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Dissertation : l’Egalité est-elle un leurre ?

Publié le 02/03/2014

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Dissertation : l’Egalité est-elle un leurre ? 

Deuxième terme de la devise de la République Française (« liberté, égalité, fraternité «), l’Egalité 

est également affirmée comme idéal dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 

1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit «. La citoyenneté confère ainsi 

aux individus les mêmes droits et les mêmes devoirs, quelle que soit leur situation de départ (à la 

naissance) et leur groupe social d’appartenance. Mais il s’agit ici essentiellement de l’égalité au 

sens politique et juridique. 

L’idéal d’égalité se rencontre également dans d’autres domaines : égalité d’accès à l’enseignement, 

au travail, égalité des chances face à la réussite scolaire ou dans le domaine social (favorisée par la 

mobilité sociale), égalité hommes/femmes. 

Il convient donc d’interroger tous ces aspects du concept d’égalité pour déterminer si l’égalité est 

véritablement un leurre. L’égalité est-elle une illusion ? Est-ce un concept mis en avant afin de 

tromper ou d’abuser les individus ou les groupes sociaux ? En tant qu’idéal, a-t-elle pour fonction 

d’apaiser les conflits sociaux ou de masquer les dysfonctionnements des démocraties modernes ? 

L’Egalité des citoyens face au droit et dans le domaine politique constitue pourtant un des principes 

fondateurs des démocraties modernes et de l’Etat de droit. Peut-on alors affirmer qu’il s’agit d’un 

idéal vain et d’un concept creux ? 

L’idéal d’égalité – loin de n’être qu’une illusion – est le principe moteur sur lequel s’est appuyée la 

construction historique des démocraties modernes. Mais la persistance des inégalités réelles au sein 

des sociétés contemporaines le vident d’une partie de son sens. Pourtant l’idéal d’égalité reste au 

coeur des politiques visant à corriger les dysfonctionnements des sociétés modernes. 

Le processus historique de construction des sociétés modernes s’est appuyé sur l’idéal d’égalité de 

manière constante, que ce soit dans le domaine politique, le champs social, ou pour promouvoir 

l’égalité hommes/femmes. 

L’Egalité politique est un des piliers de la démocratie. L’idéal démocratique repose sur la 

participation de tous à l’exercice du pouvoir politique et à la vie politique. Il suppose l’abolition de 

la distance entre gouvernants et gouvernés, chaque citoyen étant susceptible de faire partie des 

décideurs en se faisant élire comme représentant du peuple lors des élections. 

La citoyenneté confère à tous les citoyens les mêmes droits (liberté d’expression, d’opinion, droit de 

propriété…) et les mêmes devoirs (participer à l’impôt en fonction de ses capacités, siéger à la Cour 

d’Assises, effectuer son service militaire ou civique, respecter les lois) quelle que soit leur situation 

personnelle. Cette affirmation contraste avec la situation de l’Ancien Régime en France caractérisée 

par l’existence de privilèges (vis-à-vis du paiement de l’impôt ou des lois), ou par la situation des 

minorités dans les régimes totalitaires ou autoritaires (les droits civiques les plus élémentaires leur 

sont refusés). 

L’Egalité politique s’est renforcée au cours du processus d’évolution des démocraties depuis le 

XIXe siècle. La citoyenneté politique était réservée au départ aux seuls individus auxquels étaient 

reconnus une « compétence politique « (capacité à s’intéresser à la vie publique, à discerner les 

enjeux politiques et à prendre des décisions conformes à l’intérêt collectif). Déniée au départ à 

certaines catégories de la population (classes populaires ne disposant d’aucun patrimoine, esclaves, 

femmes), elle a été peu à peu étendue à l’ensemble de la population avec l’instauration du suffrage 

universel (en 1848 en ce qui concerne la France) et le droit de vote consenti aux femmes (en 1944). 

L’égalité en tant qu’idéal a également investi le champs social, grâce au rôle de l’école et de l’Etat- 

Providence. 

