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L'affaire Festina, premier grand procès du dopage

Publié le 17/01/2022

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23 octobre 2000 C'ÉTAIT au temps où le sport donnait à voir le meilleur - la fête de la Coupe du monde de football - et le pire - la chronique d'un Tour de France cycliste miné par la tricherie. Comme s'il s'agissait d'une ultime étape greffée sur le Tour 1998, nonobstant les voies de recours usuelles en justice (appel et cassation), la septième chambre correctionnelle du tribunal de Lille doit examiner, à partir de lundi 23 octobre, et pour une durée de deux à trois semaines, ce qui devint médiatiquement, bien que d'autres équipes fussent touchées, « l'affaire Festina ». En toile de fond, omniprésentes, les pratiques de dopage dans le cyclisme, telles qu'elles apparurent, pendant un an, au fil de l'enquête du juge d'instruction Patrick Keil. Et, pour symbole, une substance dopante - l'érythropoïétine -, désormais plus familièrement connue par son abréviation : EPO. Essentiellement poursuivies pour avoir enfreint la loi antidopage du 28 juin 1989, alors en vigueur, mais également certaines dispositions du code des douanes et de la santé publique, dix personnes sont renvoyées devant le tribunal. Parmi elles, un seul coureur, Richard Virenque, quintuple meilleur grimpeur du Tour de France et coqueluche du cyclisme français, notamment poursuivi pour complicité d'incitation à l'usage de produits dopants. Car le procès de l'affaire Festina ne peut pas apparaître pour ce qu'il n'est pas : le procès des tricheurs, des coureurs utilisateurs, livrés, eux, à leurs instances sportives, fédérales ou internationales, et au jugement de l'opinion. Se doper ne tombe pas sous le coup de la loi pénale, sauf éventuel recours aux stupéfiants. A Lille, les juges auront, en revanche, à se prononcer sur les responsabilités de certains de ceux qui ont organisé le dopage en système. Ou qui, comme Richard Virenque, selon le point de vue du juge qui l'a renvoyé à l'issue de son instruction, contre l'avis du parquet, ont contribué, par leurs exigences et leurs pressions sur les coureurs, à son institutionnalisation. Véritable feuilleton de l'été 1998, l'affaire avait commencé au petit matin du 8 juillet, à la veille du départ du Tour, à Dublin, en Irlande. Willy Voet, soigneur de l'équipe Festina, est arrêté dans sa voiture à la frontière franco-belge. Dans le véhicule, les douaniers découvrent deux sacs isothermes contenant des ampoules, des boîtes de gélules, quatre cents flacons divers. Ils saisissent aussi deux fioles contenant un liquide blanc. LES AGENDAS DU SOIGNEUR Après analyse, le stock fait figure d'arsenal de produits dopants, bannis pour la plupart par l'Union cycliste internationale (UCI). Les flacons recèlent un cocktail de caféine et d'amphétamines, classées parmi les stupéfiants. Les sacs, un lot de médicaments contenant des hormones, parmi lesquelles l'EPO, qui a pour vertu d'augmenter, chez les coureurs, les facultés de récupération en améliorant l'oxygénation du sang. Placé en détention, Willy Voet a expliqué que ces produits - dont certains autres ont été saisis au siège de Festina, à Meyzieu (Rhône) - étaient administrés par les deux médecins de l'équipe, le Belge Eric Rijckaert et l'Espagnol Fernando Jimenez. Il a admis qu'à l'occasion il avait pu lui-même en administrer, mais sur ordre. Une semaine plus tard, le docteur Rijckaert et Bruno Roussel, directeur sportif de Festina, étaient interpellés à l'arrivée de l'étape à Cholet, suscitant l'émotion en plein Tour, puis écroués (Fernando Jimenez, hors de France, échappait à l'interpellation). Après avoir nié, Bruno Roussel a fini par reconnaître que le dopage des coureurs était bien structuré, organisé. Selon lui, un système avait été mis en place à la demande des coureurs, avec l'accord de la direction de l'équipe et des médecins. Willy Voet devait être le distributeur et l'importateur des produits illicites, notamment en provenance d'Espagne ou du Portugal. Pour se