Devoir de Philosophie

Des Jeux Et Des Hommes Eric Berne

Publié le 02/11/2012

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Introduction La privation émotive et sensorielle peut provoquer une issue fatale. En effet, avec l’exemple des nourrissons, on peut voir que l’intimité physique est primordiale pour l’Homme : Spitz a découvert que les nourrissons que l’on ne manipulait pas durant une période prolongée avaient tendance à décliner de manière irréversible. Cette privation peut donc mener à la dégénérescence et à la mort. Ces observations font naître l’idée de l’appétit du stimulus, et indiquent que les formes préférées de stimuli sont celles que fournit l’intimité physique. Il est probable que la privation émotive et sensorielle soit une cause des modifications de l’organisme. En effet, si le système réticulaire d’activation de la tige cérébrale n’est pas suffisamment stimulé, il se peut qu’il y ait par la suite une dégénérescence nerveuse. Il est donc possible de mettre en parallèle l’appétit du stimulus et l’appétit de nourriture, tous deux essentiels à la survie de l’être humain. Mais une fois passée la phase d’étroite intimité avec la mère, l’individu apprendra à se contenter de formes plus subtiles de manipulations : l’appétit du stimulus infantile se transforme partiellement pour donner l’appétit de reconnaissance. Tout le monde n’a pas besoin de la   même reconnaissance, ainsi, par exemple, un acteur peut avoir besoin chaque semaine de centaines de « caresses « de la part d’admirateurs anonymes, alors qu’un savant
se contentera d’une « caresse « annuelle, provenant d’un maître qu’il respecte. On peut ainsi définir le terme caresse : par extension de sens il est permis d’employer familièrement le mot « caresse « afin de désigner tout acte impliquant la reconnaissance de la présence d’autrui. Par conséquent la caresse peut servir d’unité fondamentale à   l’action sociale.  Après l’appétit de stimulus et l’appétit de reconnaissance vient l’appétit de structure. Le problème qui se pose à tout être humain consiste à savoir comment structurer ses heures de veille. C’est pourquoi la fonction de toute vie sociale est de se prêter mutuellement assistance à cet effet. L’intimité constitue la seule réponse entièrement satisfaisante à l’appétit de stimulus, à l’appétit de reconnaissance, à l’appétit de structure. L’appétit de structure exprime le besoin d’éviter l’ennui. S’il persiste, l’ennui entraine les mêmes conséquences que la privation émotive et sensorielle. Cet appétit a donc, lui aussi, une valeur de survie. Analyse des jeux Analyse structurale On constate que parfois, les gens changent de point de vue, de voix, de vocabulaire, de sentiment. Ces modifications conduisent au concept des états de l’égo. L’égo désigne un système de sentiments accompagnés par un système lié de types de comportement. On peut classer les états de l’égo en trois catégories :   * Etat Parental de l’égo ;   * Etat Adulte de
l’égo ;   * Etat Enfantin de l’égo. Ces derniers sont séparés les uns des autres, étant donné qu’ils diffèrent beaucoup entre eux, et sont fréquemment tous fait sans lien l’un avec l’autre. Chacun de ces types d’égo présente pour l’individu sa propre valeur vitale :   * Le Parent a deux fonctions principales. En premier lieu, il assure la survie de la race humaine par la procréation et l’éducation. Mais le Parent permet également d’économiser du temps et de l’énergie, en rendant des réactions automatiques.   * L’Adulte est primordial à la survie. Il élabore les données pour traiter efficacement avec le monde extérieur.    * En Enfant résident l’intuition, l’esprit de création, l’élan et l’amusement spontanés. Les trois aspects de la personnalité sont tous importants pour la vie et la survie. Ce n’est qu’au moment où l’un ou l’autre d’entre eux compromet l’équilibre de la santé qu’analyse et réorganisation s’imposent. Analyse transactionnelle L’unité de rapport social est appelée transaction. Lorsque plusieurs personnes se rencontrent, il y aura forcément un moment où l’une d’elle parlera, ou fera comprendre aux autres qu’elle reconnaît leur présence. On appelle ce phénomène un stimulus transactionnel. Par la suite, une autre personne dira ou fera quelque chose qui aura un lien quelconque avec ce stimulus. Cela porte le nom de réaction transactionnelle. Ainsi, on peut définir que l’analyse