Les lois de Jules Ferry dans les années 1880, ont mis en place en France un enseignement public 

obligatoire et gratuit pour tous. Elles traduisent une volonté d’unifier le pays à travers l’Ecole audelà 

des différences linguistiques, religieuses ou régionales. L’objectif était également de 

transmettre les valeurs républicaines dans toutes les couches de la société, dont bien sûr l’idéal 

d’égalité. Ces lois ont permis un accès beaucoup plus égalitaire à l’enseignement en le rendant 

obligatoire et gratuit : les enfants issus des classes populaires ont ainsi pu échapper au travail 

précoce aux champs ou à l’usine. Elles ont favorisé la mobilité sociale en permettant à certains 

enfants d’échapper à leur condition. S’affirme aussi à cette époque la notion de « méritocratie « à la 

française. La réussite à l’école est possible pour tous, à mesure des efforts consentis. Elle est 

sanctionnée par un diplôme, censé ne récompenser que le mérite de chacun et ne pas dépendre de 

l’appartenance sociale ou culturelle de départ. 

Cet idéal d’égalité se poursuit après la seconde guerre mondiale avec la démocratisation et la 

massification de l’enseignement. L’accès à l’enseignement secondaire se banalise : alors que 

seulement 17% d’une classe d’âge accédait au niveau bac au début des années 70, la proportion 

s’élève à 69% aujourd’hui. Par ailleurs, on constate une ouverture croissante de l’accès à 

l’université. 

En investissant le champs du social, l’Etat-Providence joue également un rôle dans ce processus de 

réduction des inégalités. Après la seconde guerre mondiale, la protection sociale se développe en 

France : création de la sécurité sociale en 1945 (assurance maladie, vieillesse, allocations 

familiales) et en 1958 de l’assurance chômage. Elle repose sur le principe de l’assurance (les 

prestations sont accessibles à tous quelque soit leur niveau de revenu), donc sur un principe 

d’égalité strict. L’Etat joue également un rôle de régulation sociale par la redistribution. Celle-ci 

vise à corriger les inégalités de revenus de départ, grâce aux prestations sociales (aides sociales, 

allocations chômage) et à la fiscalité (les impôts progressifs comme l’impôt sur le revenu pèsent 

davantage sur les classes sociales les plus aisées). L’Etat-Providence, par son intervention dans le 

champs social, réussit à réduire les inégalités : dans les années 1970, la pauvreté recule, 

particulièrement celle des ménages retraités. 

L’égalité hommes/femmes progresse également au XXe siècle. C’est d’abord dans le domaine 

juridique (égalité de droits civils) que la condition féminine progresse. Dans le code Napoléonien de 

1804, la femme est traitée comme une incapable – au même titre que les fous ou les enfants : elle ne 

peut rien posséder en propre. Des droits lui sont petit à petit octroyés ; en 1965 elle peut enfin 

exercer la profession de son choix, sans autorisation de son mari ; dans les années 70 l’autorité 

parentale lui est reconnue, à égalité avec son conjoint. Les femmes obtiennent le droit de vote – 

donc l’égalité politique – au cours du XIXe ou du XXe siècle (en 1944 seulement en France). 

Elles entrent enfin en masse sur le marché du travail : elles représentent actuellement 45% de la 

population active en France. 

Mais c’est principalement grâce à la maîtrise de la fécondité (contraception, lois sur l’IVG) que la 

condition féminine s’améliore. L’âge de plus en plus tardif de la 1ère grossesse favorise l’accès aux 

études supérieures, l’entrée sur le marché du travail et la promotion professionnelle des femmes. 

Idéal à l’oeuvre dans la construction historique des démocraties, l’égalité semble un but impossible à 

atteindre – par conséquent illusoire – si on fait le constat des inégalités réelles persistant dans les 

sociétés contemporaines. 

L’Egalité n’existe pas dans la société réelle. Nous ne sommes pas égaux à la naissance et les 

sociétés humaines se caractérisent par l’existence d’une hiérarchie entre les hommes ; les régimes 

fondés sur une idéologie égalitaire se sont avérés totalitaires ; les sociétés contemporaines sont 

confrontées à un ensemble de crises qui traduisent la persistance voire le renforcement d’inégalités 

réelles. 

