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Frères musulmans

Publié le 19/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Frères musulmans (en arabe, Ikhwan al-Muslimun), mouvement politico-religieux islamiste fondé en 1928 en Égypte par Hassan ibn Ahmad al-Banna (1906-1949).

La confrérie des Frères musulmans est fondée par un instituteur, Hassan al-Banna, qui façonne l’organisation et la dirige jusqu’à sa mort en 1949. C’est à Ismaïlia, la ville du canal de Suez, symbole de la mainmise britannique sur le pays, qu’il rassemble ses premiers compagnons. Le développement de l’organisation est très rapide dans toute l’Égypte : de quatre sections en 1929, elle passe à 300 en 1938 et à 2 000 en 1948. L’association compte plus de 1 million de membres en 1948, peut-être 2 millions en incluant la Palestine, la Syrie et le Soudan. Par comparaison, le parti de Nasser, du temps de la splendeur du régime entre 1962 et 1965, revendiquait 2 à 3 millions d’adhérents.

2   IDÉOLOGIE

Dès 1930, l’ossature idéologique des Frères musulmans est fixée, s’appuyant sur les théologiens musulmans du Moyen Âge tel al-Ghazali et des contemporains comme le théologien pakistanais Mawdudi (mort en 1979). La doctrine, définie par al-Banna, apparaît comme une revitalisation d’un islam mis en danger par la colonisation occidentale, l’éventuelle laïcisation de la société et la montée des partis nationalistes arabes comme le Wafd de Saad Zaghlul Pacha, qui détenait alors le pouvoir en Égypte.

Cette réaffirmation de la spécificité de l’islam s’appuie sur la tradition : la religion contient la forme du gouvernement. Le programme des Frères musulmans se développe autour de cet axe fondamental qui implique de la part de ses membres le respect des cinq piliers de l’islam, ainsi que la nécessité de lutter contre l’occupant britannique et l’influence occidentale. Enfin, à partir de 1936, la question de la Palestine, terre d’islam, est l’autre moteur du développement des Frères musulmans.

L’organisation interne de l’association, verticale et étroitement hiérarchisée, est codifiée par Hassan al-Banna. Au sommet de l’organisation se trouve le« guide suprême «, auquel on doit une obéissance inconditionnelle, puis le centre général, l’exécutif du mouvement qui compte une vingtaine de membres. Viennent ensuite les différents bureaux : orientation, propagande, travail, famille, jeunesse et l’organisation spéciale, les phalanges (Kataeb), les combattants. La règle décisionnelle est toujours celle de l’unanimité, ce qui empêche tout développement de tendances opposées à l’exécutif. Cette organisation pyramidale, remarquablement adaptée à la clandestinité, permet aux Frères musulmans de survivre à la répression britannique, puis nassérienne.

3   L’ÉGYPTE, BERCEAU DE LA CONFRÉRIE
3.1   Développement et interdiction

Nationalisme et religion sont les deux piliers qui vont amener aux Frères musulmans de nombreux soutiens dans les années 1940 : le futur président Anouar al-Sadate est membre de la confrérie et certains estiment que Nasser lui-même a pu en faire partie. Un rapport de police de 1950 estime que 33 p. 100 des officiers de l’armée égyptienne sont membres de l’association et ses liens avec les « Officiers libres «, qui déposent le roi Farouk en 1953, ouvrant la voie à Nasser, sont très clairs. L’assassinat au Caire, le 12 février 1949, d’Hassan al-Banna, vraisemblablement par un policier, ne modifie pas la situation et l’organisation ne cesse de se renforcer.

L’arrivée au pouvoir de Nasser en 1954 est suivie par une rupture violente avec les Frères musulmans qui entrent dans la clandestinité. Cinq dirigeants sont exécutés, au moins 20 000 personnes sont arrêtées et détenues sans jugement. La répression constante et la clandestinité freinent le développement des Frères musulmans sans pour autant les faire disparaître de l’arène politique. L’arrivée au pouvoir du président Sadate dénoue les tensions : les Frères musulmans sortent de leur clandestinité.