transactionnelle consiste à reconnaître quel état de l’égo exécute le stimulus transactionnel, et lequel exécute la réaction transactionnelle. Les transactions les plus évidentes à comprendre sont les suivantes :   * Enfant-Parent : par exemple, lorsqu’un enfant malade demande un verre d’eau à sa mère, cette dernière va le lui apporter.    * Adulte-Adulte : par exemple, en salle d’opération, un chirurgien a besoin d’un scalpel, il tend alors la main. Celui qui réagit place le manche du scalpel à l’endroit exact où le chirurgien l’attend. On est ici dans la situation de transactions complémentaires : la réaction est adéquate au stimulus. Lorsque les transactions sont complémentaires, il y a une parfaite communication. Or, cette communication peut être interrompue lorsqu’il y a une transaction croisée. On retrouve deux types de transactions croisées :   * Stimulus Adulte-Adulte et réaction Enfant-Parent : par exemple, dans le cas où la première personne demande : « Sais-tu où sont mes boutons de manchettes ?«, la deuxième n’a pas un comportement adéquat et répond par : « Tu me fais des reproches à propos de tout ! «. Cette réaction est liée à un excès de colère. La réaction Adulte-Adulte attendu aurait été : « Sur le bureau «.   * Stimulus Adulte-Adulte et réaction Parent-Enfant : prenons ici l’exemple d’un psychothérapeute et son patient. Imaginons que le patient demande : « Sais-tu où sont
mes boutons de manchette ? «, le psychothérapeute répondra comme un parent qui s’adresse à son enfant : « Pourquoi ne fais-tu pas plus attention à tes affaires ? Tu n’es plus un enfant ! «. On peut résumer toute l’analyse structurelle par le schéma de rapports : Les transactions complémentaires :   * (1-1)²   * (5-5)²   * (9-9)²   * (2-4) (4-2)   * (3-7) (7-3)   * (6-8) (8-6) Procédés et rituels Les transactions procèdent le plus souvent par séries. Ces séries ne sont pas dues au hasard, mais se conforment à un programme. La programmation peut découler d’une de ces trois sources : le Parent, l’Adulte, l’Enfant, ou, plus généralement, de la société ou des matériaux. Les formes les plus simples de l’activité sociale sont les procédés et les rituels. Qu’ils soient locaux ou universels, ils doivent tous être appris.  Un procédé est une série de transactions complémentaires Adultes, simple, qui a pour but de manier la réalité. Il faut différencier les deux aspects de la réalité :   * La réalité statistique, qui comprend tous les arrangements possibles de la matière au sein de l’univers (par exemple, l’arithmétique).   * La réalité dynamique, qui peut se définir en tant que potentialités d’interaction de tous les systèmes énergétiques existant dans l’univers (par exemple, la chimie) Un rituel est une série stéréotypée de transactions complémentaires, programmées par des forces sociales
externes. On distingue deux types de rituels :   * Les rituels informels : dans l’ensemble la forme de base reste la même, néanmoins, il peut y avoir des changements dans les détails.   * Les rituels formels : la forme est toujours la même, il n’y a aucun de changements, aussi infime soit-il. Le caractère essentiel et similaire aussi bien des procédés que des rituels, c’est qu’ils sont stéréotypés. Une fois commencée, la série entière devient prévisible, et suit un cours prédéterminé jusqu’à une conclusion prévisible, à moins que des conditions spéciales ne s’y opposent. La différence entre les rituels et les procédés tient à l’origine de la prédétermination : les procédés sont programmés par l’Adulte, et les rituels sont conçus par le Parent. Les individus peu à l’aise avec les rituels s’en évadent quelquefois en leur substituant des procédés. L’on peut rencontrer de ces individus, par exemple, parmi les gens qui se plaisent à aider la maîtresse de maison dans la préparation ou le service de la nourriture et des boissons pendant les réceptions. Passe-temps Les passe-temps se présentent dans des « matrices « sociales et temporelles offrant des degrés variés de complexité : la complexité des passe-temps varie donc. Néanmoins, si nous employons la transaction comme unité des rapports sociaux, nous pouvons constater qu’il peut y avoir des passe-temps simples. Un passe-temps simple est une série
