Devoir de Philosophie

enragés (Révolution française)

Publié le 12/02/2013

Extrait du document

1   PRÉSENTATION

enragés (Révolution française), pendant la Révolution française, patriotes réclamant de la Convention nationale les mesures sociales et économiques les plus radicales (1792-1794).

Dénomination insultante utilisée à l’origine par les aristocrates pour désigner en 1789 les patriotes engagés dans la Révolution, puis par les Girondins modérés pour stigmatiser le radicalisme des Jacobins, l’épithète d’« enragé « sert finalement à qualifier les militants les plus radicaux des sections de la Commune de Paris à partir de 1792.

2   UNE FRANGE DU MOUVEMENT SANS-CULOTTE

Parisiens un peu plus aisés que les sans-culottes dont ils sont les principaux interprètes, les enragés sont des chefs populaires qui ont, pour beaucoup, fait leurs armes dans le club des Cordeliers. Jusqu’en septembre 1792 — date symbolique de l’acquisition par les révolutionnaires d’une première constitution nationale —, la plupart de ces militants ont une action incessante en faveur de la Révolution et participent à toutes les grandes journées populaires : prise de la Bastille (juillet 1789), marche sur Versailles (octobre 1789), invasion des Tuileries (juin 1792), etc.

Cultivé et éloquent, le clerc Jacques Roux (1752-1794), appelé « le petit Marat « par les Cordeliers qu’il fréquente dès 1791, ou le « prêtre rouge « de la section des Gravilliers lorsqu’il siège à la Commune à partir de décembre 1792, est probablement la principale figure de cet engagement extrême en faveur d’une révolution sociale. Mouvement populaire plus que parti cohérent, les enragés comptent également dans leur rang des jeunes gens véhéments comme les deux employés des postes membres de la section des droits de l’homme, Jean-Francois Varlet et Théophile Leclerc, ainsi que la comédienne Claire Lacombe.

3   DES REVENDICATIONS EXTRÉMISTES

En matière économique, les enragés exigent du gouvernement des mesures concrètes, notamment la taxation des prix et la mise en place d’une « terreur « pour les accapareurs de denrées. En politique, ils réclament une démocratie directe avec une participation accrue des sociétés populaires à l’action du gouvernement. Tant que la Gironde modérée est au pouvoir, les enragés trouvent écho à leurs revendications auprès des intransigeants de la Montagne et plus particulièrement des « hébertistes « conventionnels dont ils sont le pendant populaire. Les idées des enragés progressent, notamment dans les sections parisiennes — en particulier celles des faubourgs —, grâce à une propagande virulente au sein des assemblées de sections de la Commune de Paris, du club des Cordeliers et au travers de brochures et placards comme le Discours sur le jugement de Louis-le-dernier, sur la poursuite des agioteurs, des accapareurs et des traîtres, prononcé le 1er décembre 1792 par Jacques Roux devant la section de l'Observatoire. Sous cette nouvelle pression de la rue, la Convention nationale se voit dans l’obligation de décréter le cours forcé de l'assignat (11 avril 1793), le maximum départemental des grains (4 mai), et l'emprunt forcé d'un milliard sur les riches (20 mai).

Après la proscription des Girondins (2 juin 1793) et la mise en place d’une convention montagnarde, les enragés se retrouvent confrontés à l'hostilité des Montagnards eux-mêmes qui, s’ils n’osent attaquer de front ce mouvement populaire porte-parole des revendications sans-culottes, s’en prennent indirectement aux meneurs. En février 1793 déjà, amalgamés au pillage populaire des épiceries, ils ont été dénoncés pour la première fois et avec vigueur par Maximilien de Robespierre et Jean-Paul Marat, ce dernier étant pourtant le modèle revendiqué de Jacques Roux. Sous le régime montagnard (laissant présager une plus grande écoute du mouvement sans-culotte), la pression du peuple augmente encore. Le 25 juin 1793, Jacques Roux vient énoncer à la Convention un programme plus radical (le « Manifeste des enragés « selon l'historien Albert Mathiez) qui met les députés de la Montagne en accusation de faiblesse. À la provocation « nous vous déclarons que vous n’avez pas tout fait pour le bonheur du peuple «, le gouvernement ne peut rester sans réagir.

4   LA CONTRE-OFFENSIVE DES CONVENTIONNELS

La contre-offensive montagnarde est menée dès le 28 juin 1793 par Maximilien de Robespierre au sein du club des Jacobins, et le 4 juillet par Jean-Paul Marat dans le Publiciste de la République française : les deux tribuns dénoncent les « ennemis du peuple « et « l'espion Renaudi « que cacherait Jacques Roux — une calomnie de Marat qui cependant n'empêche pas le « prêtre rouge « de publier un Ami du peuple par l'Ombre de Marat trois jours après l’assassinat de son modèle.

Malgré l’adoption du décret punissant de mort les accapareurs le 26 juillet 1793, les enragés lancent une nouvelle offensive en août en réclamant, au-delà de la stricte application du maximum, une réforme agraire égalitariste. La réaction de Robespierre ne se fait pas attendre : la répression s’abat contre les chefs enragés abandonnés de tous, même des hébertistes, un glas qui met Jacques Roux en prison entre le 22 et le 27 août, puis définitivement à partir de 5 septembre ; Jean-François Varlet est arrêté pour sa part le 18 septembre ; menacé à son tour, Théophile Leclerc se désolidarise du mouvement en suspendant son journal sans-culotte, l'Ami du peuple, par Leclerc ; le club des Citoyennes républicaines révolutionnaires que préside Claire Lacombe est dissous le 30 octobre ; puis les disciples de Jacques Roux, les « jacquesroutins « de la section des Gravilliers, sont emprisonnés le 28 novembre. Le mouvement enragé est finalement décapité après les arrestations de Claire Lacombe et de Théophile Leclerc, les 2 et 3 avril 1794. Après la chute de Robespierre, le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), tous les enragés inquiétés sont libérés — à l’exception de Jean-François Varlet qui a été relâché le 14 novembre 1793 et de Jacques Roux qui s'est suicidé le 10 février 1794.

Les enragés de Jacques Roux, devenus martyrs et modèles de la pensée ouvrière développée au xixe siècle, disparaissent pour avoir voulu donner à une révolution bourgeoise en pleine tourmente un visage nouveau, celui d'une véritable révolution sociale.

Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

Liens utiles