La bataille de Rocroi

   France et Espagne, 1643

Richelieu mourut le 4 décembre 1642, Louis XIII le 14 mai 1643. La maladie du roi et l'incertitude gouvernementale en ces circonstances firent espérer au gouverneur des Pays-Bas, don Francisco Melo de Braganza, qu'il pourrait marcher aisément sur Paris. Il passa la frontière avec environ 30 000 hommes et se dirigea vers la citadelle de Rocroi, porte de la Champagne : il comptait emprunter ensuite les vallées de l'Aisne et de la Marne. Du 13 au 15 mai, il investit la place. Une armée française marcha alors à sa rencontre, sous le commandement du duc d'Enghien, fils du prince de Condé (il en prendra le titre à la mort de son père, en 1646). Ce jeune prince du sang avait vingt-deux ans, et avait déjà montré son courage lors des sièges d'Arras (1640) et de Perpignan (été 1642).

Le duc d'Enghien ne disposait que de 25 000 hommes environ. Le soir du 18 mai 1643, les deux armées étaient face à face. La nuit se passa sous les armes. Le combat s'engagea peu après trois heures du matin. Enghien et Cassin, qui commandaient la cavalerie de l'aile droite, enfoncèrent en moins d'une heure la cavalerie flamande du duc d'Albuquerque. Mais l'aile gauche, avec L'Hôpital et La Ferté, fut bousculée par les Espagnols du comte d'Isembourg, qui, entre cinq et six heures du matin, se portèrent contre le centre des Français et enlevèrent leurs canons. Enghien entreprit alors une manoeuvre d'une étonnante audace : bousculant les deuxième et troisième lignes du centre espagnol, il rabattit sa cavalerie sur les cavaliers d'Isembourg, les dispersa, et rallia l'ensemble de ses forces contre la première ligne espagnole, formée d'une infanterie jusqu'alors invaincue, celle des tercios viejos. Trois assauts se brisèrent contre eux. Leur chef, le vieux comte de Fuentès, que l'on portait dans un fauteuil, car il était perclus de rhumatismes, fut tué. Un quatrième assaut, précédé d'une canonnade, fit capituler les tercios, dont presque tous les officiers et les hommes avaient été tués ou blessés.

L'Espagne perdit à Rocroi 24 canons, 170 drapeaux. Elle y sacrifia surtout six régiments qui étaient la gloire de son armée, et ne put jamais se relever de cette perte.