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Guerre mondiale, Première

Publié le 19/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Guerre mondiale, Première, conflit qui a opposé, entre le 28 juillet 1914 et le 11 novembre 1918, les Alliés (vaste coalition formée autour de la France, du Royaume-Uni et de la Russie) aux Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie et leurs alliés), et qui, pour la première fois dans l’histoire, a engagé des pays des cinq continents.

La Grande Guerre, telle qu’elle est parfois désignée, a eu pour principal théâtre d’opération l’Europe — front de l’Ouest (France, Belgique) et front de l’Est (Russie) — et pour champs de bataille secondaires l’Italie, les Balkans, le Proche-Orient, les colonies allemandes d’Afrique et d’Extrême-Orient, ainsi que la plupart des mers du globe. Son point de départ a été la déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie à la Serbie, le 28 juillet 1914. Celle de l’Allemagne à la Russie, le 1er août, a été la première étape de son extension à toute l’Europe par le jeu des alliances. Le conflit a pris une dimension mondiale avec l’entrée en guerre du Japon, des États-Unis et de la Chine.

Au total, trente-deux nations ont pris part au conflit. Vingt-huit d’entre elles ont combattu dans le camp des Alliés, aux côtés de la Triple-Entente (France, Royaume-Uni et Russie), auxquels se sont notamment alliés le Japon (1914), l’Italie (1915) et les États-Unis (1917). Pour leur part, les Empires centraux (Allemagne et Autriche-Hongrie) ont été rejoints par l’Empire ottoman (1914) et la Bulgarie (1915).

2   LES CAUSES DE LA GUERRE

La cause directe de la guerre entre l’Autriche-Hongrie et la Serbie a été l’assassinat, le 28 juin 1914, à Sarajevo (aujourd’hui en Bosnie-Herzégovine), de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, par l’étudiant bosniaque Gavrilo Princip (voir attentat de Sarajevo).

Cependant, les causes profondes du conflit remontent au siècle précédent. Les divers courants nationalistes présents en Europe avant le déclenchement des hostilités plongent en effet leurs racines dans les tensions et les conflits du xixe siècle. En outre, l’essor de l’Empire allemand (le IIe Reich) comme puissance économique et politique mondiale exacerbe les rivalités entre les grandes nations européennes. La création et le maintien, après 1871, de grandes armées et de deux alliances militaires antagonistes menacent de transformer cette rivalité en conflit armé.

2.1   Les causes profondes
2.1.1   La question des nationalismes

Au cours du xixe siècle, bien qu’elle ait été totalement ignorée par les monarchies lors du congrès de Vienne qui a redéfini la carte de l’Europe en 1815, s’est répandue l’idée démocratique issue de la Révolution française, selon laquelle les peuples partageant les mêmes origines ethniques, la même langue et les mêmes idéaux politiques ont le droit de former un État indépendant soit en se séparant d’un État dominant, soit en regroupant des populations soumises à différents dirigeants. Au cours de ce siècle, certaines dispositions du congrès ont été remises en cause par des révolutions et des mouvements nationalistes : guerre de l’indépendance grecque aboutissant à la création d’un État grec en 1829 ; Révolution belge de 1830 donnant naissance à la Belgique ; réalisation de l’unification italienne en 1861 et de l’unification allemande en 1871.

Toutefois, à la fin du xixe siècle, dans d’autres régions d’Europe, et en particulier dans les Balkans, les revendications nationalistes restent sans réponse et engendrent des tensions locales et internationales. Le panslavisme trouve un écho parmi certains peuples balkaniques qui souhaitent se libérer de la domination ottomane. Les intérêts de l’Empire austro-hongrois où vivent des populations slaves sont également directement menacés. Le panslavisme est à l’origine de plusieurs conflits régionaux au début du xxe siècle, notamment les guerres des Balkans.

Le nationalisme gagne également du terrain au sein des populations des grandes puissances européennes à la fin du xixe siècle. Dans tous les pays, la propagande patriotique attise l’idée d’un « ennemi héréditaire « aux frontières. En France, notamment, l’annexion de l’Alsace-Lorraine par le IIe Reich (au terme de la guerre franco-allemande de 1870-1871) a pour effet de nourrir un esprit « revanchard «.

2.1.2   Les rivalités impérialistes

Le nationalisme se manifeste également dans les rivalités coloniales et économiques entre grandes puissances européennes. La révolution industrielle, née en Grande-Bretagne à la fin du xviiie siècle, s’est étendue à la France et à la Belgique au début du siècle suivant, puis aux États-Unis et à la Russie, et enfin à l’Allemagne. Les progrès rapides de l’industrialisation dans ce pays depuis 1871 et, en conséquence, le développement plus rapide encore de son commerce menacent de plus en plus l’hégémonie britannique dans le monde.

Le Drang nach Osten (expression de l’expansionnisme économique allemand à l’est de l’Europe et au Proche-Orient) est considéré par la Russie comme une menace pour ses intérêts politiques et économiques. Les Turcs ottomans, quant à eux, s’inquiètent des ambitions tsaristes sur les détroits, qui pourraient donner aux Russes un débouché maritime sur la Méditerranée.

Hors d’Europe, à la fin du xixe siècle, la recherche de nouveaux marchés et de ressources naturelles devient le principal objet de la concurrence entre les grandes nations industrielles. En Afrique, champ d’expansion privilégié des politiques économiques européennes, les rivalités entre la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne manquent à plusieurs reprises de provoquer une guerre entre 1898 et 1914.

2.2   La marche vers la guerre
2.2.1   La course aux armements

En réponse à ces tensions, les nations européennes adoptent, entre 1871 et 1914, des politiques intérieures et extérieures qui accentuent à leur tour le risque d’embrasement. Persuadées que leurs intérêts sont menacés, elles entretiennent en temps de paix de puissantes armées permanentes.

Sur mer, la recherche de la suprématie navale suscite une concurrence acharnée. En réponse à l’expansion de la marine allemande depuis 1900, le Royaume-Uni développe sa flotte sous le commandement de l’amiral John Fisher, et construit en particulier des cuirassés. Remarquables par leur armement lourd, les Britanniques sont largement copiés.

La course à l’armement, le perfectionnement des techniques et de l’organisation militaires accroissent l’influence des états-majors sur le pouvoir politique. Pour tenter d’enrayer cette course aux armements au coût exorbitant, qui place les États dans une logique de guerre dont ils perdent le contrôle, les gouvernements font une tentative de désarmement mondial ; mais les conférences de La Haye, en 1899 et 1907, échouent.

2.2.2   Le jeu des alliances diplomatiques

Tout comme la militarisation aggrave le risque de guerre, la diplomatie des nations européennes menace d’étendre à tout le continent le moindre conflit local. Chaque État cherche à conclure des alliances pour ne pas se retrouver isolé en cas de guerre. Les grandes puissances européennes se regroupent en deux coalitions militaires hostiles : la Triple-Alliance de 1882 (Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie) contre la Triple-Entente formée en 1893 et 1907 (France, Royaume-Uni et Russie).

2.2.3   Des raisons de croire à la paix

Malgré ces menaces, les raisons de croire à la paix ne sont pourtant pas négligeables. Des ruptures d’alliance sont toujours possibles entre les membres des différentes coalitions. Ainsi, en raison de liens dynastiques (l’empereur Guillaume II est le petit-fils de Victoria d’Angleterre), les Allemands restent persuadés, jusqu’à l’été 1914, que les Britanniques ne leur déclareront pas la guerre si un conflit éclate.

Majoritairement pacifistes, les forces socialistes (partis et syndicats) militent pour une solidarité internationale des ouvriers ; elles proposent d’opposer à la guerre la grève des travailleurs.

Par ailleurs, les rivalités économiques n’ont pas empêché les industriels et financiers de pays antagonistes de développer, surtout depuis 1909-1910, des opérations internationales communes. En 1913, le Français Jean Jaurès et l’Allemand R. Hasse déclarent communément : « Trois forces militent en faveur du maintien de la paix : la solidarité du prolétariat, la coopération des capitaux anglais, français et allemands, et la peur des gouvernements que, de la guerre, ne jaillisse la révolution. «

2.2.4   Une succession d’incidents diplomatiques

Il n’en demeure pas moins que l’Europe étant divisée en deux camps antagonistes, la moindre dégradation de la situation politique, économique ou militaire en Europe, en Afrique ou dans les autres colonies menace de provoquer un incident international. Entre 1905 et 1914, plusieurs crises et deux conflits locaux mènent l’Europe aux portes de la guerre générale.

La première crise éclate à propos du Maroc, où l’Allemagne intervient en 1905-1906 aux côtés des Marocains contre l’ingérence française. La France menace de déclarer la guerre à l’Allemagne, mais la crise est finalement résolue lors de la conférence d’Algésiras (Espagne), en avril 1906, qui reconnaît à la France des droits au Maroc.

Les Balkans sont le théâtre d’une autre crise, en 1908, quand l’Autriche-Hongrie annexe la Bosnie-Herzégovine, mettant à profit la faiblesse de l’Empire ottoman secoué par la révolution des Jeunes-Turcs. Principal foyer du panslavisme, la Serbie, qui a des visées sur cette région, menace de déclarer la guerre à l’Autriche. Elle doit y renoncer faute du soutien (indispensable) de son allié russe.

