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La guerre éclair échoue devant Moscou

Publié le 17/01/2022

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5-6 décembre 1941 - En cet hiver 1941-1942, Hitler perdait la guerre, mais il ne le savait pas encore : il gardait d'ailleurs suffisamment de ressources pour infliger d'indicibles souffrances pendant trois années supplémentaires. Deux événements se conjuguaient alors qui allaient finalement briser les nazis. Les Etats-Unis attaqués à Pearl-Harbor, entraient dans la coalition et mobilisaient pour les alliés leur puissance industrielle. En même temps, la Wehrmacht, jusqu'alors invincible, piétinait devant Moscou. L'époque des guerres éclairs était terminée. Les stratèges allemands ne pouvaient rêver meilleure situation que celle du printemps 1941. Pour ne pas susciter leur méfiance, l'URSS n'avait pas vraiment fortifié les territoires conquis à la faveur du pacte germano-soviétique, mais elle avait déjà commencé à démanteler le système de défense près de l'ancienne frontière. Et puis la doctrine appliquée par l'état-major soviétique infirmait les idées les plus généralement admises. Beaucoup tenaient l'armée rouge pour allergique à l'offensive, mais incomparable dans la défense. La seconde partie de la formule, monnaie courante depuis les campagnes napoléoniennes, fut vérifiée une fois de plus par la " grande guerre patriotique de 1941-1945 " dans son ensemble. Elle ne le fut pas du tout en ses débuts. Les stratèges staliniens se refusaient à penser, ou n'avaient pas le droit de penser, que l'ennemi se risquerait à violer la patrie soviétique. Si le pire arrivait, il fallait être prêt à lui infliger une raclée sur ses arrières. Le dispositif alors en place privilégiait les raids, mais n'était pas suffisant pour contenir une attaque frontale. L'offensive fulgurante des Allemands réduisit à néant cette stratégie. Les lignes de défense enfoncées dans les grandes profondeurs, il n'y avait plus de travail pour les commandos. Que faire au milieu de cette débandade, alors que les unités encore éloignées de la zone des combats ne disposaient pas de moyens de transport ? Et surtout, surtout, l'URSS payait fort cher en ces jours dramatiques les purges démentielles ordonnées par Staline. Elles avaient cassé l'armée. Faut-il rappeler le massacre des maréchaux, généraux, amiraux ? Ce fut, dira le maréchal Bagramian, une des causes principales des revers subis pendant la première phase de la guerre. Le mal s'étendait de haut en bas de la hiérarchie. On lit dans une histoire officielle de la guerre : " Près de la moitié des commandants de régiment, presque tous les commandants de brigade et de division, tous les commandants de corps d'armée et des régions militaires, tous les membres des conseils militaires furent liquidés, ainsi que la majorité des cadres politiques des corps d'armée, des divisions et des brigades, plus du tiers des commissaires politiques des régiments, de nombreux professeurs des écoles et des académies militaires. " Au début de la guerre, 7 % seulement des officiers possédaient le diplôme d'études militaires supérieures, 37 % n'avaient pas achevé les études militaires secondaires. En mars 1941 il manquait 12 500 tanks moyens et lourds, 43 .000 engins de traction, 300 000 autos. Les forces blindées n'étaient équipées qu'à 30 % : " Il y avait trop peu de nouveaux avions, pas plus de 10 à 20 % de besoins. " Insuffisance aussi des munitions. En été 1941, environ 75 % des officiers et 70 % des commissaires politiques n'occupaient leurs fonctions que depuis un an. Résultat : après trois mois de guerre, la Wehrmacht occupait la moitié de la Russie d'Europe et une grande partie de l'Ukraine. Elle était à proximité de Moscou, de Leningrad. Elle contrôlait le Donbass (60 % du charbon soviétique, 75 % du coke, 50 % du fer, 20 % de l'acier). Elle avait l'espoir d'atteindre très vite l'objectif fixé : prendre possession d'un territoire peuplé de 100 millions d'habitants allant du lac Ladoga au nord jusqu'à la Caspienne, englobant Moscou, Leningrad, les réserves minières et agricoles de l'Ukraine, 90 % des ressources pétrolières de l'URSS. Leningrad ne céda pas, en dépit d'un blocus de neuf cents jours. Et l'offensive lancée pour la conquête de Moscou fut enrayée. Au début, tout semblait aller comme prévu. Trois groupes d'armées commandés au nord par Von Lech, au centre par Von Bock, au sud par Von Rundstedt marchaient sur Leningrad, Moscou, la Crimée. Ils avaient face à eux de piètres stratèges : Vorochilov, Boudienny. Après quelques jours, Minsk tomba. Le 27 juillet, c'était le tour de Smolensk. La route de Moscou paraissait ouverte. Pendant qu'au nord et au sud l'objectif serait pris en tenaille, les blindés de Guderian fonceraient sur la ville. La première offensive contre la capitale commença le 30 septembre. Orel fut prise. Encore