières sont associées à une civilisation spécifique de l’Afrique du Nord, le Capsien (de Capsa, nom antique de Gafsa, en Tunisie) qui précède le néolithique et qui s’est épanouie 8 000 ans environ av. J.-C.

5   LES TOMBES ROYALES DU SÉNÉGAL

En éloignant les rivages, les diverses transgressions marines et la formation des deltas ont entraîné la multiplication des amas de coquillages. Près de Saint-Louis, ville sénégalaise située sur une île à l’embouchure du fleuve, la fouille d’un dépôt coquillier, dont les coquilles (huîtres, arches, patelles) sont exploitées pour la construction des routes, a permis la découverte d’hameçons en os, de haches en pierre, de pendeloques et d’autres objets usuels en pierre ou en céramique datant du début de notre ère environ.

Sur les côtes et aux embouchures des estuaires du Saloum et de la Casamance, au centre et dans le sud du pays, l’emplacement d’un amas coquillier se signale par de grands baobabs (arbres qui apprécient les milieux calcaires) au milieu de la mangrove. Dans l’île de Dioron Boumak, à l’embouchure du Saloum, une grande butte, édifiée en quelque 600 ans entre le VIIe et le XIIIe siècle de notre ère, a été fouillée par les archéologues sénégalais. Elle mesure 400 m sur 300 m, et atteint 12 m de hauteur (d’autres buttes atteignent des épaisseurs voisines). La masse des coquilles (des arches — Archa senilis — pour la plupart) a été évaluée à 600 000 m3. Elle a pour origine l’activité d’un groupe spécialisé qui préparait les mollusques en les faisant sécher ou fumer, comme on le fait toujours au Sahel avec le poisson, pour les commercialiser. On suppose que cette tradition a pris fin avec l’interdit musulman sur les coquillages.

Plus tard, l’île de Dioron Boumak a été utilisée comme site d’inhumation. La fouille de plusieurs tumulus a permis la mise au jour de squelettes richement parés de bracelets et de bagues en cuivre, de colliers de perles en coquilles taillées en forme de tubulures, dont une en or. Les squelettes étaient accompagnés de poteries funéraires et de fers de lance (les hampes en bois des lances s’étaient désagrégées) placés près du corps.

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