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Dissertation: Autrui est-il ce qui reste quand on a dépouille l'autre de tout ce qui fait sa singularité ?

Publié le 22/02/2012

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Première réaction : il fallait sentir que si « autrui« n’est que « cela « c’est le produit d’une pure abstraction et on peut craindre que ce processus intellectuel ne passe à coté la réalité de l‘autre. Le sujet semble laisser entendre qu’on peut opposer ces deux termes : autrui / l’autre, derrière l’usage savant et juridique du terme « autrui « s’insinuerait un mépris de l’autre dans sa réalité concrète « Autrui «deviendrait un concept théorique, général dont il faut se méfier alors que l’usage banal de la langue laissait peut-être plus de chance à l’autre homme de manifester ce par quoi il est à la fois autre et semblable. Le terme « dépouiller « peut être lu très péjorativement Dépouiller : C’est dérober à l’autre ce qui lui revient, ce qui lui est propre et ici essentiel : sa singularité. La singularité est ce par quoi un être est unique, non-substituable, irremplaçable. Cette singularité est-elle mise à mal par les législations et les propos universalistes qui se rapportent à autrui en général ? C’est tout le problème…. Visitons quelques pensées classiques : Sans doute faut-il opérer une distinction entre particularité et singularité : La singularité se distingue de la particularité qui regroupe des traits caractéristiques de quelques-uns alors que chacun est singulier) · Pour Rousseau les hommes rassemblés pour décider des lois qui assureront les conditions d’une coexistence pacifique doivent savoir faire taire en eux leurs intérêts particuliers et corporatistes pour ne viser que l’intérêt général. John Rawls commentant cette idée utilise une image : il faudrait que chacun décide des lois « sous un voile d’ignorance « c’est-à-dire en ignorant la figure individuelle qu’il incarnera dans la future société ( vieillard ou jeune homme, handicapé ou bien portant, besogneux naïf et docile ou de nature entreprenante et ambitieuse) Chacun devrait décider des lois en gardant en mémoire la pluralité des profils humains qui compose l’humanité de sorte que tous trouvent à épanouir harmonieusement leur singularité dans la nouvelle société issue du Contrat. Mais les dérives de la Terreur révolutionnaire ont montré que le souci de l’intérêt général pouvait prendre des manifestations terriblement discriminantes ( « la Révolution n’a pas besoin de chimiste ! «) · Pour Kant, il n’y a pas d’incompatibilité entre la reconnaissance de la singularité du sujet éthique et l’impératif catégorique qui commande d’agir selon une maxime qui soit universalisable sans contradiction. Par contre dans sa façon de refuser toute exception à cette règle, quelles que soient les circonstances singulières, il semble bien que Kant passe à coté de la réalité concrète de l’oppression. c’est l’objection que lui fait Benjamin Constant . · Pour Kant, nul ne doit jamais mentir, même pour sauver un honnête homme car nul n’a de droit particulier sur la vérité qui est un bien universel. · Pour Benjamin Constant, on ne doit la vérité qu’à ceux qui sont dignes de la vérité : il n’y à aucune faute à mentir à un tyran pour sauver la vie d’un honnête homme. Il faut admettre des exceptions aux règles générales qui dictent quels doivent être nos rapports avec autrui. Résumons : 1) à force de vouloir parler en général des hommes et, par exemple, du respect qui leur est dû en tant qu’homme, les législations universalistes n’ont- elles pas péché par abstraction, se dotant d’un arsenal de déclarations ( Droits de l’homme… ou impératif catégorique kantien ) qui ne permet pas de protéger concrètement les individus singuliers. C’est la critique qui fut faite à Kant par des individus aussi différents que Benjamin Constant, Hegel, Charles Péguy, ou Sartre (voir L’existentialisme est un humanisme résumé dans le site) 2) Mais toute la philosophie de Lévinas montre qu’il n’y pas de rapport authentique à autrui sans ouverture au mystère de son irréductible différence. Il y a donc comme une tension entre l’usage législatif du terme « autrui « (cf. notre première rubrique dans la présentation de la notion) et le vécu existentiel dans lequel se manifeste le rapport à autrui ; c’est sans doute pour cela que la littérature et la phénoménologie sont plus aptes à saisir la singularité d’autrui. Leçon :Peut être ne faut-il pas se contenter de vouloir régler les rapports entre les hommes par des lois générales. Jamais les lois ne dispenseront chacun d’entre nous du devoir éthique de responsabilité.( et de vigilance envers autrui). La multiplicité des visages de l’autre force à se méfier des traitements généraux et simplificateurs. Pourquoi a-t-on choisi un tel sujet ? Il est classique (Critique de l’universalisme kantien). Mais il alerte aussi les étudiants (et citoyens) sur un débat d’actualité ( NB : je déconseille de construire toute une partie sur ces thèmes d’actualité -justement parce qu’ils sont polémiques-… Mais rien n’empêche( au détour d’une analyse classique et argumentée par des exemples littéraires ou historiques) de pointer l’actualité pour montrer que vous saisissez l’analogie. Les revendications féministes concernant la parité d’une part, et les pressions des groupes homosexuels pour faire évoluer la définition traditionnelle de la famille d’autre part, ont prouvé que les lois générales pouvaient être vécues comme discriminantes justement vis à vis de ceux qui sentaient leur singularité négligée par ces lois. Ce corrigé n’est évidemment pas exhaustif Les réflexions des ethnologues sur ethnocentrisme auraient pu aussi être revisitées, Par exemple la polémique autour de l’excision des petites filles : Le respect dû à la différence culturelle doit-il aller jusqu’à accepter une violation du droit de chacun à disposer de l’intégrité de son corps ? Faut-il reconnaître les droits de l’homme comme universels et parler pour cela de droits naturels (comme Léo Strauss) ou faut-il les considérer comme des manifestations seulement particulières de la mentalité occidentale? (Ma) réponse :quand on dépouille un individu de ses particularités culturelles reste ses potentialités rationnelles : les voyages et les comparaisons entre les différents systèmes culturels permettent à chacun de mieux cerner les conservatismes et les effets oppressifs de nombreux rites traditionnels. l’identité individuelle est en perpétuelle construction. La singularité valorise une définition ouverte de l’identité individuelle (« Rien de ce qui est humain ne m’est étranger «) alors que la défense les « particularismes « recroqueville trop souvent les individus sur des manifestations sclérosées de la différence culturelle. 

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