3.2   Un mouvement toléré et en essor

Progressivement, l’organisation se modifie. Socialement, elle recrute beaucoup plus dans les couches moyennes de la bourgeoisie de province que parmi les masses urbaines déshéritées du Caire. Elle profite aussi de la crise économique : le développement d’une politique de solidarité, l’aide au logement, aux études, au travail, lui permettent de s’enraciner en profondeur, que ce soit en haute Égypte, à Assiout ou en basse Égypte. Alors que se multiplient les mouvements islamistes radicaux prônant la lutte armée, les Frères musulmans, qui se revendiquent comme modérés, apparaissent cependant dépassés et adoptent une position attentiste. Profitant d’une amorce de libéralisation politique accordée par le régime du président égyptien Hosni Moubarak, ils sortent véritablement de l’ombre lors des élections législatives de 2005. Si la confrérie ne peut se constituer en parti politique, parce qu’elle est organisée sur une base confessionnelle, elle présente des candidats sous l’étiquette d’« indépendants « et réalise une percée parlementaire historique (88 députés sur les 454 que compte le Parlement).

4   LES BRANCHES NON ÉGYPTIENNES
4.1   Soudan

Dès 1944, les Frères musulmans s’implantent au Soudan, alors occupé par les Britanniques. L’élimination par Nasser des Frères égyptiens en 1954 a de profondes répercussions : l’organisation développe son programme autour de l’islamisation des institutions de la nouvelle république soudanaise. En 1958, l’arrivée au pouvoir des militaires amène les Frères musulmans à entrer dans la clandestinité, pour n’en ressortir que dans les années 1970. Le guide de l’organisation soudanaise, Hassan al-Tourabi, un brillant tacticien, conduit peu à peu les Frères musulmans et leur organisation électorale, le National Islamic Front (NIF), jusqu’aux marches du pouvoir. En 1983, le NIF représente 20 p. 100 du corps électoral et entre au gouvernement ; il pousse à l’adoption des lois islamiques de septembre 1983, qui proclament l’islam religion d’État et la charia (la loi révélée par le Coran) source du droit. Ces mesures se révèlent désastreuses pour le Soudan en renforçant les clivages entre musulmans du Nord, d’une part, chrétiens et animistes du Sud, d’autre part. Avec l’Égypte, le Soudan est l’autre pays où les Frères musulmans constituent réellement une organisation de masse.

4.2   Syrie

C’est en 1930 que la confrérie se développe en Syrie. Les Shabab Muhammad (« Jeunesses de Muhammad «) s’implantent dans la population ; à partir de 1954, l’organisation est dirigée par un chef historique de grande valeur, Mustapha al-Sibai. Semi-clandestins, les Frères musulmans vont, à partir de 1970, trouver en face d’eux un adversaire de taille, le Baas, parti progressiste laïcisant auquel appartient le président Hafez al-Assad. À cet égard, le courant syrien des Frères musulmans semble se développer comme une réaction de défense de la communauté sunnite (70 p. 100 de la population) face aux autres confessions minoritaires (les alaouites, les chiites) et le Baas qui accaparent le pouvoir.

L’organisation entre dans une clandestinité complète dans laquelle elle se trouve toujours ; entre 1979 et 1982, une guerre civile meurtrière oppose le parti Baas et l’armée syrienne aux Frères musulmans, qui en sortent exsangues. Cette guerre culmine au début des années 1980 : en mars 1980, 3 000 suspects sont arrêtés à Alep ; en 1981, les brigades de défense du frère du président al-Assad massacrent une partie de la population de Hama ; en février 1982, cette ville, la quatrième de Syrie, est à nouveau bombardée pendant un mois par l’armée et reprise maison par maison ; Alep et Lattaquié sont également touchées par les troubles, les estimations des pertes humaines allant de 7 000 à 10 000 morts.

Le rôle des Frères musulmans, présents aussi en Jordanie et dans les territoires occupés par Israël, est difficile à apprécier. Rayonnant à partir de leur foyer historique, l’Égypte, ils pèsent d’un poids incontestable dans tous les pays du Proche-Orient sur les orientations politiques, sans jamais parvenir au pouvoir, hormis au Soudan. Conçu comme une idéologie et comme une religion, l’idéal des Frères musulmans est un modèle sociopolitique offert en alternative au modèle idéologique occidental. En ce sens, la tentative d’al-Banna d’un retour à l’islam en tant que modèle d’organisation sociale a posé les jalons de la contestation actuelle des États arabes par les nouveaux mouvements islamistes, que ce soit au Maghreb ou au Proche-Orient. Dans nombre de régimes arabes, ces mouvements apparaissent comme les seules véritables forces d’opposition organisées, populaires et intègres dans un paysage politique marqué par la corruption et le déficit démocratique.

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