Le bombyx mâle perçoit l'odeur d'une femelle à 11 km de distance

A propos des performances olfactives, il est bon de connaître un grand nombre d'opinions. Vitus B. Dröscher dans son «Le Merveilleux dans le Règne animal» se penche de manière fort agréable sur le cas qu'il dénomme la dictature des parfums amoureux et nous donne, en termes évocateurs, bon nombre de cas où les différentes substances provoquent l'attraction sexuelle. L'ingénieur Lucien Gérardin, dans son ouvrage «La Bionique», nous rend attentifs aux détecteurs naturels et à leur possible utilisation pour les techniques de l'homme, mais toujours avec la grande retenue du scientifique. On notera au passage que le naturaliste Fabre s'est déjà occupé, au XIX" siècle, du Bombyx mon; espèce que nous retenons présentement comme toujours typique de l'argumentation. Fabre avait, à l'époque, marqué les papillons mâles avec des petites marques de peinture et s'était livré à d'intéressants repérages à longue distance et cela à partir du retour à une cage où une femelle était enfermée. Il a été possible de constater qu'un mâle décèle l'odeur de la femelle à quelque 11 km de distance. Le bombyx sait qu'une femelle se désespère en un lieu inconnu aussi loin que cela. Ce n'est pas un appel, il ne serait pas perceptible; on ne doit pas davantage songer à des signaux optiques, ce serait inconcevable. Il faut penser à l'émission d'une odeur, un parfum particulier (la femelle en possède dix millièmes de milligramme); la femelle en attente en vaporise que fort peu dans l'air, mais cela suffit même si ce parfum se trouve assez vite raréfié. Mais cette trace, jugée insaisissable par l'homme, déclenche chez le mâle, à la distance indiquée, les réactions voulues; il va aussitôt «enquêter» sur place. Il n'a été sensibilisé que par quelques molécules du corps organique (le nom est barbare et la formule complexe) qui est l'odeur femelle bien spécifique. Le «nez» extraordinaire du bombyx, ce sont ces antennes en forme de feuille de palmier. C'est un prolongement du système nerveux où se logent 40000 cellules nerveuses sensorielles placées côte à côte. La vie du bombyx est courte, il doit profiter au maximum de ses possibilités, il est donc doté de cet incomparable détecteur. Si l'on prive ce papillon de ces antennes, il est incapable de tout pistage olfactif. A vie éphémère, moyen inusité. Le bombyx, l'image est jolie, ne vit que d'air et d'amour (Dröscher, dixit). Il ne se nourrit pas et ne boit pas non plus. Il n'est capable que d'une chose: utiliser la ration d'énergie reçue dans sa chrysalide sous forme de graisse... après, c'est la mort. Avant il n'aurait guère le temps de voler en aveugle à la recherche d'une femelle. D'ailleurs, il n'a pas le choix: il est fait pour aller au but. C'est la nature! Il doit s'envoler.