Denktash, Rauf

Denktash, Rauf (1924- ), homme politique chypriote truc, président de 1975 à 2005 de l’autoproclamée République turque de Chypre du Nord (RTCN), reconnue uniquement par la Turquie.

Né à Ktima, dans le sud-ouest de l’île de Chypre — alors colonie britannique —, Rauf Denktash étudie le droit en Angleterre. De retour à Chypre, il devient procureur à la cour de Nicosie dans les années 1950. Il se rapproche parallèlement de Fazil Küchük, grand défenseur des droits de la minorité turque chypriote. Face à l’émergence, en 1955, de l’Organisation nationale des combattants chypriotes (EOKA), un mouvement terroriste chypriote grec partisan de l’union de Chypre avec la Grèce (l’Enosis), il crée l’Organisation de la résistance turque (TMT).

Tandis que la perspective de l’indépendance de l’île s’affirme, Rauf Denktash participe aux négociations pour l’élaboration d’une Constitution garantissant un partage du pouvoir entre les deux communautés chypriotes. Une fois l’indépendance acquise, en 1960, il est élu président de la Chambre communale turque et devient le dauphin de Fazil Küchük, vice-président de la République. Mais, dès décembre 1963, de violents affrontements éclatent entre les deux communautés, après que le président Makarios a cherché à réduire le pouvoir législatif des représentants des Chypriotes turcs. Les Turcs se retirent du gouvernement ; Rauf Denktash trouve refuge à Ankara, où il noue des contacts avec les militaires qui dirigent la Turquie. Revenu clandestinement à Chypre, il participe aux combats intercommunautaires et est de nouveau expulsé vers la Turquie en 1966. Bénéficiant d’une amnistie, il regagne définitivement l’île en 1968.

Devenu le chef de file de la communauté chypriote turque, il participe aux négociations visant à restaurer un gouvernement intercommunautaire et est élu vice-président de la république de Chypre en 1973. Le coup d’État d’ultranationalistes chypriotes grecs en juillet 1974 et l’invasion par la Turquie de la partie nord de l’île qui s’ensuit portent un coup d’arrêt au processus de normalisation. En 1975, Rauf Denktash proclame un État chypriote turc « autonome, laïc et fédéré « dans le secteur occupé par la Turquie et en devient le président. En dépit de pourparlers intermittents sous les auspices de l’ONU en vue de mettre fin à la division de l’île, Rauf Denktash proclame en 1983 la République turque de Chypre du Nord (RTCN), reconnue uniquement par la Turquie.

Réélu en 1990, 1995 et 2000, Rauf Denktash s’impose comme un négociateur tenace, pour qui la reconnaissance de la souveraineté de la RTCN est un préalable à toute négociation sur la réunification de l’île. Cependant, sa forte popularité s’étiole progressivement tandis que l’isolement de la république autoproclamée (notamment l’embargo imposé par les États-Unis en 1994) ruine l’économie du pays. En outre, les perspectives d’adhésion à l’Union européenne (UE) de Chypre et de la Turquie amènent ces pays à rechercher un règlement de la question de la partition de l’île.

En 2002, Rauf Denktash entre en négociation directe avec le président chypriote grec Glafkos Cléridès afin de parvenir à un accord sur un plan de réunification de l’île avant l’entrée de Chypre dans l’UE en mai 2004. Les négociations échouent en mars 2003, tandis que le plan proposé par l’ONU, prévoyant la mise en place d’un État fédéral, est soutenu par la majorité des Chypriotes turcs, opposés à l’intransigeance de Rauf Denktash et réclamant son départ.

À l’issue des élections législatives de décembre 2003, qui voient arriver à égalité partisans et opposants à la reprise du dialogue, Rauf Denktash désigne comme Premier ministre Mehmet Ali Talat, favorable à une réunification de l'île avant la date de l’élargissement de l’UE, le 1^er mai 2004. En dernier recours, le plan de paix est soumis par référendum aux Chypriotes, grecs et turcs, en avril 2004. Tandis que 65 p. 100 des électeurs de la partie turque approuvent le plan, contre la position de Rauf Denktash, 75 p. 100 des électeurs de la partie grecque de l’île le rejettent. Chypre reste donc divisée, et seule la partie grecque de Chypre rejoint l’UE. Ces événements signent le retour de la partie turque de Chypre sur la scène internationale, et le recul de Rauf Denktash, comme en témoigne la réaction du département d’État américain, qui reconnaît en Mehmet Ali Talat le représentant de la communauté chypriote turque, au détriment de l’ancien leader. Élu président en avril 2005, Mehmet Ali Talat succède à Rauf Denktash qui, âgé de 81 ans, a passé trente ans à la tête de la RTCN.