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La belle et bonne alliance franco-soviétique

Publié le 02/08/2006

Extrait du document

10 décembre 1944 -   Du voyage à Moscou en décembre 1944 (j'accompagnais le général en tant qu'interprète, interprète néophyte!), il me reste quelques images inoubliables.

   L'une est celle du général de Gaulle soudain mêlé à la foule russe, dans le métro qu'il visitait un peu contre son gré. Malgré l'insistance de l'ingénieur en chef, le général, qui avait d'abord refusé de monter dans un train, ne consent qu'à visiter une seule station. Après l'examen des marbres et des lampadaires, le retour. Sur le quai, une foule s'est amassée. La police commence à disperser les curieux sans grand ménagement. Mais le général s'avance : " Laissez-les, j'aime bien les voir. " Les gens se regroupent; à deux mètres d'eux, le général, grave et immobile, regarde, toujours un peu lointain. Soudain, il se penche vers moi : " Dites-leur : je suis content du hasard qui m'a fait vous rencontrer, et je souhaite à chacun bonne chance dans sa vie personnelle. " Je traduis, retrouvant par hasard le mot " hasard " dans mon vocabulaire, et les gens sont visiblement touchés. Les regards se font plus insistants, quelques gestes s'ébauchent, une ou deux bouches balbutient : " Merci, merci! " Comme une ride à la surface des eaux. Dans le métro, le général murmure à plusieurs reprises : " Le silence de la mer. " Et comme je reprends : " Oui, un océan qui pourrait tout recouvrir ", il ajoute : " Je parle de la foule, tous ces gens, quel silence!... " S'il était, chose rare pour un dirigeant venu d'Occident, sensible au mystère de ces gens en face de lui, à la fois respectueux, intéressés et comme dans l'attente de quelque chose, il montra par la suite qu'il ne manquait pas d'esprit de repartie, aussi bien dans les entretiens officiels que dans la conversation.

   On ne pouvait imaginer deux hommes plus différents que de Gaulle et Staline. Différents par la taille : Staline était, contrairement à ses portraits, petit, menu; différents par l'expression, par le geste et surtout par l'esprit... Mais l'un et l'autre, chacun à sa façon, capables d'humour, sinon de malice, qui, chez Staline, laissait paraître la cruauté.

   Au cours de la dernière soirée, dans la nuit du 9 au 10 décembre, Staline avait présenté un film. On y voyait les Allemands battus, entamant à Berlin la révolution. Staline à ce moment se penche vers moi : " Cela ne doit pas plaire à M. de Gaulle ! " Je traduis. Aussitôt la réponse : " En tout cas, ça ne s'est pas produit jusqu'ici. " Plus tard, lorsque Staline veut amener le général à dire qu'il est pour l'amitié entre l'URSS, la Pologne (celle de Lublin) et la France, le général réagit : " Je le dirai à Paris, et tout le monde l'entendra !... " Et Staline : " Il est contre, je vois bien qu'il est contre ! " De Gaulle, Staline. Deux univers ! Et puis, une négociation, un affrontement, une compétition ! Le 10 décembre 1944, le général de Gaulle, accompagné par " Georges Bidault, le général Juin, Gaston Palewski, Maurice Dejean, etc. " (1)quitte Moscou pour Paris, ramenant avec lui une " belle et bonne alliance ", celle-là même qui devait être dénoncée dix ans plus tard par l'URSS, en mai 1955.

   Pourquoi cette alliance ? Comment y est-on parvenu ? Quelles leçons tirer de son histoire ?

   Staline s'adresse le 2 décembre 1944 à Churchill : " Les Français, écrit-il, poseront la question d'un pacte d'assistance. Qu'en pensez-vous ? " (2)Il existe alors à Paris deux tendances distinctes à ce sujet. Celle qui domine suit la ligne traditionnelle, l'alliance de revers pour contenir et contrôler l' " ennemi héréditaire ", la politique de Richelieu et de Clemenceau. L'autre tendance, présente dans certains mouvements de résistance et dans plusieurs formations politiques, maintient une distinction entre le national-socialisme et l'Allemagne, elle s'inspire de l'idée européenne. " Pour l'Allemagne, écrit Raymond Aron à l'époque, la défaite de 1945 est l'équivalent de 1815 pour la France. L'Allemagne [...] n'est plus le danger majeur. " Sous le couvert du langage traditionnel, le général de Gaulle se fixe trois objectifs : grâce à l' " alliance russe ", accéder aux conciliabules des Trois Grands : obtenir l'appui de l'URSS au programme visant à détacher de l'Allemagne la Ruhr et la Rhénanie; enfin sans doute (mais cela n'est exprimé nulle part), asseoir l'autorité du gouvernement provisoire à l'extérieur et à l'intérieur.

