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espoir à la suggestion d’un acte de vaillance

Publié le 29/03/2014

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espoir à la suggestion d’un acte de vaillance à leur mesure, et ils partirent avec ce sentiment. Et ainsi, bon nombre d’hommes ayant déjà été laissés au Carrefour, ce fut avec moins de six mille hommes que les Capitaines de l’Ouest finirent par arriver pour défier la Porte Noire et la puissance du Mordor.

Ils progressèrent alors lentement, s’attendant chaque heure à une réponse à leur défi, et ils se resserrèrent, du fait que ce n’était qu’un gaspillage d’hommes de détacher des éclaireurs ou des partis du gros de l’armée. Au soir du cinquième jour de la marche depuis la Vallée de Morgul, ils établirent leur dernier camp et y allumèrent des feux avec ce qu’ils purent trouver de bois mort et de brande. Ils passèrent les heures de la nuit à l’état de veille, ils avaient conscience de maints êtres entr’aperçus qui marchaient et rampaient tout autour d’eux, et ils entendaient le hurlement des loups. Le vent était tombé et tout l’air paraissait immobile. Ils ne voyaient pas grand-chose, car, bien qu’il n’y eût pas de nuages et que la lune fût au quatrième jour de son croissant, des fumées et des vapeurs montaient de la terre et le croissant blanc était voilé par les brumes de Mordor.

Il commença de faire froid. Au matin, le vent se leva de nouveau, mais il venait à présent du nord et il fraîchit bientôt jusqu’à devenir assez fort. Tous les marcheurs nocturnes étaient partis, et le pays semblait vide. Au nord, parmi leurs puits méphitiques, se dressaient les premiers grands tas et collines de scories, de roches brisées et de terre explosée, vomissures des habitants larvaires du Mordor, mais au sud, et maintenant proche, se dessinait le grand rempart de Cirith Gorgor, avec au milieu la Porte Noire et, de part et d’autre, les deux Tours des Dents, hautes et sombres. Car, au cours de leur dernière marche, les Capitaines avaient quitté la vieille route qui tournait vers l’est, afin d’éviter le danger des repaires des collines, et ils approchaient ainsi du Morannon par le nord-ouest, tout comme l’avait fait Frodon.

Les deux vastes battants de fer de la Porte Noire sous sa voûte menaçante étaient solidement fermés. Rien ne se voyait sur les remparts. Tout était silencieux, mais attentif. Ils étaient arrivés à l’ultime fin de leur folie, et ils se tenaient sacrifiés et glacés dans la lumière grise de l’aube devant des tours et des murs que leur armée ne pouvait attaquer avec espoir, eût-elle même amené là des engins de grande puissance et l’Ennemi n’eût-il que les forces suffisantes pour garnir la porte et le mur seuls. Ils savaient cependant que toutes les collines et les rochers autour du Morannon étaient remplis d’ennemis cachés et que le sombre défilé qu’ils avaient devant eux était creusé et percé par des équipes grouillantes de créatures mauvaises. Et, tandis qu’ils se tenaient là, ils virent tournoyer au-dessus des Tours des Dents comme des vautours tous les Nazgûl rassemblés, et ils surent qu’ils étaient observés. Mais l’Ennemi ne faisait toujours aucun signe.

Il ne leur restait plus d’autre choix que de jouer leur partie jusqu’à la fin. Aragorn disposa donc l’armée dans le meilleur ordre possible, et les troupes furent rangées sur deux grandes collines de pierre et de terre explosées que les orques avaient entassées au cours d’années de labeur. Devant eux, vers Mordor, se trouvait en manière de fossé une grande fondrière de boue fétide et de mares nauséabondes. Quand tout fut ordonné, les Capitaines se mirent en marche vers la Porte Noire avec une grande garde de cavaliers, la bannière, des hérauts et des trompettes. Il y avait là Gandalf comme premier héraut, Aragorn avec les fils d’Elrond, Eomer de Rohan et Imrahil, et Legolas, Gimli et Peregrïn furent invités à y aller aussi, de façon que tous les ennemis du Mordor aient un témoignage.