Nous ne sommes pas égaux à la naissance : les gènes transmis par nos parents vont influencer notre 

devenir, le milieu social dans lequel nous naissons (plus ou moins favorisé) va déterminer des 

conditions d’existence différentes, un statut social différent lié à celui des parents (habillement, 

accessoires vestimentaires, logement, voiture, accès aux loisirs..). L’Education reçue dans le milieu 

familial va également influencer la réussite scolaire et le devenir professionnel de l’individu. 

Les sociétés humaines cultivent la différence, et se caractérisent toutes par une hiérarchie 

(professionnelle, politique, etc…). Les individus ne rechercheraient donc pas l’égalité stricte, bien 

au contraire : se distinguer, se démarquer des autres est nécessaire à la vie en société. 

De nombreuses études mettent également en lumière les discriminations en matière d’accès au 

travail et au logement, et l’inégale représentation des femmes en politique (débat sur la parité) dans 

la société française contemporaine. 

La condition féminine a progressé, mais de nombreuses inégalités demeurent entre hommes et 

femmes : inégalité dans le partage des tâches domestiques (les femmes y consacreraient quelques 

heures de plus que les hommes par jour), inégalité face au chômage (taux de chômage des femmes 

de 2 points supérieur à celui des hommes), inégalité d’accès au travail (rareté des femmes dans les 

positions de pouvoir de la sphère politique, mais aussi de toutes les autres sphères de la société à 

savoir les entreprises, les syndicats ou les associations), inégalités de rémunération (le revenu 

féminin est inférieur de 24% en moyenne à celui des hommes, l’écart inexpliqué est de 11% à 

qualification et position hiérarchique équivalente). 

Les régimes qui ont porté une idéologie égalitaire forte (révolution française, régime communiste) 

se sont avérés totalitaires ou oppressifs. Le régime communiste a voulu imposer l’égalité en 

supprimant la propriété privée, en imposant par la force une collectivisation des moyens de 

production, des terres agricoles … Mais les individus ont payé cher cette idéologie : la répression 

des opposants a été féroce (la guillotine pendant la période révolutionnaire, la déportation dans des 

camps en Russie communiste). Par ailleurs, les théoriciens de cette belle idée ont gardé des 

privilèges qui les mettaient au dessus de la masse. Ce sont les puissants qui prêchent pour l’égalité, 

mais ils prennent la précaution de ne pas se mettre eux-mêmes dans la masse qu’ils veulent 

contrôler. 

Les sociétés contemporaines subissent une série de crise qui traduisent la persistance voire le 

renforcement des inégalités réelles : crise du politique, crise de l’Ecole et de l’Etat-Providence. 

La crise du politique est d’abord une crise de la représentation. La démocratie représentative repose 

sur le principe de l’élection, principe inégalitaire puisqu’il suppose une sélection. Le risque 

principal est que les gouvernants s’éloignent des préoccupations de leurs électeurs : c’est 

précisément ce sentiment qui fonde à l’heure actuelle le discrédit des hommes politiques. Par 

ailleurs, l’élitisme à la française renforce ce sentiment de coupure : le brassage social est insuffisant 

dans la représentation politique et dans la haute fonction publique (issue des filières d’excellence de 

l’Ecole). Celle-ci est accusée de constituer une sorte de « noblesse d’Etat «, qui s’oppose à toute 

transformation sociale significative. L’opinion publique a par ailleurs le sentiment d’une inégalité 

de traitement face à la justice entre les citoyens ordinaires et les hommes politiques. 

Par ailleurs, l’école elle-même est en crise. Elle est accusée de ne pas réduire les inégalités sociales, 

voire de les accentuer. L’Ecole favoriserait la reproduction sociale (Pierre Bourdieu), la réussite 

scolaire des enfants étant largement déterminée par leur origine sociale. Les milieux les plus 

favorisés transmettent un bagage culturel, des attitudes vis-à-vis de l’école que les enfants 

intériorisent et qui influent largement sur leur réussite. Les matières enseignées à l’Ecole et la 

culture transmise sont celles de la classe supérieure, l’accent excessif mis sur des matières abstraites 

(mathématiques, français) au détriment des compétences techniques ou artistiques – mieux 

maîtrisées par les enfants des classes populaires – rend la réussite scolaire fortement inégalitaire. 