de transactions complémentaires, simples, dont le but consiste à structurer un certain laps de temps. De manière générale, le début et la fin de ce laps de temps est marqué par des procédés ou des rituels. Lors de ce laps de temps, chacune des parties doit pouvoir obtenir le maximum de bénéfices, d’avantages. Les passe-temps se pratiquent typiquement aux réceptions ou durant la période d’attente qui précède le début d’une rencontre formelle de groupe. Les passe-temps peuvent prendre la forme que décrit bien l’expression « bla-bla « ; ils peuvent aussi devenir plus sérieux ; revêtir l’aspect de la discussion. Il y a plusieurs façons de classer les passe-temps :   * Classification selon les déterminants externes, qui sont sociologiques (sexe, âge, situation conjugale, culturelle, raciale, économique) : par exemple, « General Motors « est une conversation d’hommes, alors que « la Cuisine « est une conversation de dames.   * Classification structurale-transactionnelle (cette classification étant plus personnelle) : par exemple « Association des parents d’élèves « peut se pratiquer de trois façon : Enfant-Enfant, Adulte-Adulte, Parent-Parent.   * Classification psychologique, qui est celle qui semble être la plus valable. En plus de structurer le temps et de procurer aux parties en cause des carasses mutuellement acceptables, les passe-temps sont des moyens de sélection sociale. En effet, lors
d’un passe-temps, l’Enfant qui se trouve dans chacun des joueurs évalue avec attention les potentialités des autres joueurs : chaque personne distingue alors les joueurs qu’elle aimerait revoir de ceux qu’elle préfèrerait éviter de revoir. Ce système sélectif est de fait pour une large part inconscient et intuitif.  Les passe-temps présentent un caractère exclusif qui leur est propre. Ainsi, par exemple, les « conversations d’hommes « et les « conversations de dames « ne se mélangent pas. Mais les passe-temps sont à la base du choix des relations, et peuvent donc conduire à l’amitié. De plus, grâce aux passe-temps, le rôle de chacun est confirmé. Par exemple, dans « l’Association des parents d’élève «, un joueur peut se distribuer le rôle du Parent sévère, un autre celui du Parent juste, un troisième, celui du Parent indulgent, un quatrième, celui du Parent secourable. Tous les quatre assument et manifestent un état Parental de l’égo mais chacun se présente différemment.  La confirmation de son rôle stabilise la position de l’individu, c’est-à-dire, la simple affirmation, le simple attribut qui influence la totalité des transactions de l’individu. Au bout du compte, la position détermine la destinée de l’individu, et souvent celle de ses descendants. La position se manifeste surtout par l’attitude mentale qu’elle provoque, et c’est avec une telle attitude que l’individu se livre aux transactions
constituant son rôle. Jeux Un jeu est un déroulement d’une série de transactions cachées, complémentaires, progressant vers un résultat bien définit, prévisible. C’est un système récurrent de transactions, souvent répétitives, à motivation cachée. Le jeu se différencie nettement du procédé, du rituel et du passe-temps par deux caractéristiques majeures : sa qualité secrète et le « salaire «.Par définition, les procédés, les rituel et les passe-temps sont francs ; ils peuvent impliquer la lutte, non le conflit, et le résultat peut être sensationnel, non dramatique. D’autre part, tout jeu est malhonnête à la base, et son résultat n’est pas purement