Ils arrivèrent à portée de voix du Morannon, ils déployèrent la bannière et sonnèrent de leurs trompettes, et les hérauts s’avancèrent et lancèrent leur appel par-dessus le rempart de Mordor.

« Sortez ! crièrent-ils. Que le Seigneur de la Terre Noire sorte. Justice lui sera faite. Car il a injustement fait la guerre au Gondor et volé ses terres. Le Roi du Gondor exige donc qu’il répare ses torts et y renonce à jamais. Sortez ! «

Il y eut un long silence, et du mur comme de la porte aucun son ne se fit entendre en réponse. Mais Sauron avait déjà établi ses plans et il se proposait de se jouer cruellement de ces souris avant de frapper à mort. C’est pourquoi, au moment où les Capitaines allaient s’en retourner, le silence fut soudain rompu. Vinrent un long roulement de grosses caisses semblable au tonnerre dans les montagnes, puis une fanfare de cors qui fit trembler les pierres mêmes et abasourdit les oreilles des hommes. Là-dessus, le battant central de la Porte Noire s’ouvrit tout grand avec un retentissement métallique, et par-là sortit une ambassade de la Tour Sombre.

À sa tête chevauchait une forme sinistre, de haute taille, montée sur un cheval noir, pour autant que ce fût un cheval, car il était énorme et hideux, et sa face avait un masque terrible, ressemblant davantage à un crâne qu’à une tête vivante, et dans les orbites et les narines brûlait une flamme. Ce cavalier était tout de noir vêtu, et noir était son heaume altier, ce n’était pourtant pas là un Esprit Servant de l’Anneau, mais bien un homme vivant. C’était le Lieutenant de la Tour de Barad-dûr, et son nom ne figure dans aucune histoire, car lui-même l’avait oublié, et il dit : « Je suis la Bouche de Sauron. « Mais on disait que c’était un renégat, issu de la race de ceux que l’on nomme les Númenoriens Noirs, car ils établirent leur résidence en Terre du Milieu au cours des années de domination de Sauron et ils le vénéraient, étant férus de connaissance mauvaise. Il entra au service de la Tour Sombre dès qu’elle se releva, et sa ruse le fit monter de plus en plus haut dans la faveur du Seigneur, il apprit la grande sorcellerie, et il connaissait une grande part de la pensée de Sauron et il était plus cruel qu’un orque.

Ce fut donc lui qui sortit, et avec lui venait une petite compagnie de soldats harnachés de noir, portant une bannière unique, mais sur laquelle se voyait en rouge le Mauvais OEil. S’arrêtant à quelques pas des Capitaines de l’Ouest, il les toisa et rit.

« Y a-t-il dans cette bande quelqu’un qui ait autorité pour traiter avec moi ? demanda-t-il. Ou, en fait, qui ait

assez de tête pour me comprendre ? Pas toi, au moins ! dit-il, narquois, se tournant vers Aragorn avec dédain. Il

en faut plus pour faire un roi qu’un morceau de verre elfique ou une racaille comme celle-ci. Allons donc !

N’importe quel brigand des montagnes peut exhiber une aussi belle suite ! «

Aragorn ne répondit rien, mais il accrocha le regard de l’autre et le soutint, et ils luttèrent un moment de la

sorte, mais bientôt, sans qu’Aragorn eût fait un seul mouvement ni porté la main à l’épée, l’autre fléchit et recula

comme sous la menace d’un coup. « Je suis un héraut et ambassadeur, et nul ne doit m’attaquer ! « s’écria-t-il.