justifier, le directeur sportif a invoqué la nécessité d'éviter la prolifération d'un « dopage sauvage » . Il a indiqué que, déjà avant son arrivée chez Festina, en 1993, les coureurs utilisaient des substances prohibées. Pour pièces à conviction, la justice dispose aujourd'hui de plusieurs agendas du soigneur de l'équipe, qui témoignent d'une véritable comptabilité, tenue depuis 1996. A chaque page, des noms de coureurs, avec, en face, pour chacun d'eux, un produit codé, des mentions surlignées : en rose pour l'EPO, en jaune ou vert pour les hormones de croissance. Bien que mis en cause par Willy Voet et Bruno Roussel, Eric Rijckaert, pour sa part, a toujours nié toute part de responsabilité et contesté formellement, notamment, avoir pratiqué des injections de produits prohibés. Le médecin de Festina a cependant livré aux enquêteurs qu'aucune équipe sportive, selon lui, n'avait échappé au dopage. Il a expliqué que les coureurs s'auto-administraient l'EPO, après analyse de leur sang. Progressivement, les enquêteurs ont étendu leurs investigations. Joël Chabiron, agent de presse et de communication de Festina, a été mis en cause dans l'importation des substances illicites. Puis, Jean Dalibot, autre soigneur de l'équipe, poursuivi, notamment, pour avoir administré des produits. Une pharmacienne de Veynes, près de Gap (Hautes- Alpes) et son compagnon, comptable, ont également été impliqués pour avoir fourni illégalement des médicaments à Willy Voet. Entendus à leur tour, plusieurs coureurs ou anciens coureurs de Festina ont reconnu avoir cédé au dopage : Armin Meïer, Laurent Brochard, Neil Stephens, Didier Rous, Christophe Moreau, Laurent Dufaux, Lylian Lebreton, ont détaillé le système mis en place par Festina. Alex Zülle, également dopé, affirmait que chez ONCE, où il officiait précédemment, la consommation d'EPO s'opérait de la même manière, sous contrôle médical. De même, Gilles Bouvard attestait de pratiques identiques dans l'équipe Casino, ainsi qu'Emmanuel Magnien, pour la Française des jeux, sa nouvelle équipe - bien qu'il réfutât pour lui-même tout dopage. En revanche, malgré les témoignages contraires de leurs coéquipiers et des analyses défavorables, Pascal Hervé et Richard Virenque contestaient se doper, ce dernier affirmant temporairement qu'il l'avait peut-être été à son insu. Ces mises en cause débouchèrent sur de nouvelles poursuites : contre Joseph d'Hont, soigneur de la Française des jeux, et Nicolas Terrados Cepeda, le médecin de l'équipe espagnole ONCE. Un non-lieu était par ailleurs ordonné en faveur du coureur italien Rodolfo Massi, un temps impliqué comme possible fournisseur d'EPO. A l'issue de l'instruction, soupesant le rôle joué par chacun dans l'instauration du système de dopage chez Festina, le juge Keil a maintenu l'incrimination de « complicité d'incitation à l'usage de produits dopants » à l'encontre de Richard Virenque. UNE TRENTAINE DE TÉMOINS Une façon de ne pas épargner l'attitude de certains coureurs dans le système mis en place. Le juge a estimé que, chez Festina, les « barons », « groupe dont le leader était M. Virenque » , avaient pour objectif de « créer une dynamique de groupe aimantant les autres vers le dopage ». L'accusation, du point de vue juridique, ne l'a jamais suivi, et ne devrait, sur ce point, pas davantage le suivre à l'audience. Une trentaine de témoins et d'experts devraient être entendus. Parmi ces dépositions, celles de Daniel Baal et de Roger Legeay, respectivement président de la Fédération française de cyclisme et ancien président de la Ligue professionnelle de cyclisme, qui furent brièvement mis en examen pour complicité d'incitation à l'usage de produits dopants avant de bénéficier d'un non-lieu. Estimant que leur responsabilité morale, à défaut de leur responsabilité juridique, pouvait être engagée, le juge Keil affirmait, dans son ordonnance de non-lieu, que MM. Baal et Legeay « ne pouvaient que connaître le problème de la généralisation de l'incitation et de la facilitation d'usage de produits dopants, ce qu'eux-mêmes ont reconnu ».