Une troisième crise, à nouveau au Maroc, éclate en 1911 lorsque les Allemands envoient le navire de guerre Panther à Agadir pour protester contre l’entrée des Français à Fès et à Meknès (voir incident d’Agadir). Le conflit est résolu lors de la conférence d’Agadir, le 4 novembre. Les Allemands laissent les mains libres aux Français au Maroc, en échange d’une partie du Congo. L’Italie profite du fait que l’attention des grandes puissances est retenue par cette crise pour déclarer la guerre à l’Empire ottoman, dans l’espoir d’annexer la région de Tripoli (Libye). L’Empire ottoman étant un allié de l’Allemagne, l’agression italienne a pour effet d’affaiblir la Triple-Alliance.

Enfin, les guerres des Balkans de 1912-1913 voient le démembrement des possessions ottomanes en Europe. Au cours du premier conflit, la Russie (qui cherche à s’assurer le contrôle des détroits de la mer Noire à la Méditerranée) joue un rôle décisif ; la Serbie, quant à elle, affirme ses prétentions au détriment de la Bulgarie et des Turcs ottomans, tandis que l’Autriche-Hongrie est tenue à l’écart. Déçue par l’affaiblissement de son allié ottoman, l’Allemagne renforce son armée. La France réplique en augmentant la durée du service militaire de deux à trois ans. Suivant l’exemple de ces pays, toutes les nations européennes augmentent considérablement leurs dépenses militaires en 1913 et 1914.

3   L’EMBRASEMENT
3.1   L’attentat de Sarajevo

Dans une Europe puissamment armée et rongée par les rivalités nationales, l’assassinat, le 28 juin 1914 à Sarajevo, de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, cristallise les tensions. Dans les deux camps, les grandes puissances sont prêtes à risquer la guerre pour tenir l’autre camp en respect, convaincues que l’équilibre diplomatique et militaire leur est favorable. Ainsi, considérant que l’attentat de Sarajevo est imputable à la Serbie, le gouvernement austro-hongrois se montre pour la première fois prêt à une opération militaire pour en finir avec le panslavisme, qui menace de plus en plus ses intérêts vitaux.

3.2   Les ultimes manœuvres diplomatiques

Le 23 juillet 1914, l’Autriche-Hongrie envoie à Belgrade un ultimatum en dix points, exigeant le châtiment des complices éventuels de l’assassin (Gavrilo Princip) et l’arrêt de la propagande anti-autrichienne en Serbie. Le 25 juillet, sous la pression des Britanniques et des Russes, la Serbie accepte de se plier à toutes ces exigences, à l’exception de la participation d’officiers autrichiens à l’enquête (considérée comme une incursion dans les affaires intérieures du pays) ; l’Autriche juge cette réponse insatisfaisante. Les Russes tentent alors de persuader les Autrichiens de modifier les termes de l’ultimatum, les menaçant de mobiliser leurs troupes en cas d’attaque contre la Serbie. Le 26 juillet, le ministre britannique Edward Grey propose de régler le conflit par une conférence réunissant le Royaume-Uni, la France, l’Italie et l’Allemagne ; cependant, cette dernière rejette l’offre, estimant que l’équilibre militaire lui permet de régler le conflit serbe.

3.3   La cascade des déclarations de guerre

Le 28 juillet 1914, l’Autriche-Hongrie, assurée du soutien de l’Allemagne, déclare la guerre à la Serbie. La Russie riposte le lendemain par une mobilisation partielle. L’Allemagne avertit la Russie que les deux nations entreront en guerre si cette mobilisation se poursuit, et incite l’Autriche-Hongrie à négocier avec Moscou une modification de l’ultimatum à la Serbie. Devant le refus russe de démobiliser, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie le 1er août.

La mobilisation française commence le même jour et, le 3 août, l’empereur allemand Guillaume II déclare la guerre à la France. Répliquant à l’entrée en Belgique de troupes allemandes, le Royaume-Uni lance un ultimatum à Berlin le 4 août, exigeant le respect de la neutralité belge. Devant le refus de l’Allemagne, elle lui déclare la guerre le jour même. Le 6 août, la Serbie déclare la guerre à l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie ayant fait de même la veille avec la Russie. Le 11 août, la France déclare la guerre aux Habsbourg d’Autriche, imitée le lendemain par le Royaume-Uni. Le 5 septembre, par le pacte de Londres, la France, le Royaume-Uni et la Russie s’engagent à ne pas signer de paix séparée.

Le Japon, qui a des ambitions sur les possessions germaniques d’Extrême-Orient, déclare la guerre à l’Allemagne le 23 août. Le 2 novembre, la Russie (suivie le lendemain par le Royaume-Uni et la France) déclare la guerre à l’Empire ottoman qui a signé un pacte secret avec l’Allemagne. L’Italie reste neutre jusqu’au 23 mai 1915, date à laquelle elle se désolidarise de la Triple-Alliance et déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie pour satisfaire ses revendications territoriales. Le caractère mondial du conflit est bientôt accru avec l’entrée en guerre des États-Unis, le 6 avril 1917, puis de la Chine, le 14 août suivant.

3.4   La mobilisation

Les forces de paix ne peuvent résister à l’atmosphère nationaliste exacerbée par les événements : il en est ainsi du socialiste pacifiste Jean Jaurès, assassiné le 31 juillet 1914 (veille de la mobilisation française). Les refus de rejoindre les armées sont très rares, et l’on n’a même pas besoin en France d’appliquer le carnet B (arrestation préventive des leaders pacifistes). Cependant, les élans patriotiques, bien que réels, sont surévalués par les propagandes alliées. La mobilisation se fait partout dans le calme, avec sérieux ou résignation, et surtout avec l’idée que la guerre sera courte.

4   1914 : LA GUERRE DE MOUVEMENT

Les opérations militaires commencent en Europe sur trois fronts principaux : le front de l’Ouest (ou front franco-belge), le front de l’Est (ou front russe) et le front du Sud (ou front serbe). Elles s’exercent également sur mer et dans les colonies.

4.1   Front de l'Ouest
4.1.1   La stratégie allemande de la Blitz Krieg

La stratégie allemande initiale est de mener une guerre éclair (Blitz Krieg) sur le front de l’Ouest, en France, tandis qu’une petite partie de l’armée allemande et la totalité de l’armée austro-hongroise doivent garder le front de l’Est, pas immédiatement menacé du fait de la lenteur supposée de la mobilisation des Russes. La défaite de la France doit être acquise en six semaines grâce au plan Schlieffen (du nom du chef d’état-major allemand de 1891 à 1906). De puissantes armées doivent pénétrer en Belgique (violant ainsi sa neutralité) pour prendre les Français à revers dans un mouvement rapide, puis faire volte-face pour les encercler et les anéantir. Une fois la victoire acquise, les armées allemandes doivent se concentrer sur la Russie et l’écraser.

Mis en œuvre en automne 1914 par le chef d’état-major Helmuth von Moltke après quelques modifications, le plan Schlieffen semble tout d’abord fonctionner comme prévu.

4.1.2   La « bataille des frontières «

La première phase de la guerre est une guerre de mouvement. L’incursion éclair en Belgique au début du mois d’août 1914 ne rencontre guère d’obstacles. L’armée belge abandonne les places fortes de Liège et de Namur, et fait retraite dans la forteresse d’Anvers (15 août). Les Allemands poursuivent leur avancée et entrent sur le territoire français : ils vainquent les Français lors de la bataille des Ardennes (22 août) puis celle de Charleroi (21-23 août), et défont une armée britannique à Mons (23 août). Sur toute la ligne de front belge et luxembourgeoise, les Alliés reculent. Simultanément, les Allemands reprennent la Lorraine envahie par les Français.

Les troupes franco-britanniques se replient précipitamment, mais en ordre, sur la Marne. Ils sont pourchassés par trois armées allemandes qui parviennent à franchir la rivière, mais ne peuvent isoler l’aile gauche franco-britannique. L’attaque de Paris semblant imminente, le gouvernement français est transféré à Bordeaux (2 septembre), la capitale étant laissée sous le gouvernement militaire du général Joseph Gallieni. Mais, contre toute attente, les Allemands n’avancent pas directement vers Paris ; ils pivotent (toujours conformément au plan Schlieffen) en direction du sud-est pour encercler les armées françaises.

4.1.3   La première bataille de la Marne

Averti des mouvements allemands, le 5 septembre 1914, le général Gallieni donne l’ordre aux soldats de la garnison de Paris de se précipiter vers la Marne, en réquisitionnant environ 600 véhicules (les « taxis de la Marne «). Le lendemain, le général Joseph Joffre (commandant en chef des armées du Nord et du Nord-Est) lance une offensive générale contre l’aile droite de la Ire armée allemande, commandée par le général Von Kluck.