une fois la réussite était avec l'envahisseur. Les autorités soviétiques évacuaient en catastrophe des installations industrielles : plus de 1 500 usines furent transplantées au-delà de l'Oural. La panique gagnait Moscou, et, au début d'octobre, Hitler proclamait que " le moment du grand bond final est arrivé ". Avant l'hiver, ses troupes auraient frappé un coup retentissant et trouveraient à Moscou un bon abri pour y passer la froidure. Pourtant le vent avait tourné. Entouré de chefs compétents :Rokossovski, Sokolovski... et même du futur traître Vlassov, Joukov prenait le commandement des opérations. Les services gouvernementaux, les ambassades, étaient évacués à Kouybichev, mais Staline et ses proches restaient dans la ville assiégée, ce qui allait avoir peu après une importance capitale. Le matériel soviétique, déjà insuffisant, avait été en grande partie détruit, mais les aviateurs allemands rapportaient, quand ils revenaient indemnes de leur mission, qu'à Moscou la DCA était redoutable. Les réserves constituées en Asie commençaient à prendre position en Europe. Certes, après vingt jours d'offensive, l'armée allemande était à moins de 75 kilomètres de la capitale mais elle fut incapable de tenir son calendrier. Le " plan Barberousse " avait fixé au 15 mars le début de la guerre de Russie. L'opération ne commença en fait que le 22 juin, pour cause de complications dans la campagne des Balkans. Ce retard initial ne fut jamais rattrapé. L'état-major allemand calculait qu'il fallait que huit à dix semaines pour briser l'ennemi. Il croyait donc qu'il disposait d'un temps plus que suffisant pour réussir avant que n'arrive le gel. Il n'avait pas prévu que les blindés s'embourberaient, que les pluies d'automne empêcheraient l'approvisionnement, que les soldats auraient à passer la mauvaise saison mal vêtus, mal chaussés pour ce climat. La première offensive se ralentit à la mi-octobre. Les Allemands repartirent à l'assaut à la mi-novembre. Ils disposaient toujours d'une énorme supériorité en matériel : trois fois et demi pour les chars et deux fois pour les canons. Ils allèrent jusqu'à Istra, située à 22 kilomètres de Moscou. Selon des bruits non confirmés, deux de leurs chars se seraient même aventurés dans la proche banlieue. Déjà, cependant, la population était résolue à tenir. Elle creusait des tranchées. En ces jours, le peuple russe écrivit une des pages les plus glorieuses de son histoire. Et il faut reconnaître à Staline le mérite d'avoir su dire ce qu'il fallait dire, là où il le fallait, au moment où il le fallait. Non seulement il refusa de suivre les avis raisonnables de ses collaborateurs qui le priaient de quitter Moscou, mais il décida de célébrer comme de coutume ou presque l'anniversaire de la Révolution. Pas question évidemment de tenir au Kremlin la réunion solennelle du 6 novembre : elle eut lieu dans la station de métro Maïakovski. Plus extraordinaire encore fut le défilé sur la place Rouge. Les soldats qui y participaient venaient du front. Ils y retournaient sitôt leur prestation achevée. Ils n'avaient pas beaucoup de chemin à faire. Cette réunion, ce défilé, redonnèrent enfin au peuple et à la troupe ce qu'ils avaient perdu en ce funeste mois de juin : le moral. Plus étonnants furent les deux discours que Staline prononça. Il parla un peu du communisme et beaucoup de la patrie. Il célébra les héros du régime et les grands hommes de la vieille Russie. Le 6 novembre, il dit à la station Maïakovski : " Ces gens sans honneur ni conscience, ces gens qui n'ont pas plus de sens moral que de tête, ont le front de prêcher l'extermination de la nation russe, la nation de Plekhanov et de Lénine, de Belinski et de Tchernichevski, de Pouchkine et de Tolstoï, de Gorki et de Tchékov, de Glinka et de Tchaïkovski, de Sechenov et de Pavlov, de Souvorov et de Koutouzov. Les envahisseurs allemands veulent une guerre d'extermination contre les peuples de l'Union soviétique ? Eh bien, s'ils veulent une guerre d'extermination, ils l'auront ! " Le lendemain, il revint à la charge sur la place Rouge, en insistant cette fois sur les gloires du temps jadis : " La guerre que vous faites est une guerre de libération, une guerre juste. Une guerre où peuvent vous inspirer les figures héroïques de nos grands ancêtres, Alexandre Nevski, Dimitri Donskoï, Minine et Pojarski, Alexandre Souvorov, Michel Koutouzov. " La deuxième et dernière offensive allemande s'arrêta le 25 novembre. Elle fut suivie de la contre-offensive lancée le 6 décembre par Joukov. Par endroits, l'ennemi fut repoussé de 200 à 300 kilomètres. Ce n'était pas la fin des tourments de l'URSS ni des avancées de l'armée allemande. Mais la Wehrmacht ne se remit jamais complètement de l'insuccès qu'elle subit en cet automne-hiver 1941-1942 aux abords de Moscou. BERNARD FERON Le Monde du 18 novembre 1991

« prendre position en Europe.