   Notons sur ce dernier point, à la suite de Jean Cathala (3)que le décret amnistiant Maurice Thorez est du 7 novembre. Le 8, l'éventualité d'un voyage à Moscou est envisagée entre le général et l'ambassadeur de l'URSS, A.-E. Bogomolov. Le 13 arrive l'invitation.

   Les visées de l'Union soviétique sont différentes. La victoire est certaine. Il s'agit d'en tirer les bénéfices. Le premier objectif est la Pologne. Après ce que ce pays a subi de son grand voisin entre 1939 et 1944, il ne peut s'agir que d'une " amitié " imposée par la force, celle des armes, soutenant un Comité polonais de libération nationale (CPLN) que rien d'autre ne soutient. Au-delà, il y a l'Allemagne, le Comité libre d'Allemagne, et, instrument plus efficace, le Parti communiste de Walter Ulbricht. Plus à l'ouest, existe une vraie bête noire, le " bloc occidental ", l'idée d'un regroupement des Etats occidentaux, dont le général de Gaulle a parlé en mars 1944 dans un discours vivement critiqué à Moscou.

   Le gouvernement français, s'il s'efforce de n'avoir pas l'air d'un " demandeur ", est à la recherche d'un appui. L'interlocuteur aurait plutôt des exigences, à l'est, au centre et aussi à l'ouest de l'Europe. L'Union soviétique a-t-elle besoin d'une alliance avec la France? Oui, pensent beaucoup de Français, parce qu'elle doit se prémunir contre l'Allemagne. Peut-être, pense-t-on à Moscou, mais nous en avons moins besoin qu'eux! Staline, quant à lui, aime à souligner la différence entre l' " algèbre ", engagements, conventions, abstractions, et l' " arithmétique ", les forces, les territoires, le concret.

Comment parvenir au but

   Dès le premier entretien, au soir du 2 décembre, lorsque le général de Gaulle expose ses plans pour la Ruhr et la Rhénanie, Staline se réfugie derrière ses deux grands alliés. " Sans eux, on ne peut résoudre un tel problème. " Les frontières, ajoute-t-il, c'est une chose. Mais la sécurité repose sur de bonnes armées, ainsi que sur " l'alliance des puissances anti-allemandes ". (4) On commence donc à parler de l'alliance. Les textes sont proches. Aucun désaccord. Faute de litiges, on risque de s'entendre sur l'algèbre avant d'avoir pu parler arithmétique, c'est-à-dire contreparties. C'est pourquoi, dès le 5 décembre, est introduite dans la négociation la question de Pologne. Dans une conversation avec Maurice Dejean, un collaborateur de Molotov suggère que la France, sans rompre avec le gouvernement en exil, envoie un représentant auprès du CPLN. La Grande-Bretagne, dit-il, a bien eu un représentant auprès de Tito en même temps qu'un ambassadeur auprès du roi Pierre II. (5)Proposition d'autant moins surprenante que, dès septembre 1944, le délégué français à Moscou a envisagé avec le représentant du CPLN l'arrivée, à Lublin, d'une mission militaire française pour aider au rapatriement des prisonniers français libérés. Molotov, de façon plus abrupte, pose le même jour la même question à Georges Bidault. Le général, le lendemain, fait comme s'il n'avait pas entendu. Il expose son désir d'une entente entre tous les Polonais, sans préciser autrement ses intentions.