Au cours de la première bataille de la Marne (6-13 septembre 1914), le général Joffre bloque la progression de l’armée de Von Kluck — lequel, ayant distancé les deux autres armées allemandes, ne peut espérer leur soutien. En outre, le haut commandement allemand est affaibli par des divisions et les erreurs de Von Moltke : croyant la victoire acquise à l’ouest, celui-ci a prélevé six corps d’armée le 25 août pour parer à une attaque russe sur le front oriental. Soutenus sur leur gauche par les Britanniques, les Français attaquent le flanc droit des Allemands et contraignent l’armée de Von Kluck à battre en retraite. L’ensemble des forces allemandes se replie sur l’Aisne, puis se fixe le long des Ardennes et de l’Argonne. En raison de l’échec du plan allemand, Von Moltke est destitué, remplacé à la tête de l’état-major allemand par Erich von Falkenhayn, le 14 septembre.

Les Français, épuisés, engagent une série de batailles dans l’Aisne, la Somme et en Artois, sans parvenir à déloger les Allemands. Ceux-ci réussissent à étendre leurs lignes vers l’est jusqu’à la Meuse, au nord de Verdun.

4.1.4   La « course à la mer «

Au nord-ouest du front occidental, une course à la mer s’engage alors des deux côtés, visant à déborder l’ennemi pour le contrôle des ports français de la Manche (en particulier Dunkerque et Calais), lieux de débarquement des renforts britanniques. Le 16 octobre 1914, peu après la prise d’Anvers (10 octobre) s’engage la bataille de l’Yser que les Allemands, malgré une résistance héroïque des forces franco-belges, parviennent à franchir cinq jours plus tard ; le souverain belge Albert II décide alors de l’ouverture des écluses, provoquant une inondation de la région et le repli des Allemands. Ces derniers reportent leurs efforts plus au sud, vers Ypres, où sont stationnées des divisions britanniques et franco-belges. Les Allemands tentent une percée lors de la sanglante « mêlée des Flandres «, mais ils se heurtent à la résistance des troupes alliées (voir première bataille d’Ypres, 30 octobre-24 novembre). En décembre, celles-ci contre-attaquent sur toute la longueur du front, de Nieuport (à l’ouest) à Verdun (à l’est), mais n’emportent pas de victoire décisive.

La première bataille d’Ypres marque la fin de la guerre de mouvement et des combats à découvert sur le front occidental, qui se stabilise sur près de 800 km, de la Suisse à la mer du Nord. À la fin de l’année 1914, les deux camps établissent des tranchées, faute de vainqueur : la guerre qui devait être courte menace d’être longue. Le front, en effet, ne va pratiquement pas bouger pendant les trois années suivantes, chaque camp assiégeant et pilonnant les tranchées adverses et tentant par des offensives de les investir et de les franchir.

4.2   Front de l'Est
4.2.1   La bataille de Tannenberg

Sur le front oriental, le tsar Nicolas II lance l’offensive dès le quinzième jour de la guerre (nettement plus rapidement que les prévisions allemandes). Les Allemands ayant laissé leur frontière orientale relativement peu défendue, deux armées russes pénètrent en Prusse-Orientale. Les troupes tsaristes remportent une victoire à Gumbinnen (19-20 août 1914) sur une armée allemande numériquement inférieure ; cette dernière est sur le point d’évacuer la région lorsque des renforts, commandés par le général Paul von Hindenburg, remportent sur les Russes une victoire décisive à Tannenberg (26-30 août), que confirme, le 15 septembre, celle des lacs Mazures (en Prusse-Orientale). Les Russes sont alors contraints à se replier vers leur frontière.

4.2.2   La percée russe en Autriche

Dans le même temps, quatre armées russes entrent dans la province autrichienne de Galicie. Face aux troupes autrichiennes mal équipées, les Russes progressent régulièrement : ils s’emparent de Lvov (3 septembre 1914) et de la Bucovine, et sortent victorieux de la bataille de Lemberg (11 septembre). Ils repoussent l’ennemi jusque dans les Carpates, où le front se stabilise en novembre.

4.3   Front des Balkans

Dans les Balkans, les Autrichiens entreprennent à trois reprises d’envahir la Serbie, mais ils sont repoussés et subissent une défaite à Cer (24 août 1914). Les Serbes, qui ont repris le 13 décembre Belgrade (occupée depuis le 6 novembre, après la bataille de Rudnik), ne tentent aucune invasion en Autriche-Hongrie.

L’Empire ottoman entre dans la guerre le 29 octobre 1914, en bombardant (avec deux cuirassés cédés par l’Allemagne le 12 août) le port d’Odessa et les côtes méridionales de la Crimée, en mer Noire. La Russie déclare la guerre aux Ottomans le 2 novembre ; le Royaume-Uni et la France font de même le 5 du même mois. En décembre, les Turcs ottomans commencent à envahir la région russe du Caucase.

4.4   Blocus naval et guerre maritime
4.4.1   Dans l’Atlantique

Forts de la puissance maritime britannique, les Alliés contrôlent les mers et imposent un blocus aux Empires centraux. La marine britannique est constituée de deux flottes. La plus importante, la Grand Fleet (« Grande Flotte «) est basée à Scapa Flow dans les îles Orcades (au nord de l’Écosse) ; elle comprend 20 cuirassés et de nombreux croiseurs et destroyers. La seconde flotte, comprenant des vaisseaux plus anciens, garde la Manche. Pour sa part, la flotte du Kaiser, qui compte 13 cuirassés, est basée dans les ports allemands de la mer du Nord.

Les Britanniques attaquent la base navale allemande de l’île d’Helgoland, coulant trois vaisseaux ennemis. Les sous-marins allemands détruisent plusieurs unités britanniques, dont le supercuirassé Audacious (octobre 1914). Par une attaque audacieuse de sous-marins, à Scapa Flow, ils contraignent les unités de la marine britannique à se retirer vers des bases de la côte ouest écossaise.

4.4.2   Dans le Pacifique

Si, au cours de l’année 1914, il n’y a aucune bataille majeure dans l’Atlantique Nord, dans le Pacifique Sud en revanche, l’escadre de croiseurs de l’amiral Maximilian von Spee endommage considérablement les installations françaises de Tahiti et celles de l’île Fanning, sous domination britannique (septembre-octobre). Le 1er novembre, elle remporte contre l’escadre britannique de l’amiral Cradock la bataille de Coronel, au large du Chili. Mais le 8 décembre suivant, Von Spee perd quatre de ses cinq vaisseaux dans la bataille des îles Falkland (archipel des îles Malouines, dans l’Atlantique Sud), face à l’escadre britannique de sir Frederick Sturdee. L’escadre allemande du Pacifique est réduite à néant.

4.5   Guerre dans les colonies allemandes
4.5.1   En Afrique

Dès le mois d’août 1914, une opération franco-britannique permet aux Alliés de prendre possession du Togo allemand. En septembre, le Cameroun est simultanément envahi par les Britanniques venus du Nigeria, et par les Français de l’Afrique-Équatoriale française. Les Allemands n’y cessent les combats qu’en février 1916.

Le Sud-Ouest africain allemand (actuelle Namibie) est conquis entre septembre 1914 et juillet 1915 par les troupes britanniques venues de l’Union sud-africaine (Afrique du Sud).

L’Afrique-Orientale allemande (globalement l’actuelle Tanzanie), principale possession allemande, est également le théâtre d’un affrontement entre Allemands et Britanniques. Si en novembre 1914, les assauts des troupes britanniques et indiennes sont repoussés par le général Paul von Lettow-Vorbeck, la lutte va se poursuivre jusqu’à l’armistice de 1918.

4.5.2   En Extrême-Orient

Dans le Pacifique, la partie allemande des Samoa est envahie par les Néo-Zélandais en août 1914. Le mois suivant, les Australiens occupent l’archipel Bismarck et la Nouvelle-Guinée, possessions allemandes.

Entre août et novembre 1914, les Japonais s’emparent des îles Marshall, des îles Mariannes, des îles Palaos et des îles Carolines sous domination allemande. En novembre 1914, ils prennent la forteresse de Qingdao, un port allemand de la province de Shandong, en Chine.

5   1915 : L'ENLISEMENT DU CONFLIT

Sur le front de l’Ouest, l’année 1915 est marquée par l’enlisement du conflit dans la guerre des tranchées et par une forte poussée allemande sur le front russe. Des combats opposent l’Empire ottoman au Royaume-Uni dans le détroit des Dardanelles pour désenclaver la Russie, et de nouveaux fronts s’ouvrent avec l’entrée en guerre de l’Italie (du côté des Alliés) et de la Bulgarie (aux côtés des Empires centraux).

5.1   Front de l'Ouest
5.1.1   Le creusement des tranchées

Au cours de l’année 1915, des tranchées sont aménagées en système de défense inexpugnable. Elles sont, au fur et à mesure, organisées en lignes de défense successives et reliées entre elles par des boyaux d’accès. Les premières lignes sont séparées du camp adverse par une zone de « no man’s land «, rendue infranchissable par un réseau de fils de fer barbelés et de champs de mines. Les soldats de première ligne, soumis aux bombardements et vivant dans des conditions d’hygiène déplorables, subissent une pression continuelle. Mais le front n’apparaît pas encore totalement figé : chaque camp espère percer le front adverse. Les Alliés mènent plusieurs offensives pour rompre la défense allemande et libérer les territoires occupés.