« Où de telles lois sont en vigueur, dit Gandalf, il est aussi de coutume pour les ambassadeurs de se montrer

moins insolents. Mais personne ne vous a menacé. Vous n’avez rien à craindre de nous jusqu’à ce que votre

mission soit accomplie. Mais, à moins que votre maître n’ait acquis une nouvelle sagesse, vous serez avec tous

ses serviteurs en grand péril. «

« Bon ! dit le Messager. Tu es donc le porte-parole, vieille barbe grise ? N’avons-nous pas entendu parler de

toi de temps à autre, et de tes vagabondages, toujours à tramer des complots et des mauvais tours à distance

sûre ? Mais cette fois tu as fourré ton nez trop loin, Maître Gandalf, et tu vas voir ce qui arrive à celui qui tend

ses stupides toiles devant les pieds de Sauron le Grand. J’ai là des preuves que j’ai été chargé de te montrer à toi

en particulier, si tu oses venir. « Il fit signe à un de ses gardes, qui s’avança, portant un paquet enveloppé de

tissus noirs.

Le Messager écarta ceux-ci et, à l’étonnement atterré de tous les Capitaines, il éleva d’abord la courte épée

qu’avait arborée Sam, puis un manteau gris avec une broche elfique, et enfin la cotte de mailles de mithril que

Frodon avait portée sous ses vêtements en lambeaux. Une obscurité leur voila les yeux, et il leur sembla, dans un

moment de silence, que le monde était immobile, mais leur coeur était mort et leur dernier espoir parti. Pippin,

qui se tenait derrière le Prince Imrahil, s’élança en avant avec un cri de détresse.

« Silence ! « dit Gandalf avec sévérité, le rejetant en arrière, mais le Messager fit un éclat de rire.

« Ainsi vous avez avec vous un autre de ces lutins ! s’écria-t-il. Je ne vois vraiment pas à quoi ils peuvent

vous servir, mais les envoyer comme espions en Mordor dépasse même votre folie accoutumée. Je le remercie,

toutefois, car il est clair que ce moutard a déjà vu ces signes, et il serait vain pour vous de les renier à présent. «

« Je n’ai aucun désir de les renier, dit Gandalf. Je les connais tous, en vérité, ainsi que toute leur histoire, et

tout votre dédain n’empêchera pas, infecte Bouche de Sauron, que vous ne pourriez en dire autant. Mais

pourquoi les apportez-vous ici ? «

« Manteau de nain, cape d’elfe, lame de l’Ouest déchu, et espion du petit pays de rats qu’est la Comté non,

ne sursautez pas ! Nous le savons bien voici les marques du complot. Mais peut-être celui qui portait ces choses

était-il une créature que vous ne seriez aucunement affligé de perdre, et peut-être en est-il autrement, quelqu’un

qui vous est cher, peut-être ? Dans ce cas, recourez rapidement au peu d’intelligence qui vous reste. Car Sauron

n’aime pas les espions, et le sort de celui-ci dépend maintenant de votre choix. «

Personne ne lui répondit, mais il vit leurs visages gris de peur et l’horreur dans leurs yeux, et il rit derechef,

car il lui semblait que son jeu marchait bien. « Bon, bon ! dit-il. Il vous était cher, à ce que je vois. Ou bien sa

mission était-elle de celles que vous ne voudriez pas voir échouer ? Elle a échoué. Et maintenant, il endurera le

lent tourment des années, aussi long et lent que peuvent les faire nos artifices de la Grande Tour, et il ne sera

jamais relâché, sinon peut-être quand il sera changé et brisé, de sorte qu’il puisse venir vous montrer ce que

vous avez fait. Cela sera assurément à moins que vous n’acceptiez les conditions de mon Seigneur. «

« Nommez-les «, dit Gandalf avec fermeté, mais ceux qui étaient près de lui virent son expression

d’angoisse, et il paraissait à présent un vieillard desséché, écrasé, vaincu en fin de compte. Ils ne doutèrent pas

de son acceptation.