excitant. Mais le jeu se distingue également d’une opération, c’est-à-dire, une transaction simple entreprise avec un but spécifique, avoué. Par exemple, lorsque quelqu’un demande franchement qu’on le rassure, et l’obtient, c’est une opération. Or, si après l’avoir été, on tourne de façon quelconque la chose au détriment du « rassureur «, il s’agit alors d’un jeu. A première vue, un jeu ressemble à un système d’opérations, mais d’après le « salaire « il devient évident que ces « opérations « étaient en réalité des manœuvres ; non pas d’honnêtes requêtes, mais des « coups « dans le jeu. Contrairement à ce que l’on pense, le terme « jeu « n’implique pas forcément l’idée de réjouissance ou même d’amusement. En effet, n’importe quelle personne qui joue
au poker peut en témoigner. La plus grande partie du temps de la vie sociale sérieuse est consacrée à la pratique de jeux. Par conséquent les jeux sont à la fois nécessaires et souhaitables. Le seul problème qui se pose est de savoir si les jeux pratiqués par un individu lui rapportent le meilleur profit possible. Le caractère essentiel d’un jeu est son « salaire «. La fonction principale des « coups « préliminaires consiste à mettre au point la situation en vue de ce salaire, mais les coups sont toujours conçus de manière à avoir le plus de satisfactions possibles à chaque pas.  Outre leur fonction sociale consistant à structurer le temps de manière satisfaisante, certains jeux sont d’une urgente nécessité pour le maintien de la santé chez certains individus. Si précaire est la stabilité psychique de ces derniers, ainsi que le maintien de leur positions, que la privation de leurs jeux peut les plonger dans un désespoir inguérissable et même dans la psychose. Ce phénomène s’observe souvent dans les situations conjugales, où l’amélioration psychiatrique d’un des deux conjoints (c’est-à-dire, le renoncement aux jeux dangereux) mène à une détérioration rapide chez l’autre conjoint, pour qui ces jeux représentaient dans la conservation de son équilibre une importance capitale. D’où la nécessité d’agir avec prudence dans l’analyse des jeux. Un florilège de jeux Jeux vitaux Tous les jeux exercent
une influence importante et probablement décisive sur le destin des joueurs placés dans des conditions sociales ordinaires ; mais certains jeux ont plus de chances que d’autres de durer la vie entière. On peut nommer ce groupe celui des jeux vitaux. Il comprend : « l’Alcoolique «, « le Débiteur «, « Donnez-moi des coups de pied «, « Cette fois-ci, je te tiens salaud «, « Regarde ce que tu m’as fait faire « ainsi que leurs variantes principales. Ces jeux fusionnement d’un côté avec les jeux conjugaux, de l’autre avec ceux des bas-fonds.  Pour illustrer ce groupe, nous prendrons l’exemple de « Donnez-moi des coups de pied «. Ce jeu est pratiqué par des gens dont le comportement social équivaut à porter une pancarte où l’on pourrait lire : « Ne me donnez pas de coups de pieds s’il vous plaît «. La tentation est presque irrésistible, et quand on lui donne un coup de pied, Leblanc s’écrit piteusement : « Mais la pancarte dit : Ne donnez pas de coups de pied ! « Puis il ajoute : « Pourquoi faut-il que ça m’arrive toujours à moi ? « (PATM).   Le comportement de Leblanc est de plus en plus provocant jusqu’à ce qu’il ait dépassé les bornes, forçant les autres à lui rendre le service qu’il demande. Les hommes de ce genre sont des parias, des laissés pour compte, renvoyés de partout. Le jeu correspondant chez les femmes, c’est le jeu de « Râpée «. Elles se donnent du mal afin d’être miteuses. Leurs revenus ne