   Apparaît alors le deuxième obstacle. Churchill a répondu à la question que Staline lui avait posée le 2 décembre. Il n'a pas d'objection à une alliance franco-soviétique, mais suggère une autre possibilité, une alliance entre la Grande-Bretagne, la France et l'URSS. Staline fait sienne cette suggestion. De Gaulle la rejette : avec l'Angleterre, il existe tout un contentieux; avec l'URSS, pas de difficultés; un pacte bilatéral est donc préférable. Le projet de traité à trois bouchant la voie vers le pacte à deux, les Français se retrouvent devant le portillon polonais. S'ils font un petit effort pour la Pologne, Staline se déclare disposé à renoncer au projet de Churchill. Ce petit effort, c'est l'échange de représentants entre Paris et Lublin. Le 8 décembre, dans son dernier entretien avec Staline, le général déclare qu'il existe un projet d'échange de délégués avec le CPLN. On va voir ce qu'il est possible de faire.

   C'est sur cet arrière-plan, celui aussi de la tragédie polonaise, l'insurrection de Varsovie et ses suites, que se joue le dernier acte : la nuit du 9 au 10 décembre, le dîner au Kremlin, les marchandages après le dîner, la présentation d'un film pendant lequel Molotov et Bidault continuent à discuter, non plus sur le fond, l'échange de représentants, mais sur la forme, envoyés " officiels " ou " officieux ", communiqué commun ou non, etc. Notons à ce sujet que Stefan Jedrychowski, celui qui fut le délégué polonais à Paris, a déclaré, en 1979, dans une interview : " Nous ne nous attendions pas que le gouvernement français reconnaisse le CPLN de jure et rompe avec le gouvernement émigré (6) ".

   Le film terminé, le général se lève, remercie et s'en va, emmenant tout son monde, sauf deux collaborateurs qui continuent avec Molotov à mettre en une forme acceptable à toutes les parties ce qu'on est bien obligé d'appeler la concession française. Encore quelques heures et, le texte et la date du communiqué ayant été fixés, le général reviendra au Kremlin, signera le pacte et soupera avec Staline vers 5 heures du matin. Certes, comme le dit le général dans ses Mémoires écrits dix ans plus tard : " Je pressentais que l'Amérique et la Grande-Bretagne laisseraient faire. " (7)Mais, contraint et forcé, ne laissait-il pas faire, lui aussi? Il est vrai qu'il avait moins de puissance. Il n'avait pas caché ce qu'il pensait. Il n'avait abandonné que le strict nécessaire. Mais il était le premier à le faire. De tout cela, les Mémoires le montrent, il était conscient. C'est sans doute la raison pour laquelle il insiste tant sur sa résistance. Ce qui reste dans l'ombre, c'est la présence à Paris de Jedrychowski, qui ne se cachait pas d'attendre le moment où il s'installerait à l'ambassade de Pologne. Staline, lui, avait ce qu'il voulait. A Yalta, lorsque Churchill se plaint de n'avoir aucun moyen de s'informer sur la Pologne, Staline, bon prince, lui souffle à l'oreille : " de Gaulle a un représentant à Lublin. Ne pouvez-vous en faire autant ? (8) ".

Un pacte pour quoi faire

   Si l'on examine cette négociation du point de vue de l'Union soviétique, la question-clé est la suivante : pourquoi Staline est-il resté négatif sur le problème essentiel à l'époque pour le général de Gaulle, celui de la Rhénanie et de la Ruhr? Sans s'engager vraiment, il aurait pu pousser le gouvernement français à s'enfoncer dans cette impasse, ce qui, plus tard, eût rendu Plus difficile le tournant occidental et européen des années 1947-1948. S'il ne l'a pas fait, c'est, je crois, pour trois raisons principales. On oublie souvent que Staline a toujours considéré l'effondrement français de 1940 comme une mauvaise manière à son égard. Il avait misé sur une guerre d'usure à l'ouest, à l'issue de laquelle il serait apparu comme l'arbitre. A Yalta, parmi d'autres remarques désagréables, il dira à Roosevelt qu'en 1940 " les Français ne se sont pas du tout battus ". A cette rancoeur s'ajoute, chez lui aussi, le souci du rang. La France, à ses yeux, est une autre Pologne. C'est ce qu'il dit encore à Yalta : peu de troupes au combat, beaucoup de demandes, peu de prestations. Mais il y a plus. Dans la lettre qu'il envoie à Churchill le 2 décembre, Staline observe que " les Français, en réclamant le Rhin comme frontière, entrent en concurrence avec le projet de province rhénane sous contrôle international ". Si l'on se rappelle ses diatribes contre le " bloc occidental ", on voit se dessiner son véritable souci. Il craint que le démembrement de l'Allemagne à l'ouest ne serve à renforcer le " bloc " qu'il abomine et ne crée contre l'URSS un de ces obstacles infranchissables dont il ne veut plus. Les vues du vainqueur de Stalingrad, de Varsovie et bientôt de Berlin s'étendent au-delà de l'Allemagne. Elles concernent le continent jusqu'aux rivages de l'océan.