« Voici les conditions, dit le Messager, qui souriait en les regardant l’un après l’autre. La racaille de Gondor

et ses alliés abusés se retireront aussitôt derrière l’Anduin, après avoir fait le serment de ne jamais plus attaquer

Sauron le Grand par les armes, ouvertement ou secrètement. Toutes les terres à l’est de l’Anduin seront à Sauron

et à lui seul pour toujours. L’ouest de l’Anduin jusqu’aux Monts Brumeux et à la Trouée de Rohan sera tributaire

du Mordor, les hommes n’y porteront aucune arme, mais ils auront la liberté de diriger leurs propres affaires. Ils

contribueront toutefois à la reconstruction de l’Isengard qu’ils ont détruit sans motif, celui-ci appartiendra à

Sauron, et son lieutenant y résidera : non pas Saroumane, mais quelqu’un qui soit digne de confiance. «

Regardant le Messager dans les yeux, ils lurent sa pensée. Le lieutenant serait lui-même, et il rassemblerait

sous sa domination tout ce qui restait de l’Ouest, il serait le tyran des habitants et eux ses esclaves.

Mais Gandalf dit : « C’est beaucoup demander pour la libération d’un seul serviteur : que votre Maître

reçoive en échange ce pour l’acquisition de quoi il lui faudrait autrement mener maintes guerres ! Ou le champ

de Gondor a-t-il détruit l’espoir qu’il mettait dans la guerre, de sorte qu’il tombe dans les marchandages ? Et si,

en fait, nous attribuons une telle valeur à ce prisonnier, quelle garantie avons-nous que Sauron, le Vil Maître de

la Perfidie, observerait ses engagements ? Où est ce prisonnier ? Qu’on l’amène et qu’il nous soit remis, et nous

examinerons ces demandes. «

Il parut alors à Gandalf, qui observait intensément le Messager, comme un homme engagé dans un duel

avec un ennemi mortel, qu’il était désorienté : mais il eut vite un nouveau rire.

« Ne faites pas, dans votre insolence, assaut de paroles avec la Bouche de Sauron ! s’écria-t-il. Vous

demandez une garantie ! Sauron n’en donne point. Si vous sollicitez sa clémence, vous devez d’abord vous plier à ses ordres. Je vous ai dit ses conditions. C’est à prendre ou à laisser ! «

« Nous prendrons ceci ! « dit soudain Gandalf. Il rejeta de côté son manteau, et une lueur blanche brilla comme une épée dans cet endroit noir. Devant sa main levée, le répugnant Messager recula, et Gandalf s’avançant saisit et lui prit les signes : manteau, cape et épée. « Nous prendrons ceci en mémoire de notre ami, s’écria-t-il. Quant à vos conditions, nous les rejetons entièrement. Allez-vous en, car votre ambassade est terminée et la mort vous guette. Nous ne sommes pas venus ici pour perdre notre temps en paroles en traitant avec un Sauron déloyal et maudit, et encore moins avec un de ses esclaves. Allez-vous-en ! «

Alors, le Messager de Mordor ne rit plus. Il avait le visage crispé d’étonnement et de colère, telle une bête sauvage qui, accroupie sur sa proie, reçoit sur le museau un cuisant coup de bâton. Il bavait de rage, et d’informes sons de fureur sortirent de sa gorge étranglée. Mais il regarda les visages féroces des Capitaines et leurs yeux meurtriers, et la peur surmonta sa colère. Il poussa un grand cri, fit demi-tour, bondit en selle et partit en un galop fou vers Cirith Gorgor, suivi de sa compagnie. Mais, dans leur course, ses soldats sonnèrent du cor selon un signal depuis longtemps convenu, et avant même qu’ils n’eussent atteint la porte, Sauron fit jouer son piège.

Les tambours roulèrent et des feux jaillirent. Les larges vantaux de la Porte Noire s’ouvrirent tout grands. Par-là se déversa une forte armée, à la vitesse d’eaux tourbillonnantes lors de la levée d’une vanne.