dépassent jamais de beaucoup le minimum vital. Si quelque aubaine leur tombe du ciel, il y aura toujours des jeunes gens entreprenant qui les aideront à s’en débarrasser. Elles sont toujours prêtent à donner des conseils Parentaux et vivent indirectement sur l’expérience d’autrui. Le PATM de ces femmes est silencieux et seul. Ici, le PATM peut conduire à des réflexions sérieuses, constructives, ainsi qu’au développement personnel dans le meilleur sens de l’expression, s’il prend la forme : « Qu’ai-je vraiment fait pour mériter ça ? «. Jeux conjugaux Presque tous les jeux peuvent servir de charpente à la vie conjugale et familiale, mais certains, comme « Sans toi «, s’épanouissent mieux, ou, comme « la Femme frigide «, sont toléré plus longtemps sous la contrainte de l’intimité contractuelle. Notons que les jeux conjugaux sont liés aux jeux sexuels. Les jeux qui atteignent leur total épanouissement dans la relation conjugale comprennent « Coincé «, « le Tribunal «, « la Femme frigide « et « l’Homme frigide «, « Ereintée «, « Sans toi «, « Tu vois bien comme j’ai essayé « et « Chérie «. Nous prendrons ici l’exemple de « Sans toi «. Une femme épouse un homme autoritaire, de façon qu’il restreigne ses activités à elle, lui évitant ainsi de se mettre dans des situations qui l’effraient. S’il s’agissait d’une opération simple, la femme pourrait exprimer sa reconnaissance quand son mari lui rendrait ce
service. Or, dans ce jeu, la réaction de la femme est inverse : la femme profite de la situation pour se plaindre des limitations, ce qui met le conjoint mal à l’aise et lui procure l’avantage social interne. L’avantage social externe est le passe-temps dérivé « Sans lui «, qu’elle pratique avec ses amies de la même espèce. Jeux de société Les réceptions sont faites pour les passe-temps, les passe-temps sont faits pour les réceptions, mais à mesure que l’on fait mieux connaissance, les jeux commencent à se développer. Ce chapitre examine quatre jeux de société qui se jouent de façon typique au sein des situations sociales ordinaires : « C’est affreux «, « les Défauts «, « Schlemiel « et « Pourquoi est-ce que vous ne… ? – Oui, mais «. L’exemple étudié sera ici « les Défauts «. Ce jeu se joue à partir de la position Enfantine, dépressive, « Je ne vaux rien «, transformée par mesure de protection en la position Parentale « Il ne vaut rien «. Le problème transactionnel qui se pose est donc de justifier cette dernière thèse. Les joueurs ne se sentent à l’aise avec une personne inconnue que lorsqu’ils lui ont découvert un défaut. Au sein de la société suburbaine, on se rassure de façon positive en jouant à « Comme je fais «, tandis que « les Défauts « rassurent de façon négative. En effet, les joueurs cherchent à se valoriser en rabaissant les autres. Jeux sexuels Certains jeux se jouent pour exploiter
des pulsions sexuelles, ou les combattre. Ils sont tous, en réalité, des perversions des instincts sexuels, dans lesquelles la satisfaction se trouve déplacée de l’acte sexuel aux transactions décisives constituant le « salaire « du jeu. Les jeux regroupés parmi les jeux sexuels sont : « Battez-vous «, « la Perversion «, « le Viol «, « le Jeu du bas « et « la Scène «. Nous étudierons ici l’exemple de « Battez-vous «.   Il peut s’agir d’une manœuvre, d’un rituel ou d’un jeu. Ce jeu, par ses qualités dramatiques, constitue la base d’une part importante de la littérature universelle.   * En tant que manœuvre, c’est romanesque. La femme manœuvre afin d’amener deux hommes à se battre, ou les mettre au défi de se battre, en promettant de se donner au vainqueur. Après la compétition, elle remplit son engagement. C’est une transaction honnête.   * En tant que rituel, c’est tragique. L’usage exige que les deux hommes se battent pour la femme, même si elle ne le veut pas, même si elle a déjà fait son choix.   Si c’est l’homme qu’elle n’a pas choisi qui gagne, elle doit le prendre. Si la femme consent, la transaction est honnête. Si elle ne consent pas, la suite peut lui fournir une considérable matière à jeu, tels que « Réglons son compte à Joey «.   * En tant que jeu, c’est comique. La femme organise la compétition, et pendant que les deux hommes se battent, elle décampe avec un troisième. Les avantages