« Festina, a été mis en cause dans l'importation des substances illicites.

Puis, Jean Dalibot, autre soigneur de l'équipe, poursuivi,notamment, pour avoir administré des produits.

Une pharmacienne de Veynes, près de Gap (Hautes- Alpes) et son compagnon,comptable, ont également été impliqués pour avoir fourni illégalement des médicaments à Willy Voet. Entendus à leur tour, plusieurs coureurs ou anciens coureurs de Festina ont reconnu avoir cédé au dopage : Armin Meïer,Laurent Brochard, Neil Stephens, Didier Rous, Christophe Moreau, Laurent Dufaux, Lylian Lebreton, ont détaillé le système misen place par Festina.

Alex Zülle, également dopé, affirmait que chez ONCE, où il officiait précédemment, la consommationd'EPO s'opérait de la même manière, sous contrôle médical.

De même, Gilles Bouvard attestait de pratiques identiques dansl'équipe Casino, ainsi qu'Emmanuel Magnien, pour la Française des jeux, sa nouvelle équipe - bien qu'il réfutât pour lui-mêmetout dopage.

En revanche, malgré les témoignages contraires de leurs coéquipiers et des analyses défavorables, Pascal Hervé etRichard Virenque contestaient se doper, ce dernier affirmant temporairement qu'il l'avait peut-être été à son insu. Ces mises en cause débouchèrent sur de nouvelles poursuites : contre Joseph d'Hont, soigneur de la Française des jeux, etNicolas Terrados Cepeda, le médecin de l'équipe espagnole ONCE.

Un non-lieu était par ailleurs ordonné en faveur du coureuritalien Rodolfo Massi, un temps impliqué comme possible fournisseur d'EPO. A l'issue de l'instruction, soupesant le rôle joué par chacun dans l'instauration du système de dopage chez Festina, le juge Keil amaintenu l'incrimination de « complicité d'incitation à l'usage de produits dopants » à l'encontre de Richard Virenque. UNE TRENTAINE DE TÉMOINS Une façon de ne pas épargner l'attitude de certains coureurs dans le système mis en place.

Le juge a estimé que, chez Festina,les « barons », « groupe dont le leader était M.

Virenque » , avaient pour objectif de « créer une dynamique de groupe aimantantles autres vers le dopage ».

L'accusation, du point de vue juridique, ne l'a jamais suivi, et ne devrait, sur ce point, pas davantagele suivre à l'audience. Une trentaine de témoins et d'experts devraient être entendus.

Parmi ces dépositions, celles de Daniel Baal et de RogerLegeay, respectivement président de la Fédération française de cyclisme et ancien président de la Ligue professionnelle decyclisme, qui furent brièvement mis en examen pour complicité d'incitation à l'usage de produits dopants avant de bénéficier d'unnon-lieu. Estimant que leur responsabilité morale, à défaut de leur responsabilité juridique, pouvait être engagée, le juge Keil affirmait,dans son ordonnance de non-lieu, que MM.

Baal et Legeay « ne pouvaient que connaître le problème de la généralisation del'incitation et de la facilitation d'usage de produits dopants, ce qu'eux-mêmes ont reconnu ». JEAN-MICHEL DUMAY Le Monde du 24 octobre 2000 CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés. »

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