Les filières d’excellence à la française ne favorisent pas suffisamment le brassage social (80 à 90% 

des élèves des classes préparatoires et grandes écoles ont au moins un parent issu des professions 

intellectuelles supérieures ou enseignant) et captent une part démesurée du budget de 

l’enseignement supérieur au détriment de l’université (accessible à tous). 

La crise de l’Etat providence a par ailleurs entraîné un recul de la protection sociale. De plus, le 

développement des inégalités caractérise l’évolution des sociétés contemporaines depuis les années 

1980. L’ascenseur social semble en panne, la mobilité sociale ne fonctionnerait plus ou 

fonctionnerait à l’envers (spirale de l’exclusion, développement de la pauvreté et précarisation du 

marché du travail). 

L’idéal d’égalité prôné par les sociétés démocratiques apparaît donc comme bien éloigné de la 

réalité quand on fait le constat des inégalités réelles. Mais il doit rester un idéal vers lequel on 

s’efforce de tendre, si on veut maintenir la cohésion sociale. 

L’idéal d’égalité est donc toujours à l’oeuvre dans les politiques menées pour corriger les 

dysfonctionnements des sociétés contemporaines : luttes contre les discriminations, lois sur la 

parité, réflexions sur la modernisation du modèle de l’Etat-Providence dans un but de préservation, 

et sur la modernisation de la vie politique. 

La France a créé récemment la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les discriminations et pour 

l’Egalité) afin de lutter contre les discriminations de toutes sortes – notamment à l’embauche – liées 

à l’origine ethnique, au sexe, à la religion… La HALDE peut saisir la justice et a pour mission 

d’aider les victimes à faire valoir leurs droits. Ses pouvoirs ont été renforcés récemment par la loi 

sur l’Egalité des Chances de mars 2006, afin de répondre aux émeutes de banlieue de l’automne 

2005. 

Les lois sur la parité de 1999/2000 ont pour but d’assurer l’égale représentation des femmes sur les 

listes électorales aux élections municipales et européennes. Elle incitent les partis politiques à 

oeuvrer dans ce sens (financement lié en partie au respect de la parité). 

Les réflexions portant sur le rôle distributeur de l’Etat prônent la concentration des prestations 

sociales sur les foyers aux plus faibles revenus (abandon de la logique d’assurance et d’égalité 

stricte au profit d’une logique d’équité et de plus grande solidarité). Par ailleurs, le système fiscal 

français doit devenir plus redistributif. Actuellement, les principaux prélèvements obligatoires sont 

soit proportionnels aux revenus (impôts sur la consommation), soit faiblement progressifs 

(cotisations sociales). 

Les politiques de lutte contre l’exclusion (RMI par exemple) ont pour objectif de pallier la remise 

en cause de la citoyenneté des exclus (faible participation politique, difficulté d’accès au logement) 

en favorisant leur insertion. 

Les Français sont fortement attachés à l’idéal d’égalité = il a joué un rôle considérable dans la 

construction démocratique française et la mise en place de l’Etat-Providence. Il fonde les politiques 

récentes de lutte contre les discriminations, de parité hommes/femmes et alimente les réflexions 

actuelles sur l’évolution de l’Etat-Providence et la modernisation de la politique (favoriser la 

démocratie directe). 

Mais on ne peut que constater l’ambiguïté du rapport des français à cet idéal : l’élitisme et la 

méritocratie encore à l’oeuvre dans le système d’enseignement et la représentation politique se 

heurtent à cet idéal d’égalité porté par l’Etat et la société civile. L’idéal d’égalité se heurte 

également à la défense des avantages acquis des salariés protégés, qui empêche toute amélioration 

significative de la situation des chômeurs. La crise du CPE début 2006 l’a d’ailleurs rappelé. C’est 

au nom de ce principe que les jeunes ont refusé l’existence d’un contrat de travail dérogatoire au 

droit commun, qui les enfermerait dans la précarisation. Mais celle-ci est de toute manière déjà 

inscrite dans les faits, et l’objectif poursuivi était justement de faciliter l’accès au marché du travail 

pour les jeunes.

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