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Eschyle: PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ

Publié le 16/03/2010

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PROMÉTHÉE    Je sais qu'il est dur, que son droit est à sa guise et pourtant, je pense, il deviendra très malléable quand le coup l'atteindra ; sa colère brutale apaisée, l'alliance et l'amitié dont j'ai hâte, il en aura hâte alors.    LE CORYPHÉE    Révèle tout, dis-nous sur quel grief Zeus t'a saisi et te maltraite ainsi honteusement, cruellement ; dis-le-nous si ce récit ne t'est pas une blessure.    PROMÉTHÉE    Il m'est, certes, douloureux d'en parler mais me taire est douleur : tout m'est néfaste. Dès que les dieux se sont mis en courroux, se sont dressés les uns contre les autres, quand les uns voulaient chasser Kronos du trône pour que Zeus soit le maître, tandis que d'autres s'efforçaient à ce que Zeus ne commande pas aux dieux, moi je donnais les meilleurs conseils aux Titans, ces fils de la Terre et du Ciel, sans réussir à les convaincre. Ils méprisaient la ruse, ils croyaient en leur brutalité et l'emporter sans peine par la force. Plus d'une fois ma mère, Thémis qui est aussi Gaia, car sa forme unique a bien des noms, m'avait prédit quel serait l'avenir : le vainqueur ne triompherait pas par la violence ou par la brutalité, mais par la ruse. Moi qui leur expliquais ces choses, ils ne m'ont pas consenti un regard. J'ai pensé qu'il valait mieux en ce cas, appuyé par ma mère, rejoindre de mon plein gré Zeus dont c'était le gré. Par mes conseils, la profonde resserre du noir Tartare enfouit Kronos l'antique et ses alliés. Ce fut là le service que j'ai rendu au roi des dieux et qu'il me paie par des douleurs cruelles car c'est une maladie de la royauté de n'avoir pas confiance en ses amis. Puisque vous demandez pour quel grief il me traite si mal, je vais le dire. Dès qu'il s'assit au trône paternel il distribua aux dieux les privilèges et hiérarchisa son empire mais les pauvres humains, il ne s'en soucia guère : il désirait en abolir la race pour en fonder une autre toute neuve. Nul ne s'y opposa que moi je m'y risquai ; je délivrai les hommes de s'en aller en poussière vers l'Hadès. Voilà pourquoi je plie sous ces tourments affreux à supporter, lamentables à voir la pitié que j'ai eue pour les mortels ne m'est pas accordée. Je suis sauvagement mis au pas, spectacle qui déshonore Zeus.    LE CORYPHÉE    Ce serait avoir un coeur de fer ou de pierre, Prométhée, que ne point s'indigner avec toi de tes maux. Je n'avais guère envie de les voir ; en les voyant, mon coeur est accablé.    PROMÉTHÉE    Oui, je suis pitoyable à voir pour mes amis.    LE CORYPHÉE    Mais n'es-tu pas allé plus loin dans cette voie ?    PROMÉTHÉE    J'ai ôté aux mortels de prévoir leur trépas.    LE CORYPHÉE    Quel remède as-tu trouvé qui les en guérisse ?  [...]    PROMÉTHÉE    Ne croyez pas que ce soit par morgue ou par fierté que je me tais : en pensée je ronge mon coeur de me voir bafoué de la sorte. Oui, qui d'autre que moi a défini pour ces dieux nouveaux tous leurs privilèges ? Mais je tairai cela, je ne vous apprendrais que ce que vous savez. Oyez plutôt les peines des humains et comme d'enfants qu'ils étaient j'en ai fait des esprits doués de raison. Je le dis non pas pour blâmer les hommes mais pour expliquer comme ils me sont redevables. D'abord ils regardaient sans voir, écoutaient sans entendre. Pareils à des formes de songe, ils mêlaient tout au hasard de leur longue vie, et sans connaître la maison de brique au soleil ni l'art du bois. Ils vivaient sous terre comme des fourmis chétives dans les profondeurs des antres sans soleil. Ils n'avaient aucun indice certain de l'hiver, ni du printemps en fleur ni du fructueux été. Ils agissaient en tout sans savoir jusqu'au jour où moi je leur appris le secret des levers et des couchers astraux. Et j'ai trouvé pour eux le Nombre, suprême science, et la combinaison des lettres, mémoire de tout, mère ouvrière des Muses. J'ai le premier subjugué d'un joug l'animal, pour qu'il plie sous le collier et que son corps remplace les mortels dans les gros travaux ; j'ai conduit au char les chevaux bridés, luxe orgueilleux du riche. Nul que moi n'a trouvé pour les matelots ces chars aux ailes de toile, ces coureurs de mer. Moi qui trouvais de pareils engins pour les hommes, misère ! aujourd'hui je ne puis savoir ce qui me déferait de ma douleur présente.    LE CORYPHÉE    Tu subis une peine indigne ; tu t'égares, l'esprit trouble ; inquiet comme un mauvais médecin, tu te décourages, tu ne peux trouver par quel remède te guérir toi-même.    PROMÉTHÉE    Tu t'étonneras plus à entendre le reste, quels arts et quels moyens j'ai imaginés. Surtout, si quelqu'un tombait malade il n'avait aucun médicament dont manger ou s'oindre ou boire et, faute de remède, périssait, avant que je leur enseigne les mixtures d'ingrédients salutaires qui écartent toutes les maladies. J'ai aussi classé beaucoup de modes divinatoires. J'ai le premier discerné ceux des songes qui doivent s'accomplir. J'ai expliqué les bruits indistincts, les hasards des rencontres. J'ai bien déterminé quels vols de rapaces sont propices et lesquels sont contraires ; et les moeurs de chacun, les haines qu'ils se portent entre eux, leurs tendresses, leurs assemblées ; et le lisse de leurs entrailles, les couleurs qui y plaisent aux dieux, les divers bons aspects de la bile et du foie. En brûlant les cuisses enrobées de graisse et le long dos, j'ai appris aux mortels l'art difficile d'augurer. J'ai dessillé aux présages du feu leurs yeux jusqu'alors aveugles. Voilà ce que j'ai fait. Et qui dira qu'il a trouvé avant moi dans le sol ces biens qui s'y cachent aux hommes : le bronze, le fer, l'argent et l'or ? Personne, je le sais, à moins de vanterie. Et pour tout te dire en une phrase : les arts humains viennent tous de Prométhée.    LE CORYPHÉE    N'oublie pas ton propre mal pour aider les hommes plus que de raison. Moi j'espère qu'un jour, défait de tes chaînes, tu ne seras pas inférieur en pouvoir à Zeus.    PROMÉTHÉE    Pas de si tôt, la Parque accomplisseuse n'a pas atteint ce terme. Je n'échapperai à mes liens qu'après avoir été courbé sous mille affreux malheurs. L'habileté est sans force contre l'inévitable.    LE CORYPHÉE    Et qui est-ce qui gouverne l'inévitable ?   

