Devoir de Philosophie

Euthanasie, respect, amour...

Publié le 14/09/2013

Extrait du document

euthanasie

 

François Régis Hutin est le directeur et le rédacteur en chef du journal Ouest-France.

Certains voient dans l’euthanasie une simplification des problèmes liés à la mort et voudraient la dépénaliser

au nom de la dignité des mourants. Mais ce courant se heurte à une tradition de respect de la vie bien ancrée

dans notre pays. Des membres de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité déplorent que la

France soit si imprégnée «d’une morale catholique très profonde«. Il faudrait préciser ces mots, car l’on ne

peut qu’apprécier le respect de la vie enseigné par l’Eglise depuis toujours et se réjouir que les mentalités de

notre pays en aient été pénétrées. Au-delà des querelles qui ne manqueront pas de resurgir, il convient de

constater qu’aujourd’hui l’Eglise, comme les membres de l’association en question, cherche à sauvegarder la

dignité des personnes en toute circonstance y compris bien sûr au moment de leur mort. Il ne s’agit pas de

défendre la vie à n’importe quel prix, fût-ce au prix d’insoutenables souffrances.

Faut-il pour autant ouvrir la porte à l’euthanasie ? Quelqu’un a dit ces jours-ci que l’euthanasie était une

mauvaise réponse à une vraie question. Mauvaise réponse, parce que cela risque de ruiner la confiance que le

patient et sa famille accordent aux médecins. Mauvaise réponse, parce que cela risque aussi de

déresponsabiliser et de décourager les proches et les personnels médicaux qui ont à affronter des situations

terriblement traumatisantes et qui peuvent être tentés de les esquiver ainsi. Mauvaise réponse, parce que nul

n’a le droit de décider à quel moment il faut activement mettre fin à une vie. En effet, certains malades

réclamant la mort au milieu de leurs souffrances, ne la demandant plus lorsqu’ils sont soulagés.

se lancer dans l’acceptation de l’euthanasie active sous la pression de l’événement et de l’émotion, pour

l’instaurer et légiférer, ne semble pas raisonnable, car une telle question ne concernent que des cas

particuliers et spécifiques.

Par contre, il est bien évident que l’acharnement thérapeutique n’est pas acceptable à partir du moment où il

prolonge inutilement des souffrances. Que les traitements soient interrompus est alors évidemment normal à

condition, bien sûr, que les soins d’accompagnement ultimes soient poursuivis.

Il ne s’agit plus d’euthanasie, c’est à dire de donner la mort, mais de constater l’impuissance de nos moyens.

Il s’agit alors d’une décision qui relève de la compétence, de la responsabilité, de la conscience des médecins,

décision qui ne doit pas pouvoir être arrêtée par une seule personne. A cette décision, aucune loi ne pourra se

substituer.

Nous évacuons la mort, pourtant accidents multipliés dans nos sociétés mécanisées, morts par épidémies,

guerres, famines dans de nombreux pays pauvres, nous la rappellent chaque jour. Comment faire face à sa

mort ? Comment faire face à la mort de ses proches ? Le drame restera toujours entier.

La souffrance doit être atténuée le plus possible, la dignité toujours respectée. De toute manière, devant cette

réalité, nous sommes contraints à beaucoup de modestie et d’humilité, nous sommes appelés aussi et surtout à

beaucoup d’amour.

F.R. HUTIN, Editorial d’Ouest-France du 29 juillet 1998.

Liens utiles