Les Capitaines se remirent en selle et revinrent en arrière, et de l’armée de Mordor monta un hurlement railleur. La poussière emplit l’air, tandis que s’avançait une armée d’Orientaux qui attendait le signal dans les ombres proches de l’Ered Lithui au-delà de la seconde Tour. Des collines de part et d’autre du Morannon descendit un flot d’Orques innombrables. Les hommes de l’Ouest étaient pris dans la nasse, et bientôt, tout autour des buttes grises sur lesquelles ils se trouvaient, des forces dix fois plus nombreuses et plus de dix fois plus fortes qu’eux allaient les entourer d’une mer d’ennemis. Sauron avait mordu à l’hameçon tendu avec des mâchoires d’acier.

Il restait peu de temps à Aragorn pour ordonner la bataille. Il se tenait sur une colline avec Gandalf, et là, désespérément, fut levée la belle bannière de l’Arbre et des Étoiles. Sur l’autre colline toute proche se dressaient les bannières de Rohan et de Dol Amroth, Cheval Blanc et Cygne d’Argent. Et autour de chaque colline un cercle hérissé de lances et d’épées fut établi face à tous les côtés. Mais sur le front dirigé vers le Mordor, où viendrait le premier grand assaut, se tenaient les fils d’Elrond, entourés des Dunedain, et à droite le Prince Imrahil avec les hommes de Dol Amroth, grands et beaux, et des hommes choisis parmi ceux de la Tour de Garde.

Le vent soufflait, les trompettes chantaient et les flèches gémissaient, mais le soleil qui montait à présent vers le sud était voilé par les fumées de Mordor, et il luisait, lointain, d’un rouge morne, au travers d’une brume menaçante, comme si ce fût la fin du jour ou peut-être la fin de tout le monde de la lumière. Et de l’obscurité grandissante sortirent les Nazgûl, qui criaient de leur voix froide des paroles de mort, et alors, tout espoir s’éteignit.

Pippin s’était courbé sous le poids de l’horreur en entendant Gandalf rejeter les conditions et condamner Frodon au tourment de la Tour, mais il s’était dominé, et il se tenait à présent à côté de Beregond au premier rang du Gondor avec les hommes d’Imrahil, car il lui paraissait préférable de mourir vite et de quitter l’amère histoire de sa vie, puisque tout était en ruine.

« Je voudrais bien que Merry fût ici «, s’entendit-il dire, et les pensées galopèrent dans son esprit, tandis même qu’il regardait l’ennemi se ruer à l’assaut. « Eh bien, maintenant en tout cas, je comprends un peu mieux le pauvre Denethor. Nous aurions pu mourir ensemble, Merry et moi, et puisque mourir il faut, pourquoi pas ? Enfin… puisqu’il n’est pas là, j’espère qu’il aura une fin plus facile. Mais maintenant, il faut que je fasse de mon mieux. «

Il tira son épée et la regarda, avec ses entrelacs de rouge et d’or, et les caractères coulants de Nûménor étincelaient comme du feu sur la lame. « Elle a été faite précisément pour une telle heure, pensa-t-il. Si seulement je pouvais en frapper cet ignoble Messager, je serais à peu près à égalité avec Merry. En tout cas, j’aurai quelques-uns de sa sale engeance avant la fin. Je voudrais bien revoir la fraîche lumière du soleil et l’herbe verte ! «