5.1.2   Ypres, ou l’apparition du « gaz moutarde «

Au début de l’année 1915, les Français tentent en vain une percée en Champagne. En mars, les Britanniques attaquent victorieusement Neuve-Chapelle (Artois), mais ne peuvent prendre que la ligne avancée des Allemands. Entre le 22 avril et le 25 mai, ces derniers lancent une offensive dans les Flandres, où ils expérimentent pour la première fois une nouvelle arme militaire : un gaz mortel suffocant et vésicant, bientôt appelé ypérite ou « gaz moutarde « (voir deuxième bataille d’Ypres). C’est la première fois dans l’histoire qu’apparaît à grande échelle la guerre chimique.

5.1.3   Les batailles d’Artois et de Champagne

Entre mai et septembre 1915, une attaque franco-britannique en Artois, entre Neuve-Chapelle et Arras, permet aux troupes de progresser de 4 km à l’intérieur du système de défense allemand. Les Britanniques à Lens et les Français sur la crête surplombant Vimy tentent deux attaques simultanées. La percée n’est toutefois pas décisive (voir première bataille d’Artois).

Au cours de l’automne, les Français lancent une grande offensive en Champagne, sur un front d’environ 25 km entre Reims et la forêt d’Argonne. Ils s’emparent de la première ligne de tranchées allemandes, mais sont arrêtés par la seconde.

Les combats de 1915 se soldent par de très lourdes pertes (1,4 million de tués, blessés et prisonniers), essentiellement pour l’artillerie française. S’ils ne se traduisent pas par une avancée significative du front (les lignes établies à l’ouest en fin d’année 1914 restant pratiquement inchangées en 1915), ils permettent toutefois de soulager la Russie en difficulté.

5.2   Front de l'Est
5.2.1   La seconde bataille des lacs Mazures

En 1915, les Allemands tirent les conclusions de l’échec du plan Schlieffen, et changent de stratégie : profitant de la stabilisation du front de l’Ouest, ils concentrent leurs efforts sur le front oriental dans l’espoir de pousser les Russes à une paix séparée. Au terme de la seconde bataille des lacs Mazures (février 1915), les troupes tsaristes doivent abandonner la Prusse-Orientale où ils laissent plus de 100 000 prisonniers. En avril, les Russes, qui menacent la Hongrie, sont repoussés par l’armée autrichienne et chassés des Carpates.

En mai, les Allemands lancent avec le soutien des Autrichiens une vaste offensive en Galicie, et remportent à Gorlice une victoire qui contraint les Russes à abandonner la Galicie et la Bucovine, puis la Pologne, la Lituanie et la Courlande, ainsi que toutes leurs places fortes frontalières.

5.2.2   La stabilisation de la ligne de front

En septembre, après la perte de Brest-Litovsk (25 août) et de Vilna (18 septembre), les Russes stabilisent le front le long d’une ligne nord-sud, de Riga à la frontière roumaine, entrant eux aussi dans la période des guerres de tranchées.

Près de la moitié des armées tsaristes sont hors de combat (900 000 prisonniers et 700 000 blessés), mais les Allemands ne sont pas parvenus à les contraindre à une paix séparée. Néanmoins, le front de l’Est est stabilisé de Riga à Czernowitz. Dans le Caucase, en revanche, les Russes reprennent aux Turcs la plupart des territoires perdus.

5.3   Entrée en guerre de l’Italie et front italien

L’Italie, qui a été membre de la Triple-Alliance et qui s’est prononcée pour la neutralité au début du conflit, mène des discussions avec les belligérants afin d’obtenir des garanties sur ses prétentions territoriales quant aux terres irrédentes, dans la région de Trentin et d’Istrie (voir irrédentisme). Elle obtient ces garanties (accords de Londres en avril 1915) et entre en guerre contre l’Empire austro-hongrois le 23 mai 1915.

Au cours de l’année 1915, la guerre des tranchées en Italie est marquée par quatre batailles indécises, opposant les deux armées sur le fleuve Isonzo (29 juin-7 juillet, 18 juillet-10 août, 18 octobre-3 novembre et 10 novembre-10 décembre).

5.4   Fronts turcs ottomans

Au début de l’année 1915, l’avancée des Turcs ottomans dans le Caucase russe incite le tsar à demander le soutien du Royaume-Uni. En outre, les détroits contrôlés par la Sublime Porte (nom donnée au gouvernement ottoman) constituent un objectif stratégique majeur, car d’une part ils ferment l’accès de la Russie à la Méditerranée, et d’autre part leur prise permettrait à la Russie de rompre son isolement.

5.4.1   La campagne des Dardanelles

À l’instigation de Winston Churchill, premier lord de l’Amirauté, le Royaume-Uni décide d’organiser une expédition contre l’Empire ottoman. En février 1915, une flotte commandée par le général Ian Hamilton entame le bombardement des forts turcs des Dardanelles. La stratégie est un échec, la flotte perdant un tiers de ses navires, endommagés par des mines flottantes devant Çanakkale (18 mars). Une invasion par voie terrestre est alors décidée. En avril, un corps expéditionnaire d’Alliés (divisions françaises, britanniques et australiennes) effectue un premier débarquement sur la presqu’île de Gallipoli, puis un second en août, après l’arrivée de plusieurs divisions britanniques supplémentaires. La résistance farouche des Turcs, commandés par Mustafa Kemal Pacha et soutenus par les Allemands, ainsi que la stratégie médiocre du commandement allié, font de l’expédition des Dardanelles un désastre (144 000 morts et blessés). Après des mois de stagnation sur le front, les Alliés décident, le 9 janvier 1916, de procéder à l'évacuation de leurs troupes.

5.4.2   Au Proche-Orient

Contre l’Empire ottoman, les Britanniques ont ouvert un front au Proche-Orient (en Mésopotamie) dès novembre 1914. Les forces britanniques de l’Inde battent les Turcs à plusieurs reprises. Mais au cours de la bataille de Ctésiphon (sud-est de Bagdad), le 24 novembre 1915, les armées ottomanes réussissent à contenir la progression, vers Bagdad, des Britanniques, qui doivent se replier sur Al Kut. À Suez, en revanche, ces derniers parviennent à repousser la menace turque.

5.5   Front des Balkans

Dans les Balkans, afin d’apporter leur soutien à Belgrade, les troupes franco-britanniques rapatriées des Dardanelles forment une tête de pont à Salonique (5 octobre), malgré l’opposition du roi grec Constantin Ier qui défend la neutralité de son pays. Avec l’aide de la Bulgarie (laquelle déclare la guerre à la Serbie le 14 octobre), les forces austro-allemandes du général August von Mackensen envahissent la Serbie (6 octobre). Les Serbes subissent une déroute et, le 23 novembre, effectuent une difficile retraite à travers le Monténégro et l’Albanie. Ils trouvent refuge dans l’île grecque de Corfou, occupée par les Alliés en janvier 1916. Les troupes franco-britanniques de Serbie se retirent à Salonique, où elles raffermissent leurs positions.

5.6   Guerre sous-marine

Dès septembre 1914, les Alliés ont proclamé le blocus naval à l’encontre de l’Allemagne, mais celle-ci parvient encore à se ravitailler par les ports neutres de Rotterdam, Bergen et Copenhague.

À partir de février 1915, le Reich allemand entreprend une guerre sous-marine à l’encontre des Alliés. Ceux-ci répliquent par un blocus total de l’Allemagne, blocus qui mécontente les pays neutres. Le 7 mai, le torpillage du transatlantique britannique Lusitania fait 1 198 morts, dont 128 Américains. La protestation officielle des États-Unis contraint l’Allemagne à ajourner cette tactique de guerre.

6   1916 : L'IMPASSE

Ayant repoussé les Russes hors de la Prusse-Orientale, de Galicie et de Pologne, les Allemands peuvent transférer quelque 500 000 soldats du front Est vers le front Ouest, afin d’y réaliser une percée décisive. Mais là, comme ailleurs, avec des fortunes diverses, rien de décisif ne se produit au cours de l’année 1916, et les systèmes défensifs mis en place se maintiennent d’une façon générale.

6.1   Front de l’Ouest

Le plan allemand, mis au point par le chef d’état-major Von Falkenhayn, prévoit de jeter d’énormes forces sur le camp retranché de Verdun, point saillant de la défense française, dans le but d’épuiser l’ennemi. De leur côté, le maréchal Joffre et son homologue britannique Douglas Haig prévoient de lancer en été une série d’offensives dans la Somme.

6.1.1   L’enfer de Verdun

Le 21 février 1916, les Allemands noient Verdun sous un déluge d’artillerie. Ils gardent l’initiative pendant quatre mois, parvenant à prendre, au prix de luttes acharnées, les forts de Douaumont (25 février) et de Vaux (2 juin) et les fortifications de Thiaumont (23 juin). Mais la défense française s’organise sous le commandement du général Philippe Pétain, puis du général Georges Nivelle. Elle repousse une attaque générale du 9 au 10 avril, et le 24 juin à Souville. En août, Paul von Hindenburg et Erich Ludendorff remplacent Von Falkenhayn au poste de chef d’état-major. Mais le sort de la bataille est joué. D’octobre à décembre, le général Charles Mangin désenclave la ville en reprenant les forts de Douaumont (24 octobre) et de Vaux (2 novembre). La durée de la bataille et l’étendue des pertes (360 000 Français et 330 000 Allemands) vont durablement marquer les esprits, et Verdun devient bientôt un symbole de la résistance française (voir bataille de Verdun).

