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Le « Gandhi des Balkans » revendique la victoire aux municipales du Kosovo

Publié le 17/01/2022

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28 octobre 2000 « Victoire de la démocratie », « moment historique », « participation massive », « miracle » : avant même la fermeture de tous les bureaux de vote, l'administration provisoire des Nations unies au Kosovo (Minuk) usait de superlatifs pour se féliciter du déroulement pacifique des « premières élections libres et démocratiques » dans cette province yougoslave, sortie meurtrie d'une guerre vieille de seulement seize mois. L'heure était d'autant plus au soulagement que ce scrutin municipal aller se solder par la victoire des modérés d'Ibrahim Rugova, le chef albanais ayant revendiqué, dimanche, la victoire de sa formation indépendantiste, la Ligue démocratique du Kosovo (LDK). Toute la journée de samedi, les organisateurs du scrutin ont croisé les doigts pour que ni violence ni irrégularités ne viennent entacher une journée qui avait si bien commencé. Chacun s'étonnait en effet de l'empressement des électeurs à accomplir leur devoir civique. Dans l'attente de chiffres officiels, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), organisatrice du scrutin, saluait ainsi « la participation massive ». De fait, les bureaux de vote n'avaient pas encore ouvert que des files d'attente se formaient. « C'est la première fois que je vote librement. Je ne voulais pas manquer ce moment après tant d'années de souffrance », expliquait Blerim Krasniqi. Ce mécanicien de Pristina, endimanché pour l'occasion, ainsi que toute sa famille, se rappelait les élections clandestines organisées, ces dix dernières années, par les indépendantistes albanais du Kosovo, dans la peur des descentes de police. « Nous n'avons plus à nous cacher des Serbes. C'est vraiment le premier pas vers notre indépendance », ajoutait- il. INCIDENTS MINEURS Blerim s'était déplacé aux aurores pour éviter la foule. Mais tout le voisinage avait visiblement fait le même calcul et il a patienté trois heures pour déposer son bulletin dans l'urne, sous le regard de quelques uns des 15 000 observateurs locaux et étrangers répartis dans les 1 466 bureaux de vote de la province. Juste avant qu'il accomplisse son devoir électoral, la préposée au contrôle des listes avait épluché son registre pendant de longues minutes, pour y retrouver le nom et la photo de Blerim. Derrière lui, des centaines d'autres électeurs faisaient le pied de grue, contraints à l'attente par la complexité de la procédure de vote et les contrôles d'identité. Dans d'autres lieux, des registres sont arrivés en retard. Des électeurs protestaient de ne pas trouver leur nom sur les listes. Résultat : des bureaux de vote ont dû fermer tard dans la nuit pour permettre à un maximum de personnes de voter. « On aurait sans doute pu faire mieux mais il faut se rappeler que les registres d'état-civil ont été détruits ou emportés par les Serbes après la guerre et que des centaines de milliers d'électeurs ont été déplacés », argumentait un observateur étranger. Globalement, seulement quelques incidents mineurs ont été rapportés par les observateurs indépendants du Conseil de l'Europe qui les mettaient sur le compte d'une élection locale « victime de son propre succès ». « Nous avons, je crois, mené à bien une mission jugée impossible il y a quelques mois », se félicitait quant à lui Bernard Kouchner. L'administrateur des Nations unies était radieux, rappelant que cette journée de samedi était à marquer d'une croix sur l'agenda sécuritaire comme « la moins violente » depuis le départ des forces serbes et l'entrée des forces de l'OTAN en juin 1999. Dans son élan, l'ancien ministre français de la santé avança qu'en France, certaines consultations électorales étaient parfois « plus violentes » que celle du 28 octobre au Kosovo. Cette élection, ajoutait le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies au Kosovo, « constitue un record dans les Balkans après dix années d'apartheid, cinquante ans de communisme et des siècles de confrontation ». BOYCOTTAGE SERBE Irrité par l'évocation du boycottage des électeurs serbes du Kosovo (moins de 10 % du corps électoral), Bernard Kouchner a rappelé qu'il le « regrette ». « C'était un choix effectué sous la pression de l'ancien régime, le régime de [Slobodan] Milosevic. Je nommerai des représentants serbes dans toutes les assemblées municipales où ils vivent et nous organiserons aussi tôt que possible des élections dans les municipalités où ils représentent la grande majorité », a-t-il déclaré. Autre entorse à son optimisme, on rapportait en privé, dimanche, son amertume et celle de ses collaborateurs de « n'avoir reçu des gouvernements occidentaux que de tièdes encouragements avant le scrutin, et peu après ». Pour sa part, Belgrade a refusé de « reconnaître les résultats des élections locales [au Kosovo] qui contribuent à légaliser une société mono-ethnique », selon un communiqué du nouveau président yougoslave, Vojislav Kostunica, publié dimanche. Les Albanais du Kosovo soulignent quant à eux, qu'il y a peu, la police et l'armée serbes mettaient la province à feu et à sang. Durant le vote, M. Kouchner avait également rappelé que « les souvenirs et les blessures ne s'effacent pas du jour au lendemain avec l'élection de M. Kostunica », ajoutant que « les victimes n'ont pas disparu parce que les gens se précipitent maintenant à Belgrade ».

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