   Du point de vue français, quel est le bilan? On a payé au moindre prix ce qui était réclamé sur la Pologne. On a obtenu un engagement d'assistance contre un péril à vrai dire assez éloigné. Mais rien sur les projets rhénans, rien sur le rang de grande puissance. Du point de vue politique, le bilan n'est pas très riche, même si l'opinion, la presse, l'Assemblée, saluent le voyage et le pacte comme un triomphe.

   Du point de vue psychologique, on peut se demander quelles conclusions le général a tirées de cette expédition. Dans ses Mémoires, s'il traite Staline de " communiste déguisé en maréchal ", ce qui est fort bien vu, il affirme aussi que " la Russie l'adopta comme un tsar (...) et supporta le bolchevisme pour s'en servir comme d'un instrument ".

   (9) Le " bolchevisme ", instrument au service de la " Russie "? Ou la " Russie " instrument au service du " bolchevisme " ? Qui, dans ce couple, est le cheval et qui le cavalier ? Si le parti est absorbé par la Russie, le pacte trouve, plus ou moins, sa justification. Si la Russie est soumise au parti, le pacte, même s'il garde, au moins quelque temps, une certaine valeur, est frappé de précarité.

   Interrogeons les faits. On constate en 1984 que le pacte de 1944, fondé sur le premier terme de l'alternative, a été balayé par les événements en quelques années. Quand il disparaît, en 1955, c'est dans l'indifférence. En sens inverse, la politique de " containment ", fondée sur l'idée que la Russie est dominée par le parti, la politique de réintégration de l'Allemagne dans la communauté occidentale et européenne, a résisté à bien des tempêtes. Elle s'est imposée en 1958 au général de Gaulle, elle résiste aujourd'hui à ses plus redoutables ennemis, l'inertie, la lassitude, la routine, la peur.

JEAN LALOY Le Monde du 9-10 décembre 1984

 

« engagements, conventions, abstractions, et l' " arithmétique ", les forces, les territoires, le concret. Comment parvenir au but Dès le premier entretien, au soir du 2 décembre, lorsque le général de Gaulle expose ses plans pour la Ruhr et la Rhénanie,Staline se réfugie derrière ses deux grands alliés.

" Sans eux, on ne peut résoudre un tel problème.

" Les frontières, ajoute-t-il,c'est une chose.

Mais la sécurité repose sur de bonnes armées, ainsi que sur " l'alliance des puissances anti-allemandes ".

(4) On commence donc à parler de l'alliance.

Les textes sont proches.

Aucun désaccord.

Faute de litiges, on risque de s'entendre surl'algèbre avant d'avoir pu parler arithmétique, c'est-à-dire contreparties.

C'est pourquoi, dès le 5 décembre, est introduite dans lanégociation la question de Pologne.

Dans une conversation avec Maurice Dejean, un collaborateur de Molotov suggère que laFrance, sans rompre avec le gouvernement en exil, envoie un représentant auprès du CPLN.

La Grande-Bretagne, dit-il, a bieneu un représentant auprès de Tito en même temps qu'un ambassadeur auprès du roi Pierre II.

(5)Proposition d'autant moins surprenante que, dès septembre 1944, le délégué français à Moscou a envisagé avec le représentant du CPLN l'arrivée, à Lublin,d'une mission militaire française pour aider au rapatriement des prisonniers français libérés.

Molotov, de façon plus abrupte, posele même jour la même question à Georges Bidault.

Le général, le lendemain, fait comme s'il n'avait pas entendu.

Il expose sondésir d'une entente entre tous les Polonais, sans préciser autrement ses intentions. Apparaît alors le deuxième obstacle.

Churchill a répondu à la question que Staline lui avait posée le 2 décembre.

Il n'a pasd'objection à une alliance franco-soviétique, mais suggère une autre possibilité, une alliance entre la Grande-Bretagne, la Franceet l'URSS.

Staline fait sienne cette suggestion.