6.1.2   La bataille de la Somme

La bataille de la Somme, qui débute le 1er juillet sous la direction du général Ferdinand Foch et se prolonge jusqu’à la mi-novembre, est menée essentiellement par les forces britanniques — les Français, épuisés par les combats de Verdun, ne peuvent engager que 16 des 40 divisions prévues. L’offensive permet de gagner 325 km2 de territoire, mais la tentative de percée échoue. Bataille de matériel alors que Verdun a pratiquement été un combat au corps à corps, la bataille de la Somme voit l’utilisation, pour la première fois, des tanks que les Britanniques déploient le 15 septembre près de Courcelette. En décembre, le général Nivelle succède à Joffre à la tête des armées françaises du Nord et du Nord-Est.

6.2   Front de l’Est
6.2.1   L’offensive de Broussilov

Sur le front oriental, en 1916, les Russes conduisent une offensive dans la région du lac Narocz, à environ 95 km au nord-est de Vilna (aujourd’hui Vilnius). Cette attaque, qui vise à soulager les Alliés à Verdun, est un échec total ; non seulement elle ne permet pas de détourner les Allemands du front de Verdun, mais en outre les Russes y perdent plus de 100 000 hommes.

Répondant à l’appel des Italiens qui demandent une action les dégageant de la pression autrichienne dans le Trentin-Haut-Adige (voir plus loin), les Russes lancent une autre offensive, plus heureuse, en Bucovine et en Galicie. De juin à août 1916, le général Aleksis Akseïevitch Broussilov attaque les Autrichiens sur un front s’étendant de Pinsk à Tchernivtsi, au sud. Quand les renforts allemands arrivent du front occidental, les Russes ont progressé de 65 km et fait environ 500 000 prisonniers. Toutefois, ils ne peuvent s’emparer d’aucun de leurs deux objectifs : les villes de Kovel et de Lemberg. En outre, les très lourdes pertes subies (près d’un million de soldats) contribuent largement au découragement de l’armée.

6.2.2   L’entrée en guerre de la Roumanie

La manœuvre des Russes incite la Roumanie à entrer en guerre aux côtés des Alliés (27 août 1916). Ses troupes pénètrent dans la province austro-hongroise de Transylvanie (août-septembre), mais sont rapidement repoussées. En même temps que les troupes bulgares et turques, les armées austro-allemandes du général Von Falkenhayn envahissent la Roumanie (novembre-décembre). À la mi-janvier 1917, le pays est entièrement conquis, donnant aux puissances d’Europe centrale des réserves de blé et de pétrole appréciables.

6.3   Front italien

Sur le front italien, l’année 1916 voit une nouvelle bataille indécise sur l’Isonzo, la cinquième dans la région. Les Autrichiens lancent également une offensive dans le Trentin, en mai, destinée à percer les lignes ennemies pour prendre à revers ses positions sur l’Isonzo. Ils s’emparent d’une grande partie du Trentin, mais ne parviennent pas à enfoncer les lignes italiennes. Lors de la contre-attaque de juin-juillet, ceux-ci reprennent la plus grande partie des terres perdues. D’août à novembre, l’Isonzo connaît quatre nouvelles batailles indécises. La prise de Gorizia par les Italiens, le 9 août, est la victoire la plus significative.

6.4   Front des Balkans

En août 1916, l’armée serbe reconstituée à Corfou lance, aux côtés des Russes et des Italiens, une attaque contre les Bulgares et les Allemands sur le front de Salonique. Après quelques victoires, ils subissent une violente contre-attaque. Au début du mois d’octobre, une force franco-serbo-britannique entreprend la campagne de Macédoine pour soutenir la Roumanie menacée. Le 19 novembre, les troupes alliées s’emparent de Bitola et, en décembre, atteignent le lac d’Ohrid, à la frontière de l’Albanie et de la Macédoine.

En Grèce, les puissances alliées accusent le roi Constantin Ier de favoriser les puissances d’Europe centrale, en dépit de sa neutralité officielle. Le 29 septembre, Éleuthérios Venizélos, hostile au monarque, forme à Salonique un gouvernement provisoire et, le 3 novembre, déclare la guerre à l’Allemagne et à la Bulgarie. Le roi Constantin Ier contrôlant toujours la capitale Athènes ainsi qu’une grande partie du pays, les Alliés imposent un blocus maritime pour le forcer à respecter sa neutralité. Le 19 décembre, le Royaume-Uni reconnaît officiellement le gouvernement provisoire grec.

6.5   Fronts turcs ottomans

En 1916, l’Empire ottoman doit combattre sur de nombreux fronts. De janvier à février, les Russes pénètrent en Arménie (à l’est de la Turquie), et s’emparent d’Erzurum (16 février), puis de Trébizonde (aujourd’hui Trabzon, 18 avril).

Dans le Proche-Orient ottoman (en Mésopotamie), les Britanniques évacuent Bagdad et capitulent devant les Turcs à Al Kut, le 29 avril 1916. Les troupes ottomanes portent à nouveau l’offensive sur Suez. En décembre suivant, les Britanniques contre-attaquent et s’emparent de la ville deux mois plus tard.

Dans la péninsule arabique, Hussein ibn Ali (chérif hachémite de La Mecque) lance, en juin 1916, la révolte du Hedjaz contre l’occupant turc. En décembre, conseillés par l’officier Lawrence d’Arabie, les Britanniques reconnaissent l’Hachémite roi du Hedjaz, et lancent une attaque en Palestine depuis l’Égypte, pour soutenir la révolte arabe. Dans les premiers jours de janvier 1917, ils ont pris plusieurs forts.

6.6   Guerre maritime

Le blocus maritime est de plus en plus durement ressenti par l’Allemagne, laquelle a du mal à s’approvisionner, tandis que les Alliés poursuivent leur commerce avec les pays neutres, en particulier avec les États-Unis. En 1916, l’Allemagne tente de rompre le blocus dans la mer du Nord. La bataille du Jutland (31 mai-1er juin 1916) entre les navires allemands et la Grande Flotte britannique est l’affrontement naval le plus important de la guerre. Malgré l’importance des pertes du Royaume-Uni, la Grande Flotte remporte une victoire tactique, la flotte allemande ne se risquant plus à lui livrer bataille ; aussi les Britanniques conservent-ils leur suprématie maritime. Les croiseurs allemands parviennent cependant à briser le blocus et coulent un tonnage considérable de bateaux alliés dans l’Atlantique Nord.

6.7   Mobilisation des pays à l’arrière
6.7.1   Politique et économie de guerre

Confrontés à une guerre totale sans précédent qui exige d’énormes efforts de la part des populations, les gouvernements d’Europe — qu’ils soient autoritaires ou démocratiques — doivent affermir leur autorité.

Dans la Russie tsariste, où le mécontentement se développe à partir de 1916, Nicolas II prend la direction de la guerre, sans tenir compte de la lassitude du pays. En Allemagne, l’état-major dirigé par Hindenburg et Ludendorff s’impose progressivement au pouvoir civil du gouvernement de Von Bethmann-Hollweg. La tendance est identique dans les démocraties, même si le pouvoir législatif conserve un droit de regard sur la conduite de la guerre ; ainsi, en France, tous les partis politiques participent à l’Union sacrée, et le Parlement est tenu de respecter le secret militaire — même si, après le remplacement de Joffre à la fin de 1916, il retrouve un certain poids.

Conscients que le conflit va durer, les gouvernements organisent une économie de guerre, dès la fin de l’année 1914. Partout, l’organisation de la production et du ravitaillement deviennent des priorités nationales. Les États accroissent leurs interventions. Dans tous les secteurs industriels, on fait appel à la main-d’œuvre féminine pour remplacer les hommes, partis au front. En France, le lancement d’emprunts et de bons de Défense nationale permet de financer l’armement, tout en ayant des conséquences inflationnistes.

6.7.2   La propagande et la mobilisation des esprits

Outre la mobilisation de l’économie, celle des esprits apparaît comme un facteur majeur de la victoire. Les gouvernements exploitent la fibre patriotique à grands renforts de propagande (slogans, affichage, comptes rendus optimistes de l’état-major). La presse est soumise à la censure et les journalistes invités à lutter contre le défaitisme.

Des courants pacifistes teintés d’esprit révolutionnaire, sur lequel Lénine exerce une influence déterminante, apparaissent cependant et organisent une première rencontre à Zimmerwald en 1915, puis à Kienthal en 1916. Leurs résolutions en faveur d’une paix immédiate n’ont guère de répercussions sur le plan international, mais trouvent un écho au sein des populations civiles confrontées à des conditions de vie de plus en plus difficiles. Pour la première fois depuis le début de la guerre, de nombreuses grèves éclatent.

6.7.3   Les tentatives de négociation

En 1916, Thomas Woodrow Wilson, président des États-Unis (le plus puissant des pays neutres), tente d’amener les belligérants à négocier pour obtenir, selon ses propres termes, une « paix sans victoire «. Grâce à la médiation de son conseiller Edward M. House — qui rencontre les principaux chefs d’État européens —, ses efforts semblent sur le point d’aboutir.