psychologiques d’ordre internes et externes, pour elle et son compagnon, dérivent de la position d’après quoi la compétition honnête est pour les nigauds. Jeux de bas-fonds Les jeux de bas-fonds comprennent « Au gendarmes et aux voleurs «, « Comment sortir d’ici « et « Réglons son compte à Joey «. Nous nous concentrerons sur « Réglons son compte à Joey « pour illustrer ce groupe. Le prototype de ce jeu, c’est « le Grand Magasin «, le jeu d’abus de confiance à long terme, mais beaucoup de petites escroqueries sont du type RCJ. Le coup d’envoi consiste pour Lenoir à dire à Leblanc que ce bon vieux Joey, si loyal et si discret, est sur le point d’être filouté. Si Leblanc était parfaitement honnête ou bien s’il s’éclipsait, ou bien il préviendrait Joey, mais il n’en fait rien. Au moment précis où Joey va payer quelque chose ne marche pas, et Leblanc s’aperçoit que ses capitaux ont disparu. Alors Leblanc, qui jouait selon ses propres règles et sa propre honnêteté, s’aperçoit qu’il lui faut jouer suivant les règles de Joey, et il lui en cuit.  Il convient de noter qu’une mystification diffère d’un jeu de RCJ puisque dans une mystification Joey représente la victime, tandis que dans RCJ Joey triomphe et Leblanc est la victime. Une mystification constitue un passe-temps, alors que RCJ e un jeu dont la mystification s’organise de manière à faire boomerang. Jeux du cabinet de consultation Les
jeux pratiqués de façon tenace au sein de la situation thérapeutique sont pour l’analyste professionnel les jeux les plus importants à connaître. Il y a plusieurs types de jeux du cabinet de consultation :   * Jeux pratiqués par les thérapeutes et les assistants sociaux : « J’essaie uniquement de vous aider « et « la Psychiatrie «.   * Jeux pratiqués par des personnes ayant une formation professionnelle, et qui font partie de groupes thérapeutiques : « la Serre «.   * Jeux pratiqués par des patients et des clients profanes : « l’Indigent «, « la Paysanne «, « l’Imbécile « et « la Jambe de bois «. La thèse de « l’Imbécile « est : « Je ris avec vous de ma propre stupidité «. Mais il arrive que les gens sérieusement atteints jouent ce jeu sur un mode sombre, qui revient à déclarer : « Je suis un imbécile ; je n’y peux rien ; faites donc quelque chose pour moi «. Les deux formes se pratiquent en partant d’une position dépressive. « L’Imbécile « doit être distingué de « Schlemiel «, où la position est plus agressive, et où la maladresse vise au pardon, et du « Clown «, qui ne constitue pas un jeu mais un passe-temps consolidant la position « Je suis drôle et sans méchanceté «. La transaction décisive dans « l’Imbécile « consiste pour Leblanc à faire en sorte que Lenoir le traite d’imbécile ou réagisse comme s’il l’était. Il en tire un bénéfice externe considérable étant donné que moins Leblanc apprend,
et plus il peut jouer avec efficacité. En classe il n’a donc pas besoin d’étudier, et dans le travail il n’a donc pas besoin de se surmener pour apprendre quoique ce soit qui risquerait de lui rapporter de l’avancement. Il a compris dès son jeune âge que chacun sera content de lui tant qu’il restera stupide, en dépit des protestations contraires. L’antithèse de « l’Imbécile « est simple. En ne jouant pas, en ne riant pas des maladresses, en ne se moquant pas de la stupidité, le joueur d’anti-« Imbécile « se fera un ami pour la vie. Une des subtilités consiste en ce que ce jeu est souvent pratiqué par des personnalités maniaco-dépressives. Quand ces personnes se trouvent en état d’euphorie, on dirait qu’elles veulent vraiment que leurs partenaires se joignent à elles afin de rire d’elles-mêmes. Il est souvent mal aisé de ne rien faire, car elles donnent l’impression qu’elles en voudront à l’abstentionniste. Mais quand elles sont déprimées, et que leur ressentiment contre ceux qui ont ri avec elles où d’elle apparaît au grand jour, l’abstentionniste sait qu’il a bien fait. Il peut être le seul que le malade accepte de recevoir, le seul auquel il accepte de parler dans sa retraire ; quant aux ancien « amis « qu’amusaient le jeu, les voilà maintenant traités en ennemi. Bons jeux Par définition, les jeux reposent sur les transactions cachées, ils doivent donc tous présenter des éléments d’exploitations.