Comme il se disait ces choses, le premier assaut s’abattit sur eux. Les orques, gênés par les bourbiers qui s’étendaient devant les collines, s’arrêtèrent et lancèrent une pluie de flèches dans les rangs des défenseurs. Mais à travers eux s’avança à larges enjambées, avec des rugissements de bêtes, une grande compagnie de trolls des montagnes de Gorgoroth. Plus grands et plus larges que les Hommes, ils n’étaient vêtus que d’un réseau très ajusté d’écailles cornées, ou peut-être était-ce leur hideux cuir, mais ils portaient d’énormes boucliers ronds et noirs, et ils brandissaient de lourds marteaux dans leurs mains noueuses. Insouciants, ils s’élançaient dans les mares, au travers desquelles ils pataugeaient, beuglant dans leur avance. Ils tombèrent en tempête sur la ligne des hommes de Gondor et martelèrent casques et têtes, bras et boucliers, comme des ferronniers le fer chaud et ployant. Au côté de Pippin, Beregond s’écroula, assommé, et le grand chef troll qui l’avait abattu se pencha sur lui, tendant une griffe avide, car ces immondes créatures mordaient à la gorge ceux qu’ils jetaient bas.

Pippin porta alors un coup d’épée au-dessus de lui, et la lame portant l’inscription de l’Ouistrenesse perça le cuir et pénétra profondément dans les parties vitales du troll. Le sang noir jaillit à gros bouillons, le troll tomba

« « Y a -t-il dans cette ba nde quelqu’un qui ait autorité pour traiter avec moi ? demanda -t-il.

Ou, en fait, qui ait assez de tête pour me comprendre ? Pas toi, au moins ! dit - il, narquois, se tournant vers Aragorn avec dédain.

Il en faut plus pour faire un roi qu’un morceau de verr e elfique ou une racaille comme celle- ci.

Allons donc ! N’importe quel brigand des montagnes peut exhiber une aussi belle suite ! » Aragorn ne répondit rien, mais il accrocha le regard de l’autre et le soutint, et ils luttèrent un moment de la sorte, mais bientôt, sans qu’Aragorn eût fait un seul mouvement ni porté la main à l’épée, l’autre fléchit et recula comme sous la menace d’un coup.

« Je suis un héraut et ambassadeur, et nul ne doit m’attaquer ! » s’écria -t- il.

« Où de telles lois sont en vigueur, di t Gandalf, il est aussi de coutume pour les ambassadeurs de se montrer moins insolents.

Mais personne ne vous a menacé.

Vous n’avez rien à craindre de nous jusqu’à ce que votre mission soit accomplie.

Mais, à moins que votre maître n’ait acquis une nouvell e sagesse, vous serez avec tous ses serviteurs en grand péril. » « Bon ! dit le Messager.

Tu es donc le porte- parole, vieille barbe grise ? N’avons- nous pas entendu parler de toi de temps à autre, et de tes vagabondages, toujours à tramer des complots et d es mauvais tours à distance sûre ? Mais cette fois tu as fourré ton nez trop loin, Maître Gandalf, et tu vas voir ce qui arrive à celui qui tend ses stupides toiles devant les pieds de Sauron le Grand.

J’ai là des preuves que j’ai été chargé de te montrer à toi en particulier, si tu oses venir. » Il fit signe à un de ses gardes, qui s’avança, portant un paquet enveloppé de tissus noirs. Le Messager écarta ceux - ci et, à l’étonnement atterré de tous les Capitaines, il éleva d’abord la courte épée qu’avait arb orée Sam, puis un manteau gris avec une broche elfique, et enfin la cotte de mailles de mithril que Frodon avait portée sous ses vêtements en lambeaux.

Une obscurité leur voila les yeux, et il leur sembla, dans un moment de silence, que le monde était immo bile, mais leur cœur était mort et leur dernier espoir parti.

Pippin, qui se tenait derrière le Prince Imrahil, s’élança en avant avec un cri de détresse. « Silence ! » dit Gandalf avec sévérité, le rejetant en arrière, mais le Messager fit un éclat de rir e.

« Ainsi vous avez avec vous un autre de ces lutins ! s’écria -t- il.

Je ne vois vraiment pas à quoi ils peuvent vous servir, mais les envoyer comme espions en Mordor dépasse même votre folie accoutumée.

Je le remercie, toutefois, car il est clair que ce m outard a déjà vu ces signes, et il serait vain pour vous de les renier à présent.

» « Je n’ai aucun désir de les renier, dit Gandalf.