En décembre, le gouvernement allemand informe les États-Unis qu’il est prêt à entamer des pourparlers de paix. Le Royaume-Uni rejette la proposition car la situation militaire défavorable de l’Entente à cette époque (la Roumanie vient d’être envahie) lui fait craindre des exigences inacceptables de la part des Empires centraux. Le président Wilson poursuit cependant ses efforts de médiation jusqu’en janvier 1917, appelant les belligérants à préciser leurs « buts de guerre «, c’est-à-dire leurs revendications. Il parvient finalement à arracher des offres de paix concrètes à chaque alliance, mais ne peut les mettre d’accord.

7   1917 : CRISE MORALE ET ENTRÉE EN GUERRE DES ÉTATS-UNIS

L’année 1917 est marquée par une profonde crise morale dans la plupart des pays d’Europe, épuisés par trois années de guerre. Côté allié, la défection russe est compensée par l’engagement américain.

7.1   Front de l’Ouest

Au début de l’année 1917, l’attitude défensive des Allemands — qui, en février, réduisent leurs lignes de front pour économiser leurs troupes, et qui se sont repliés sur la ligne Hindenburg — convainc le général Nivelle d’engager une offensive massive pour rompre les lignes allemandes sur le front occidental.

7.1.1   La troisième bataille d'Artois

Opérée afin de faciliter l’offensive de Nivelle, la troisième bataille d’Artois se déroule près d’Arras, entre le 9 avril et le 21 mai 1917. Les 9 et 10 avril, les troupes canadiennes s’emparent héroïquement de la crête de Vimy, solidement fortifiée et farouchement défendue, alors que les forces britanniques avancent de 6 km, ce qui constitue un éphémère succès.

7.1.2   L’offensive du Chemin des Dames

En revanche, l’offensive du Chemin des Dames organisée par Nivelle, le 16 avril 1917, est un désastre total : les pertes s’élèvent à 147 000 hommes, dont 40 000 tués et plus de 100 000 blessés, en moins de deux semaines. Elle provoque une crise morale profonde dans tout le pays et dans l’armée, qui est agitée par des mutineries. Le général Nivelle, responsable de cette attaque imprudente, est remplacé le 15 mai par le général Pétain. La politique du nouveau commandant est de rester sur la défensive en attendant l’arrivée des troupes américaines. Il se contente de lancer quelques offensives limitées et soigneusement préparées, couronnées de succès à Verdun (août) et à La Malmaison (octobre).

7.1.3   Les « mutineries de 1917 «

Dès le 17 avril 1917, la défaite sanglante du Chemin des Dames provoque des rébellions au sein de l’armée. Jusqu’au 10 juin, on recense 230 mutineries (refus de monter au front, refus d’obéir), dont près de 40 000 mutins dans les premiers jours. La répression est sévère (pratique de la décimation), mais relativement limitée (42 exécutions officielles). Le général Nivelle limogé, Philippe Pétain s’efforce de calmer les esprits et d’améliorer la condition des soldats (permissions, ravitaillement, etc.).

7.1.4   La troisième bataille d’Ypres

Impatients de remporter une victoire qui leur soit propre, les Britanniques, commandés par Douglas Haig, tentent une percée dans les Flandres sur le flanc droit des positions allemandes. Une première bataille à Messines prépare les attaques principales (31 juillet-6 novembre 1917) à Ypres, appelées troisième bataille d’Ypres ou campagne de Passchendäle. Les combats acharnés font environ 250 000 victimes de part et d’autre, mais ne permettent pas de percer le front.

Enfin, au cours de la bataille de Cambrai (20 novembre-3 décembre), les Britanniques lancent un raid de près de 400 chars d’assaut, sans précédent dans l’histoire militaire. S’ils avancent de 8 km à l’intérieur des lignes allemandes, ils doivent, faute de renforts lors de la contre-attaque ennemie, abandonner presque tout le terrain gagné.

7.2   Front de l’Est
7.2.1   La guerre civile de 1917

Sur le front oriental, la révolte du peuple russe contre le gouvernement impérial bouleverse les données au cours de l’année 1917. En mars, un gouvernement provisoire est mis en place, et le tsar Nicolas II est contraint d’abdiquer. Le nouveau pouvoir poursuit la guerre et, en juillet, le général Broussilov lance une attaque en Galicie et en Bucovine. Mais les territoires conquis sont rapidement repris par les forces austro-allemandes. Le 3 septembre, les Allemands s’emparent de Riga, défendue par le général Kornilov ; en octobre, ils envahissent la plus grande partie de la Lettonie, ainsi qu’un grand nombre d’îles russes en mer Baltique.

7.2.2   Le retrait russe de la guerre

Le 7 novembre (selon le calendrier grégorien ; voir Révolution russe), le parti bolchevique, dont l’une des principales revendications est l’arrêt de la guerre, prend le pouvoir. À peine en poste, il signe l’armistice avec l’Allemagne (15 décembre) — avant de conclure la paix par le traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918). Libérés de toute menace sur leur front Est, les Empires centraux rapatrient 700 000 soldats à l’ouest.

7.3   Front italien

Pendant les huit premiers mois de l’année 1917, malgré les défaillances de l’artillerie et du soutien logistique, les forces italiennes commandées par le général Luigi Cadorna s’efforcent de percer les lignes autrichiennes sur l’Isonzo. En mai, elles progressent vers Trieste et le plateau de Bainsizza, mais ne peuvent atteindre leur objectif.

En octobre, les forces austro-allemandes lancent une violente contre-offensive, avec neuf divisions autrichiennes et six divisions allemandes nouvellement arrivées. Elles parviennent à percer les lignes italiennes en déroute, qui abandonnent l’Isonzo et se replient le long de la Piave. Au cours de la désastreuse bataille de Caporetto, 300 000 soldats italiens sont capturés et environ autant désertent. En novembre, des troupes françaises et britanniques viennent prêter main forte aux Italiens, et le général Armando Diaz remplace le général Cadorna à la tête de l’armée.

7.4   Fronts turcs ottomans

En mars-avril 1917, les Britanniques tentent par deux fois de s’emparer de la Palestine, mais sont stoppés à Gaza. Sous les ordres d’un nouveau chef, le général Edmund Allenby, ils prennent leur revanche en perçant les lignes ottomanes à Beersheba (31 octobre), et s’emparent de Jérusalem (9 décembre).

En juin 1917, les troupes arabes commandées par Lawrence d’Arabie prennent le port d’Aqaba, aux mains des Turcs ottomans, et mènent des attaques incessantes tout au long de l’année contre la ligne ferroviaire Damas-Médine, dans le Hedjaz. L’année 1917 est également marquée par les victoires britanniques en Mésopotamie. En mars, ils prennent Bagdad et, en septembre, avancent jusqu’à Ramadi (sur l’Euphrate) et Tikrit (sur le Tigre).

7.5   Épuisement de la mobilisation à l’arrière
7.5.1   Les crises morales

Au printemps 1917, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne sont secoués par de profondes crises sociales. L’épuisement des esprits après trois années de guerre, les restrictions de l’hiver et la hausse des prix des denrées provoquent de nombreuses grèves, qui n’épargnent pas l’industrie de l’armement. En Allemagne, l’état-major doit militariser les usines pour mettre fin à l’agitation entretenue par les révolutionnaires spartakistes. Une mutinerie de la flotte allemande, à Kiel, et des scènes de fraternisation entre soldats allemands et russes, engendrent une vive inquiétude au sein de l’état-major.

En France, la vague de mutineries suivant l’échec du Chemin des Dames s’ajoute au sentiment, à l’arrière, de l’inutilité des efforts consentis (entretenu par l’importance du nombre des victimes et la stagnation des opérations militaires). Au mois de novembre, le président Poincaré nomme Georges Clemenceau à la tête du gouvernement, lequel entreprend de lutter contre le « défaitisme « et de restaurer la confiance.

En Russie, le mécontentement général, beaucoup plus profond, provoque la révolution et le désengagement du pays.

7.5.2   Les tentatives de paix

En 1917, la tentation de la paix gagne plusieurs pays. En Autriche-Hongrie, où la situation intérieure est critique, le nouvel empereur Charles Ier est approché par les Alliés, par l’intermédiaire de son beau-frère Sixte de Bourbon-Parme. Les pourparlers secrets échouent et leur révélation provoque la colère des Allemands. Pour relancer la dynamique de l’alliance, l’empereur Guillaume II apporte son soutien à Vienne lors de l’offensive en Italie, en octobre.

En juin, le pape Benoît XV charge le cardinal Pacelli, nonce à Munich, de tenter une médiation. Son plan de paix, plutôt favorable à l’Allemagne, est rendu public le 14 août, mais les deux camps le rejettent.

7.6   Nouveaux rapports de forces
7.6.1   Mise en place de la guerre sous-marine à outrance par l’Allemagne

D’août 1914 à janvier 1917, les destructions de navires se sont élevées à 3,8 millions de tonnes. Sur les conseils de son état-major, convaincu qu’une rupture des approvisionnements de l’Entente permettra d’obtenir la victoire, l’empereur d’Allemagne Guillaume II décrète la guerre sous-marine à outrance à partir du 1er février 1917.