Certes, après vingt jours d'offensive, l'armée allemande était à moins de 75 kilomètres de la capitale mais elle fut incapable de tenir son calendrier. Le " plan Barberousse " avait fixé au 15 mars le début de la guerre de Russie.

L'opération ne commença en fait que le 22 juin,pour cause de complications dans la campagne des Balkans. Ce retard initial ne fut jamais rattrapé.

L'état-major allemand calculait qu'il fallait que huit à dix semaines pour briser l'ennemi.

Ilcroyait donc qu'il disposait d'un temps plus que suffisant pour réussir avant que n'arrive le gel.

Il n'avait pas prévu que les blindéss'embourberaient, que les pluies d'automne empêcheraient l'approvisionnement, que les soldats auraient à passer la mauvaisesaison mal vêtus, mal chaussés pour ce climat.

La première offensive se ralentit à la mi-octobre. Les Allemands repartirent à l'assaut à la mi-novembre.

Ils disposaient toujours d'une énorme supériorité en matériel : trois foiset demi pour les chars et deux fois pour les canons. Ils allèrent jusqu'à Istra, située à 22 kilomètres de Moscou. Selon des bruits non confirmés, deux de leurs chars se seraient même aventurés dans la proche banlieue. Déjà, cependant, la population était résolue à tenir.

Elle creusait des tranchées.

En ces jours, le peuple russe écrivit une despages les plus glorieuses de son histoire.

Et il faut reconnaître à Staline le mérite d'avoir su dire ce qu'il fallait dire, là où il le fallait,au moment où il le fallait. Non seulement il refusa de suivre les avis raisonnables de ses collaborateurs qui le priaient de quitter Moscou, mais il décida decélébrer comme de coutume ou presque l'anniversaire de la Révolution.

Pas question évidemment de tenir au Kremlin la réunionsolennelle du 6 novembre : elle eut lieu dans la station de métro Maïakovski.

Plus extraordinaire encore fut le défilé sur la placeRouge.

Les soldats qui y participaient venaient du front.

Ils y retournaient sitôt leur prestation achevée.

Ils n'avaient pas beaucoupde chemin à faire. Cette réunion, ce défilé, redonnèrent enfin au peuple et à la troupe ce qu'ils avaient perdu en ce funeste mois de juin : le moral.Plus étonnants furent les deux discours que Staline prononça.

Il parla un peu du communisme et beaucoup de la patrie.

Il célébrales héros du régime et les grands hommes de la vieille Russie. Le 6 novembre, il dit à la station Maïakovski : " Ces gens sans honneur ni conscience, ces gens qui n'ont pas plus de sens moralque de tête, ont le front de prêcher l'extermination de la nation russe, la nation de Plekhanov et de Lénine, de Belinski et deTchernichevski, de Pouchkine et de Tolstoï, de Gorki et de Tchékov, de Glinka et de Tchaïkovski, de Sechenov et de Pavlov,de Souvorov et de Koutouzov.

Les envahisseurs allemands veulent une guerre d'extermination contre les peuples de l'Unionsoviétique ? Eh bien, s'ils veulent une guerre d'extermination, ils l'auront ! " Le lendemain, il revint à la charge sur la place Rouge,en insistant cette fois sur les gloires du temps jadis : " La guerre que vous faites est une guerre de libération, une guerre juste.

Uneguerre où peuvent vous inspirer les figures héroïques de nos grands ancêtres, Alexandre Nevski, Dimitri Donskoï, Minine etPojarski, Alexandre Souvorov, Michel Koutouzov.

" La deuxième et dernière offensive allemande s'arrêta le 25 novembre.

Ellefut suivie de la contre-offensive lancée le 6 décembre par Joukov.

Par endroits, l'ennemi fut repoussé de 200 à 300 kilomètres.Ce n'était pas la fin des tourments de l'URSS ni des avancées de l'armée allemande.

Mais la Wehrmacht ne se remit jamaiscomplètement de l'insuccès qu'elle subit en cet automne-hiver 1941-1942 aux abords de Moscou. BERNARD FERON Le Monde du 18 novembre 1991 CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés. »

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