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« char les chevaux bridés, luxe orgueilleux du riche.

Nul que moi n'a trouvé pour les matelots ces chars aux ailes detoile, ces coureurs de mer.

Moi qui trouvais de pareils engins pour les hommes, misère ! aujourd'hui je ne puis savoirce qui me déferait de ma douleur présente. LE CORYPHÉE Tu subis une peine indigne ; tu t'égares, l'esprit trouble ; inquiet comme un mauvais médecin, tu te décourages, tune peux trouver par quel remède te guérir toi-même. PROMÉTHÉE Tu t'étonneras plus à entendre le reste, quels arts et quels moyens j'ai imaginés.

Surtout, si quelqu'un tombaitmalade il n'avait aucun médicament dont manger ou s'oindre ou boire et, faute de remède, périssait, avant que jeleur enseigne les mixtures d'ingrédients salutaires qui écartent toutes les maladies.

J'ai aussi classé beaucoup demodes divinatoires.

J'ai le premier discerné ceux des songes qui doivent s'accomplir.

J'ai expliqué les bruitsindistincts, les hasards des rencontres.

J'ai bien déterminé quels vols de rapaces sont propices et lesquels sontcontraires ; et les moeurs de chacun, les haines qu'ils se portent entre eux, leurs tendresses, leurs assemblées ; etle lisse de leurs entrailles, les couleurs qui y plaisent aux dieux, les divers bons aspects de la bile et du foie.

Enbrûlant les cuisses enrobées de graisse et le long dos, j'ai appris aux mortels l'art difficile d'augurer.

J'ai dessillé auxprésages du feu leurs yeux jusqu'alors aveugles.

Voilà ce que j'ai fait.

Et qui dira qu'il a trouvé avant moi dans le solces biens qui s'y cachent aux hommes : le bronze, le fer, l'argent et l'or ? Personne, je le sais, à moins de vanterie.Et pour tout te dire en une phrase : les arts humains viennent tous de Prométhée. LE CORYPHÉE N'oublie pas ton propre mal pour aider les hommes plus que de raison.

Moi j'espère qu'un jour, défait de tes chaînes,tu ne seras pas inférieur en pouvoir à Zeus. PROMÉTHÉE Pas de si tôt, la Parque accomplisseuse n'a pas atteint ce terme.

Je n'échapperai à mes liens qu'après avoir étécourbé sous mille affreux malheurs.

L'habileté est sans force contre l'inévitable. LE CORYPHÉE Et qui est-ce qui gouverne l'inévitable ?. »

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