Les destructions de navires atteignent alors, pour la seule année 1917, 5,7 millions de tonnes (avec un pic à 680 000 tonnes en avril). Afin de contrer cette nouvelle offensive allemande, le Royaume-Uni adopte un système de convoyage des navires marchands par un écran de vaisseaux de guerre (destroyers et chasseurs de sous-marins), utilise des hydravions pour détecter les submersibles et a recours à des grenades sous-marines. Au cours de l’été 1917, l’efficacité des attaques diminue et la flotte sous-marine allemande subit de sérieuses pertes.

7.6.2   L’entrée en guerre des États-Unis

Les États-Unis ont déjà fait part de leur vive opposition à tout type de guerre maritime, qui viole les droits des pays neutres. Le 3 février 1917 (soit deux jours après la mise en place de la guerre sous-marine à outrance par l’Allemagne), ils rompent leurs relations diplomatiques avec l’Allemagne. À la demande du président Wilson, le Pérou, la Bolivie et le Brésil en font autant. Le 6 avril, les États-Unis déclarent la guerre à l’Allemagne.

Les experts allemands avaient prévu un tel risque, mais ont estimé que la guerre sous-marine à outrance entraînerait une défaite du Royaume-Uni dans les six mois, avant que l’engagement américain ne devienne opérationnel.

Cependant, les États-Unis envoient leur premier contingent en France en juin, deux mois après leur entrée dans le conflit. Le corps expéditionnaire américain, commandé par le général John J. Pershing, va compter jusqu’à 2 millions d’hommes en novembre 1918, mais son rôle sur le champ de bataille ne devient important qu’à partir du printemps 1918.

7.6.3   L’entrée en guerre de la Grèce

Sur le front des Balkans, après avoir engagé plusieurs offensives indécises à Monastir, sur le lac Prespa et sur le fleuve Vardar, les Alliés entreprennent d’évincer le roi grec Constantin Ier en raison de son soutien aux Empires centraux. En juin 1917, les Alliés envahissent la Grèce et lancent un ultimatum au roi, qui est contraint d’abdiquer en faveur de son fils Alexandre. Le 27 juin, le Premier ministre Éleuthérios Venizélos déclare la guerre aux Empires centraux.

8   1918 : LA VICTOIRE DES ALLIÉS

Le 8 janvier 1918, le président Wilson formule des propositions très éloignées des revendications des Empires centraux. Devant le Congrès américain, il énonce les « quatorze points « qu’il estime nécessaires à l’établissement d’une paix juste et durable. Cette paix intervient quelques mois plus tard.

8.1   Clôture du front de l’Est

L’année 1918 débute sous de sombres auspices pour les Alliés. Le 3 mars, la Russie — qui a déjà conclu un armistice avec l’Allemagne en décembre de l’année précédente — signe une paix séparée à Brest-Litovsk, qui lui fait perdre d’immenses territoires. Elle est imitée le 7 mai par la Roumanie, qui se retrouve totalement isolée face aux Empires centraux dans les Balkans, et qui doit céder la région de Dobroudja à la Bulgarie et les voies de passage des Carpates à l’Autriche-Hongrie. L’Allemagne obtient un bail à long terme sur les puits de pétrole roumains et a les mains libres pour tirer profit des richesses de l’Ukraine.

8.2   Front de l’Ouest
8.2.1   L’« offensive de France «

Au début de 1918, prenant acte de l’échec de la guerre sous-marine à outrance, les Allemands optent pour une vaste offensive terrestre sur le front occidental avant l’arrivée massive des Américains. Hindenburg et Ludendorff pensent pouvoir tirer bénéfice des 700 000 soldats rapatriés du front oriental pour emporter la décision contre des Alliés épuisés, qui se limitent à une position défensive. L’armée allemande entreprend ainsi cinq attaques entre mars et juillet 1918 : l’offensive de la Somme (24 mars-4 avril), l’offensive des Flandres (dite aussi de la Lys, 9-29 avril), l’offensive de l’Aisne (27 mai-4 juin), l’offensive de l’Oise (8-12 juin) et l’offensive de la Champagne-Marne (15-17 juillet).

Débutant le 24 mars sur la Somme, cette « offensive de France « repousse les Britanniques et crée une brèche de 20 km entre les lignes alliées en Picardie. Les Allemands s’engouffrent dans une poche de 60 km de profondeur autour de Noyon et Montdidier, menaçant Amiens. L’assaut est finalement stoppé, le 5 avril, grâce à l’arrivée d’un renfort de réservistes français, commandés par Philippe Pétain. Conséquence directe de l’avancée allemande, un commandement unique des forces alliées (Américains, Britanniques, Belges et Français) est créé et confié au général français Ferdinand Foch.

Le 9 avril, les Allemands lancent une seconde attaque, sur la Lys, et prennent Armentières et la crête de Messine aux Britanniques. Le mois suivant, ils enfoncent le front de l’Aisne (27 mai-4 juin), prennent Château-Thierry et capturent quelque 60 000 soldats français. Entre le 8 et le 12 juin, ils augmentent les prises de la Somme et de l’Aisne par l’offensive de l’Oise.

Le 15 juillet, enfin, les Allemands lancent en Champagne l’« assaut de la paix « (la seconde bataille de la Marne) qui leur permet de franchir la rivière, bien que leur progression soit arrêtée par les troupes franco-américaines.

8.2.2   La contre-offensive alliée

Dans cette seconde bataille de la Marne, les Allemands ont mésestimé les forces alliées ; du 15 au 17 juillet, ils se heurtent à une violente contre-offensive franco-américaine dirigée par le généralissime Foch dans la forêt de Villers-Cotterêts. Sentant que l’attaque allemande s’épuise et disposant du renfort des 16 divisions américaines du général Pershing, Foch ordonne une première contre-attaque, le 18 juillet 1918, qui repousse l’ennemi (voir bataille de Château-Thierry). Les Allemands ne sont pas parvenus à emporter la décision et perdent définitivement l’initiative au profit des Alliés.

Le 8 août commence la contre-offensive massive, qui va entraîner la capitulation allemande trois mois plus tard. Du 8 au 11, les Britanniques lancent une deuxième offensive autour d’Amiens et libèrent la poche de Montdidier. Poussé par une troisième contre-attaque (20 août-1er septembre), Ludendorff est contraint de se replier sur la ligne Hindenburg (de la région lilloise à l’Argonne) le 1er septembre, mais ses positions sont enfoncées.

Au sud-est, les troupes américaines parviennent à reprendre Saint-Mihiel au prix de combats acharnés, et font plus de 14 000 prisonniers (12-14 septembre). En octobre et au début du mois de novembre, les Britanniques progressent vers Cambrai, et les Américains avancent par la forêt d’Argonne. Un dernier assaut enfonce les lignes allemandes entre Metz et Sedan.

8.3   Défaite finale des Empires centraux

La situation dans les Balkans, très favorable aux Empires centraux après la capitulation roumaine, connaît un retournement au cours de l’année 1918.

8.3.1   La capitulation de la Bulgarie

Le 15 septembre, une force d’environ 700 000 soldats français, britanniques, serbes et italiens (que dirige Franchet d’Esperey, commandant en chef des armées alliées d’Orient) lance, depuis la Macédoine grecque, une grande offensive contre les troupes allemandes, autrichiennes et bulgares. L’attaque est un tel succès qu’à la fin du mois, les Bulgares défaits doivent conclure un armistice avec les Alliés (29 septembre), qui entrent dans Sofia (16 octobre). La partie serbe de l’armée alliée poursuit son avancée et occupe Belgrade (1er novembre), tandis que l’armée italienne envahit l’Albanie. Le 10 novembre, la Roumanie reprend les hostilités contre les Empires centraux. L’Empire ottoman et l’Autriche-Hongrie sont désormais directement menacés.

8.3.2   La capitulation de l’Autriche-Hongrie

Sur le front austro-italien, les Autrichiens franchissent la Piave en juin, mais ils sont refoulés et perdent 100 000 hommes. La victoire revient définitivement aux Alliés en octobre, lors d’une offensive qui culmine à la bataille de Vittorio Veneto (24 octobre-4 novembre). Plusieurs centaines de milliers de soldats autrichiens sont faits prisonniers et le reste de l’armée des Habsbourg se disperse. Le 3 novembre, les Italiens prennent enfin Trieste, et le 5 novembre, ils occupent Fiume.

Le choc de la débâcle entraîne des mouvements révolutionnaires en Autriche-Hongrie. Les Tchèques et les Slovaques proclament une république unie le 7 octobre, et les Hongrois se comportent de fait comme un État indépendant. Le 29 octobre, simultanément à l’armistice de Salonique, Slovènes, Croates et Serbes proclament leur indépendance et se regroupent au sein d’un royaume des Slaves du Sud (fondation de la Yougoslavie). L’Empire austro-hongrois a vécu et Charles Ier, dernier empereur de la dynastie des Habsbourg, abdique le 11 novembre. La République autrichienne est proclamée le lendemain.