De Gaulle la rejette : avec l'Angleterre, il existe tout un contentieux; avec l'URSS,pas de difficultés; un pacte bilatéral est donc préférable.

Le projet de traité à trois bouchant la voie vers le pacte à deux, lesFrançais se retrouvent devant le portillon polonais.

S'ils font un petit effort pour la Pologne, Staline se déclare disposé à renoncerau projet de Churchill.

Ce petit effort, c'est l'échange de représentants entre Paris et Lublin.

Le 8 décembre, dans son dernierentretien avec Staline, le général déclare qu'il existe un projet d'échange de délégués avec le CPLN.

On va voir ce qu'il estpossible de faire. C'est sur cet arrière-plan, celui aussi de la tragédie polonaise, l'insurrection de Varsovie et ses suites, que se joue le dernieracte : la nuit du 9 au 10 décembre, le dîner au Kremlin, les marchandages après le dîner, la présentation d'un film pendant lequelMolotov et Bidault continuent à discuter, non plus sur le fond, l'échange de représentants, mais sur la forme, envoyés " officiels "ou " officieux ", communiqué commun ou non, etc.

Notons à ce sujet que Stefan Jedrychowski, celui qui fut le délégué polonais àParis, a déclaré, en 1979, dans une interview : " Nous ne nous attendions pas que le gouvernement français reconnaisse le CPLNde jure et rompe avec le gouvernement émigré (6) ". Le film terminé, le général se lève, remercie et s'en va, emmenant tout son monde, sauf deux collaborateurs qui continuent avecMolotov à mettre en une forme acceptable à toutes les parties ce qu'on est bien obligé d'appeler la concession française.

Encorequelques heures et, le texte et la date du communiqué ayant été fixés, le général reviendra au Kremlin, signera le pacte et souperaavec Staline vers 5 heures du matin.

Certes, comme le dit le général dans ses Mémoires écrits dix ans plus tard : " Je pressentaisque l'Amérique et la Grande-Bretagne laisseraient faire.

" (7)Mais, contraint et forcé, ne laissait-il pas faire, lui aussi? Il est vrai qu'il avait moins de puissance.

Il n'avait pas caché ce qu'il pensait.

Il n'avait abandonné que le strict nécessaire.

Mais il était lepremier à le faire.

De tout cela, les Mémoires le montrent, il était conscient.

C'est sans doute la raison pour laquelle il insiste tantsur sa résistance.

Ce qui reste dans l'ombre, c'est la présence à Paris de Jedrychowski, qui ne se cachait pas d'attendre lemoment où il s'installerait à l'ambassade de Pologne.

Staline, lui, avait ce qu'il voulait.

A Yalta, lorsque Churchill se plaint den'avoir aucun moyen de s'informer sur la Pologne, Staline, bon prince, lui souffle à l'oreille : " de Gaulle a un représentant à Lublin.Ne pouvez-vous en faire autant ? (8) ". Un pacte pour quoi faire Si l'on examine cette négociation du point de vue de l'Union soviétique, la question-clé est la suivante : pourquoi Staline est-ilresté négatif sur le problème essentiel à l'époque pour le général de Gaulle, celui de la Rhénanie et de la Ruhr? Sans s'engagervraiment, il aurait pu pousser le gouvernement français à s'enfoncer dans cette impasse, ce qui, plus tard, eût rendu Plus difficile letournant occidental et européen des années 1947-1948.

S'il ne l'a pas fait, c'est, je crois, pour trois raisons principales.

On oubliesouvent que Staline a toujours considéré l'effondrement français de 1940 comme une mauvaise manière à son égard.

Il avait misésur une guerre d'usure à l'ouest, à l'issue de laquelle il serait apparu comme l'arbitre.

A Yalta, parmi d'autres remarquesdésagréables, il dira à Roosevelt qu'en 1940 " les Français ne se sont pas du tout battus ".

A cette rancoeur s'ajoute, chez luiaussi, le souci du rang.

La France, à ses yeux, est une autre Pologne.

C'est ce qu'il dit encore à Yalta : peu de troupes au combat,beaucoup de demandes, peu de prestations.

Mais il y a plus.

Dans la lettre qu'il envoie à Churchill le 2 décembre, Staline observeque " les Français, en réclamant le Rhin comme frontière, entrent en concurrence avec le projet de province rhénane sous. »

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