Devoir de Philosophie

Le bombardement de Dresde

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

13 février 1945 - Le 13 février 1945, c'était à Dresde, le soir du mardi gras. La guerre n'avait pratiquement jamais touché depuis cinq ans la capitale de la Saxe. Peu d'industries majeures, une vie culturelle active, l'éloignement des fronts et des aérodromes d'où partaient les vagues d'appareils anglais et américains qui pilonnaient depuis deux ans les grandes villes allemandes: Dresde était en somme une oasis paradoxale au coeur du continent. Et le seul signe de la guerre imminente venait, ce jour-là, des grands bouleversements apportés par les colonnes de réfugiés fuyant la Silésie devant l'offensive des armées soviétiques. Le front n'était plus qu'à 150 kilomètres de Dresde. A 10 h 10 du soir surgirent 244 bombardiers Lancaster. Ils firent pendant vingt minutes pleuvoir les bombes explosives destinées à briser les toits, les charpentes, à ébranler les immeubles jusqu'alors intacts. Ils parachevèrent l'ouvrage à coups de bombes incendiaires. Puis trois heures passèrent, l'intervalle dicté par l'expérience aux stratèges du Bomber Command : pendant ce délai, l'incendie s'étendait largement, les brigades de pompiers envoyées de localités éloignées arrivaient sur place : les avions de chasse, rassurés sur la fin de l'attaque, regagnaient leurs terrains les communications n'étaient pas encore rétablies les civils enfin sortaient des abris et des caves pour regagner leurs logis ou les centres d'accueil. Alors, se guidant sur l'embrasement de l'incendie qui s'apercevait à 300 kilomètres, une seconde vague de 529 Lancaster survint. A 1 h 30, le 14 février, elle lança ses bombes incendiaires sur cette ville dont, selon le navigateur d'un bombardier, " toutes les rues étaient gravées en lignes de feu ". Les équipages britanniques reprirent la route du retour. Au matin du 14 février, L'US Army Force (l'US Air Force ne fut créée qu'en 1947) les releva : 1350 forteresses volantes et Liberator s'envolèrent pour des raids sur Chemnitz et Dresde. Cette dernière ville reçut, à 12 h 15, pendant onze minutes, 750 tonnes de bombes. Après quoi, les chasseurs d'escorte piquèrent, attaquèrent à la mitrailleuse tout ce qui fuyait le long de l'Elbe, tout ce qui paraissait circuler dans les voies des quartiers non bombardés. La ville n'avait pas été pourvue d'abris, ou en très petit nombre. Les batteries de défense aérienne avaient été déplacées vers les fronts de combat la chasse resta au sol pendant le second raid, faute d'ordres pour intervenir, alors que les pilotes voyaient les appareils ennemis à 8 Kilomètres de leur terrain. Les assaillants anglais et américains ne rencontrèrent donc aucune résistance. Leurs pertes furent les plus faibles de toute la guerre aérienne : 0,5 %, soit 6 Lancaster abattus sur 1 400 avions engagés, bombardiers et chasseurs compris. Dresde avait été choisie pour cible à la suite d'une note de Churchill, demandant, à la fin de janvier , " si Berlin et sans aucun doute d'autres grandes villes d'Allemagne orientale ne devraient pas être maintenant considérées comme des objectifs particulièrement séduisants ". L'afflux des réfugiés de l'Est avait doublé la population, qui s'élevait auparavant à 630 000 habitants. S'y ajoutaient 26 000 prisonniers de guerre. Le bilan des trois attaques fut de 135 000 morts, pour autant qu'une estimation approximative soit possible. La ville brûla pendant sept jours et huit nuits, l'incendie se propageant sous l'effet d'un véritable typhon de feu, qui créait en son centre des températures de 600 à 1 000 degrés. Soixante-dix pour cent des victimes périrent par asphyxie les autres furent brûlées. On retrouva des cadavres fondus dans l'asphalte, des dizaines de corps réduits en cendres fines au fond de caves hermétiquement closes. Stratégie couverte par Churchill Le feu dévasta 13 Kilomètres carrés, et 6 kilomètres carrés furent rasés. Seize hôpitaux sur 19 avaient été détruits. Mais, aux limites de la zone atteinte, les 18 gares, le pont du chemin de fer, les voies ferrées, les 24 trains stationnés, furent à peine atteints. En trois jours le génie militaire réussit à installer à l'intérieur des quartiers touchés une voie ferrée double. En huit jours l'électricité était rétablie et les usines, toutes situées en dehors de la zone bombardée, qui avaient cessé, faute de personnel, de fonctionner, reprirent très vite leur activité. Car le commandement de l'aviation stratégique avait délibérément visé les quartiers habités, grossissant dans ses communiqués l'importance militaire d'une ville qui n'en avait pas, au dire même d'autres officiers alliés. Depuis deux ans les bombardiers anglais et américains effectuaient sur les agglomérations allemandes des " raids de terreur ", selon l'expression de Goebbels, pour briser le moral allemand. En juillet 1943, Hambourg avait eu cinquante mille morts. Le Reich, à lui seul, reçut pendant toute la guerre la moitié des 2 millions et demi de tonnes de bombes lancées sur le continent par l'aviation. Les derniers mois du conflit virent s'accentuer cette offensive : 120 000 tonnes en 1943, 650 000 en 1944, 500 000 du 1er janvier au 8 mai 1945 570 000 civils y périrent, 885 000 y furent blessés, dont près de 60 000 enfants. Et pour quels résultats concrets dans le développement de la guerre ? Les enquêtes effectuées immédiatement après l'armistice par le commandement américain conclurent que si la stratégie du bombardement systématique des villes atteignit effectivement le moral des Allemands, elle n'eut qu'un effet très réduit sur la réduction de la capacité industrielle. La production de guerre totale s'accrut jusqu'à l'automne 1944 de 300 % en moyenne par rapport à 1940. Et un très suggestif graphique américain montre que l'élévation de la courbe de production est à peu près parallèle à celle du tonnage des bombes lâchées sur l'Allemagne. La guerre ne fut pas gagnée par les bombardiers, mais bien par les blindés et-comme toujours-par les fantassins. Dans cette guerre aérienne, qu'ils étaient les seuls à avoir préparée et qu'ils menaient comme leurs opérations navales, les Britanniques perdirent près de 80 000 hommes et 22 000 appareils, les Américains également 80 000 hommes et 18 000 avions. Mais la RAF l'emporta de très loin dans les bombardements des villes : c'est sur elles qu'elle lâcha la moitié de ses bombes, 430 747 tonnes, plus de cinq fois la quantité lancée par les bombardiers américains, qui se réservaient les objectifs industriels. Le maréchal de l'air Harris, chef du Bomber Command, paya d'une disgrâce de fait les conséquences de la mauvaise conscience qui saisit le gouvernement britannique lorsque fut révélé le scandale de ce bombardement de Dresde. Au sommet, pourtant, les responsabilités majeures revenaient à Churchill, à Attlee, au cabinet de guerre. Ils couvrirent constamment, s'ils ne la provoquèrent pas, cette stratégie " anti-cités " avant la lettre. Les bombardements allemands sur Varsovie en septembre 1939, sur Rotterdam en mai 1940, sur la Grande-Bretagne à l'été 1940, l'avaient inaugurée. Les généraux ensuite se trompèrent sur l'efficacité militaire de ces raids.

Liens utiles