La recherche des bons jeux se révèle donc difficile. Un bon jeu contribuerait tant au bien-être des autres joueurs qu’au développement de Leblanc. Les bons jeux comprennent « le Travail en vacances «, « le Chevalier servant «, « le Sage modeste « et « Ils se féliciteront de m’avoir connu «.  Pour illustrer ce groupe de jeux, nous prendrons l’exemple du « Sage modeste «. Un homme instruit, intelligent, en dehors de son travail apprend le plus de choses possible sur toutes sortes de questions. Quand cet homme atteint l’âge de la retraite il quitte la grande cité où il occupait un poste important, et s’installe dans une petite ville. Là, on apprend vite qu’on peut soumettre à ses hommes ses propres problèmes. Ainsi, il trouve dans son nouveau milieu sa place de « Sage modeste «, sans prétention mais toujours là pour vous écouter. Sous sa meilleure forme, ce jeu est pratiqué par des gens qui ont pris la peine d’aller voir un psychiatre afin d’examiner leurs motifs, et d’apprendre quelles erreurs éviter avant de s’installer dans ce rôle. Au-delà des jeux La signification des jeux Les jeux peuvent avoir plusieurs significations :    * Signification historique des jeux : les jeux se transmettent de génération en génération. Le jeu favori de tout individu peut se retrouver chez ses parents, ses grands-parents, et à l’inverse, chez ses enfants, ses petits-enfants. Les jeux peuvent s’altérer
d’une génération à l’autre, mais il semble qu’il y ait une forte consanguinité chez les gens qui jouent un jeu du même genre.   * Signification culturelle des jeux : « élever « des enfants, c’est d’abord leur enseigner quels jeux pratiquer. Des cultures, des classes sociales différentes favorisent des types différents de jeux ; des tribus et des familles différentes favorisent des variantes différentes de ces jeux.   * Signification sociale des jeux : les jeux se situent entre les passe-temps et l’intimité. La répétition rend les passe-temps ennuyeux, et l’intimité requiert une circonspection rigoureuse, et s’attire la défaveur du Parent, de l’Adulte et de l’Enfant. C’est pourquoi la majorité des gens recourent aux jeux.   * Signification personnelle des jeux : on choisit pour proche des gens qui jouent aux mêmes jeux que soi. Ainsi, toute personne qui est « quelqu’un « dans un milieu social a un comportement qui peut paraître totalement étranger aux membres des autres milieux sociaux. Les joueurs Beaucoup de jeux sont pratiqués le plus intensément par des gens déséquilibrés. En règle générale, plus ils sont déséquilibrés, plus ils jouent avec intensité. Dans la vie de tous les jours, les jeux sont pratiqués avec la plus grande conviction par deux classes d’individus :   * Le Boudeur : c’est un homme irrité contre sa mère depuis la petite enfance. Cette irritation peut provenir, par exemple,
de « l’abandon « de sa mère pendant une période critique de son enfance en tombant malade et en allant à l’hôpital. Chez La Boudeuse, la situation est la même si elle est irritée par son père.   * La Poule mouillée : c’est quelqu’un de sensible à l’excès aux influences Parentales. Il en résulte que sa faculté Adulte d’élaborer des données, ainsi que sa spontanéité d’Enfant, risquent d’être compromises à certains moments critiques, ce qui provoque un comportement inadéquat. L’expression « poule mouillée « est surtout appliquée aux hommes. L’Autonomie L’autonomie se manifeste par trois facultés :   * La Conscience : c’est la capacité d’un individu de voir et d’entendre les choses selon sa propre manière, et non celle qui lui a été enseignée. A première vue, voir et entendre ne se feraient pas de la même façon qu’on soit un jeune enfant ou un adulte. Pendant l’enfance, ces qualités sont plus esthétiques, alors qu’une fois adulte, elles deviennent plus intelligentes. Imaginons, par exemple, un enfant qui voit et entend des oiseaux. Il s’arrête au fait qu’il y a des oiseaux qui chantent, et ne fait aucune analyse. Son père, lui, en entendant ces oiseaux, cherche à savoir quel type de volatile chante. Estimant que son devoir est de transmettre son savoir à son fils, il lui apprendra à différencier les oiseaux. Au moment où l’enfant s’occupera de savoir lequel est un gai, lequel est un moineau, il
cesse d’être en mesure de voir et d’entendre les oiseaux. Même si la plupart des personnes ont perdu ces qualités, il en reste néanmoins quelques une qui parviennent toujours à voir et à entendre comme à l’enfance.  La conscience implique le fait d’exister dans l’ici et le maintenant, non dans l’ailleurs, le passé ni l’avenir. En effet, l’individu conscient est en vie parce qu’il sait ce qu’il éprouve, ou il se trouve et dans quel temps. Son esprit se trouve au même endroit que son corps, il ne ressasse pas le passé, et ne pense pas au futur.   * La Spontanéité : c’est la liberté de choisir, d’exprimer ses propres sentiments parmi ceux disponibles (sentiments du Parent, de l’Adulte, de l’Enfant). Spontanéité signifie libération de la compulsion à jouer des jeux, et à n’éprouver que les sentiments que l’on vous a enseigné à éprouver.   * L’Intimité : c’est la sincérité spontanée, débarrassée du jeu, d’un être conscient, la libération de l’enfant perceptif eidétiquement, non corrompu, qui en toute naïveté, vit dans l’ici et le maintenant. L’Accession à l’autonomie Les parents enseignent à leurs enfants, à partir de la naissance, comment se comporter, penser, ressentir et percevoir. Se libérer de l’influence parentale n’est pas chose facile. En effet, elle est profondément enracinée, et nécessaire aux deux ou trois premières décennies de l’existence. La seule chose qui permette de rendre cette
libération possible est l’autonomie.  Pour devenir autonome, il faut tout d’abord se débarrasser du poids des traditions et rejeter les influences parentales, sociales et culturelles. Il faut en faire de même avec les exigences de la société contemporaine, et les avantages qu’on tire de son entourage social doivent être sacrifiés. Après cela, l’individu doit atteindre la maîtrise personnelle et sociale de façon à ce que ses comportements soient uniquement soumis à la volonté de l’individu. Toute cette préparation consiste à divorcer à l’amiable d’avec ses propres parents (et d’avec d’autres influences Parentales), de telle sorte que l’on puisse les visiter avec plaisir à l’occasion mais sans leur laisser la prépondérance. Et après les jeux ? Le tableau dressé dans la première et la seconde partie de l’ouvrage, où la vie apparaît surtout comme une façon de passer le temps en attendant la mort sans pouvoir choisir ce que l’on veut faire au cours de cette longue attente est un lieu commun, mais pas une réponse définitive. Pour certains, il existe quelque chose qui transcende toutes les classifications du comportement : l’autonomie. Mais les trois facultés qui permettent de devenir autonome, à savoir la conscience, la spontanéité et l’intimité, sont périlleuses pour ceux qui ne sont pas prêts. 

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