Je les connais tous, en vérité, ainsi que toute leur histoire, et tout votre dédain n’empêchera pas, infecte Bouche de Sau ron, que vous ne pourriez en dire autant.

Mais pourquoi les apportez -vous ici ? » « Manteau de nain, cape d’elfe, lame de l’Ouest déchu, et espion du petit pays de rats qu’est la Comté non, ne sursautez pas ! Nous le savons bien voici les marques du complo t.

Mais peut- être celui qui portait ces choses était -il une créature que vous ne seriez aucunement affligé de perdre, et peut -être en est - il autrement, quelqu’un qui vous est cher, peut -être ? Dans ce cas, recourez rapidement au peu d’intelligence qui vous reste.

Car Sauron n’aime pas les espions, et le sort de celui -ci dépend maintenant de votre choix.

» Personne ne lui répondit, mais il vit leurs visages gris de peur et l’horreur dans leurs yeux, et il rit derechef, car il lui semblait que son jeu marchai t bien.

« Bon, bon ! dit - il.

Il vous était cher, à ce que je vois.

Ou bien sa mission était -elle de celles que vous ne voudriez pas voir échouer ? Elle a échoué.

Et maintenant, il endurera le lent tourment des années, aussi long et lent que peuvent les fai re nos artifices de la Grande Tour, et il ne sera jamais relâché, sinon peut -être quand il sera changé et brisé, de sorte qu’il puisse venir vous montrer ce que vous avez fait.

Cela sera assurément à moins que vous n’acceptiez les conditions de mon Seigneu r.

» « Nommez -les », dit Gandalf avec fermeté, mais ceux qui étaient près de lui virent son expression d’angoisse, et il paraissait à présent un vieillard desséché, écrasé, vaincu en fin de compte.

Ils ne doutèrent pas de son acceptation. « Voici les condi tions, dit le Messager, qui souriait en les regardant l’un après l’autre.

La racaille de Gondor et ses alliés abusés se retireront aussitôt derrière l’Anduin, après avoir fait le serment de ne jamais plus attaquer Sauron le Grand par les armes, ouvertement ou secrètement.

Toutes les terres à l’est de l’Anduin seront à Sauron et à lui seul pour toujours.

L’ouest de l’Anduin jusqu’aux Monts Brumeux et à la Trouée de Rohan sera tributaire du Mordor, les hommes n’y porteront aucune arme, mais ils auront la libe rté de diriger leurs propres affaires.

Ils contribueront toutefois à la reconstruction de l’Isengard qu’ils ont détruit sans motif, celui -ci appartiendra à Sauron, et son lieutenant y résidera : non pas Saroumane, mais quelqu’un qui soit digne de confiance .

» Regardant le Messager dans les yeux, ils lurent sa pensée.

Le lieutenant serait lui- même, et il rassemblerait sous sa domination tout ce qui restait de l’Ouest, il serait le tyran des habitants et eux ses esclaves. Mais Gandalf dit : « C’est beaucoup d emander pour la libération d’un seul serviteur : que votre Maître reçoive en échange ce pour l’acquisition de quoi il lui faudrait autrement mener maintes guerres ! Ou le champ de Gondor a -t- il détruit l’espoir qu’il mettait dans la guerre, de sorte qu’il tombe dans les marchandages ? Et si, en fait, nous attribuons une telle valeur à ce prisonnier, quelle garantie avons -nous que Sauron, le Vil Maître de la Perfidie, observerait ses engagements ? Où est ce prisonnier ? Qu’on l’amène et qu’il nous soit remis , et nous examinerons ces demandes. » Il parut alors à Gandalf, qui observait intensément le Messager, comme un homme engagé dans un duel avec un ennemi mortel, qu’il était désorienté : mais il eut vite un nouveau rire.

« Ne faites pas, dans votre insolenc e, assaut de paroles avec la Bouche de Sauron ! s’écria -t- il.

Vous. »

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