8.3.3   La capitulation de l’Empire ottoman

Au Proche-Orient, les campagnes des Alliés sont également couronnées de succès. Au mois de septembre 1918, les forces britanniques enfoncent les lignes ennemies à Megiddo, et refoulent l’armée ottomane et les troupes allemandes qui lui portent assistance. Après le ralliement des forces arabes sous le commandement de Lawrence d’Arabie, les Britanniques envahissent le Liban et la Syrie, prennent Damas (1er octobre), puis Alep (25 octobre) et d’autres points stratégiques, tandis que les forces navales françaises occupent Beyrouth. Un armistice est conclu le 30 octobre à Moudros. Les Turcs ottomans sont contraints à la démobilisation générale, à la rupture de toute relation diplomatique avec les Empires centraux, et à l’ouverture du détroit des Dardanelles aux vaisseaux de guerre alliés.

8.3.4   La capitulation de l’Allemagne

Dès la fin septembre 1918, acculés par les offensives alliées sur tous les fronts (notamment sur le front Ouest), les généraux allemands suggèrent de demander l’armistice sur la base des « quatorze points « du président Wilson. Les pourparlers avec Wilson s’ouvrent au début du mois suivant, mais l’Américain exige le renversement de l’empereur Guillaume II. Les Britanniques poursuivent leur avancée dans le nord de la France et le long de la côte Belge. Au début du mois de novembre, la ligne Hindenburg est complètement enfoncée, et les Allemands doivent battre en retraite précipitamment.

La défaite de l’armée allemande plonge le pays dans le chaos. Les ministres socialistes entrent en conflit avec l’empereur qui refuse de démissionner, tandis que les rues sont envahies par des manifestations en faveur de la paix. La flotte allemande se mutine à Kiel, des soviets sont créés et la vague révolutionnaire déferle sur l’Allemagne. Le 9 novembre, Guillaume II abdique et la République de Weimar est proclamée.

8.4   Fin de la guerre
8.4.1   L’armistice de Rethondes

La veille de l’abdication de Guillaume II, une délégation allemande a rejoint les plénipotentiaires français et britanniques dans un train stationné près de la gare de Rethondes, en forêt de Compiègne. L’armistice avec les Alliés est signé le 11 novembre à 5 heures du matin (voir armistice de Rethondes ; wagon de Rethondes). Les hostilités cessent le matin même à 11 heures sur le front de l’Ouest. Les principales clauses de l’accord prévoient la livraison de matériel militaire et l’évacuation de l’Alsace-Lorraine, de la rive gauche du Rhin et de trois têtes de ponts (Mayence, Coblence, Cologne).

8.4.2   La reddition de l’Afrique-Orientale allemande

Dans les colonies africaines, n’ayant pu repousser l’offensive des forces alliées (britanniques, sud-africaines et portugaises) placées sous le commandement du général Jan Christiaan Smuts, les troupes du général Lettow-Vorbeck se sont retirées en 1916 dans le sud-est de la colonie portugaise du Mozambique. Si, en novembre 1918, elles pénètrent en Rhodésie (aujourd’hui Zimbabwe), Lettow-Vorbeck se rend trois jours après la signature de l’armistice en Europe.

8.4.3   Le sabordage de la flotte allemande

Suivant les termes de l’armistice, les Allemands remettent aux Alliés la plus grande partie de leur flotte, soit 10 navires de combat, 17 croiseurs, 50 torpilleurs et plus de 100 sous-marins. Toute la flotte à l’exception des sous-marins est rassemblée à Scapa Flow en novembre 1918, les officiers et les équipages allemands restant à bord. Selon les termes du traité de Versailles — dont le texte est adressé au gouvernement allemand le 17 juin 1919 —, tous les navires capturés doivent devenir la propriété permanente des Alliés, ceux encore en possession de l’Allemagne devant également leur être remis. En réaction à ces mesures, le 21 juin 1919, les Allemands sabordent leur flotte retenue à Scapa Flow.

8.4.4   Les traités de paix

Dans l’ensemble, les traités de paix de Versailles (pour l’Allemagne, 28 juin 1919), de Saint-Germain (pour l’Autriche, 10 septembre 1919), de Neuilly (pour la Bulgarie, 27 novembre 1919), du Trianon (pour la Hongrie, 4 juin 1920) et de Sèvres (pour l’Empire ottoman, 10 août 1920) sont en fait de véritables diktats imposés par les puissances victorieuses. Ils provoquent de profonds ressentiments et des troubles sociaux parmi les vaincus — voire chez certains vainqueurs dont les revendications ne sont pas entièrement satisfaites, comme l’Italie. La volonté de révision des traités de la part de ces pays va provoquer, à terme, la résurgence d’un militarisme et d’un nationalisme agressif.

9   BILANS DE LA GUERRE
9.1   Bilan technique

La Première Guerre mondiale est avant tout une guerre de tranchées, particulièrement sur le front occidental, celui qui emporte la décision en 1918, mais aussi sur les fronts russo-turc et austro-italien. Guerre de position, elle voit s’affronter les adversaires jusqu’à l’épuisement des infanteries (mutineries de 1917). Les innovations techniques (artillerie mobile, sous-marins, chars et aviation) font pourtant de ce conflit la première « grande guerre moderne «. Son achèvement rapide lors des campagnes de France, en 1918, s’explique en partie par l’emploi généralisé de ces techniques, qui redonnent au front sa mobilité. La Première Guerre mondiale est une guerre industrielle, et la victoire revient finalement à l’alliance disposant du plus puissant appareil industriel. Le maintien intact de l’appareil de production allemand au lendemain de l’armistice laisse aux vainqueurs le sentiment d’une guerre inachevée.

La Première Guerre mondiale voit l’essor prodigieux de la production d’avions, de ballons stationnaires et de dirigeables à des fins militaires ; pour exemple, la France dispose de 162 avions en 1914 et de 11 836 en 1918 (les autres pays connaissant une évolution comparable). Ces appareils répondent à un double usage : l’observation et le bombardement. Les belligérants font un usage extensif du ballon captif pour observer les fronts stationnaires, les dirigeables servent à la reconnaissance en mer, tandis que les avions sont utilisés pour les reconnaissances côtières. En liaison avec les opérations militaires terrestres, l’aviation sert à observer les dispositifs de défense des adversaires ou à bombarder les lignes ou les troupes ennemies en action. Les avions et les dirigeables effectuent également de nombreux raids sur les villes et les usines situées loin derrière les lignes ennemies.

Le premier raid aérien sur Paris a eu lieu le 30 août 1914. Au Royaume-Uni, il a eu lieu à Douvres le 21 décembre 1914 et à Londres le 28 novembre 1916. En 1915 et en 1916, les dirigeables allemands (les zeppelins) ont effectué 60 raids dans l’est de la Grande-Bretagne et sur Londres.

Dès le milieu de l’année 1915, les combats entre escadrilles aériennes deviennent fréquents. Les Allemands conservent la maîtrise des airs d’octobre 1915 à juillet 1916, puis la suprématie passe dans l’autre camp. Avec l’entrée en guerre des États-Unis, la supériorité alliée devient écrasante. Au moment de l’armistice, les 45 escadrilles américaines présentes sur le front comprennent près de 800 avions et 1 200 officiers. L’histoire a retenu le nom des pilotes les plus célèbres, des « as de guerre « dont les exploits ont fait la une des journaux, tels le Français Georges Guynemer, le Britannique Mick Mannock, l’Américain Eddie Rickenbacker, le Canadien William Avery Bishop et le baron allemand Manfred von Richthoffen.

9.2   Bilan humain

Alors que tous les belligérants avaient imaginé une guerre courte, la Première Guerre mondiale a commencé le 28 juillet 1914 et pris fin le 11 novembre 1918, après plus de quatre années de combats. Son coût financier total est estimé à 2 500 milliards de francs-or. Le nombre des morts s’élève à plus de 8,5 millions de militaires (voir le tableau Première Guerre mondiale : armées) et plus de 13 millions de civils. Avec près de 1,8 million de morts, l’Allemagne paie le plus lourd tribut, suivie par la Russie (1,7 million), la France (plus de 1,3 million) et l’Autriche-Hongrie (1,2 million). Les pertes sont particulièrement sévères en France, laquelle a supporté sur son sol les plus violents combats (7 p. 100 du territoire ravagé). Dans tout le nord-est du pays, les infrastructures urbaines, industrielles et agricoles sont totalement détruites. La mort d’un quart des Français âgés de dix-huit à vingt-sept ans engendre des conséquences démographiques à long terme.

9.3   Bilan géostratégique

La Première Guerre mondiale marque enfin la fin du cycle pluriséculaire de la domination européenne sur le monde. Ruinées par le conflit, les vieilles nations européennes voient émerger les États-Unis comme première puissance économique mondiale. Malgré l’espoir d’une paix définitive que font naître les traités de paix, la Première Guerre mondiale porte en elle le germe d’un conflit encore plus dévastateur (voir Seconde Guerre mondiale). Les puissances européennes victorieuses cherchent à obtenir des Empires centraux des réparations d’un montant égal au coût total de la guerre, et se distribuent les territoires et les possessions des vaincus, en vertu d’accords secrets conclus avant l’entrée en guerre des États-Unis. Au cours des négociations de paix, le président Wilson tente d’abord d’obtenir l’acceptation de la totalité de son programme en quatorze points, avant de se résoudre à renoncer à certains, pour d’obtenir l’appui des Alliés à la création de la Société des Nations.

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