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Le processus d’intégration Edgar MORIN

Publié le 24/03/2020

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Le processus d’intégration

Edgar MORIN

né en 1921

« Les couleurs de la France » (1996)

La France s’est faite, à partir des rois capétiens, en francisant des populations non franciennes : le francien était le dialecte d’oïl de l’île-de-France et de l’Orléanais, qui, en s’imposant et se surimposant sur les multiples autres dialectes d’oïl et d’oc, est devenu le français.

C’est dire que la France s’est constituée par un processus multi-séculaire de francisation de peuples et d’ethnies beaucoup plus hétérogènes que celles, par exemple, de l’ex-Yougoslavie.

La francisation ne s’est pas seulement effectuée en douceur, mais elle ne s’est pas effectuée seulement par la force. Il y a eu brassages et intégration dans la formation de la grande nation. L’identité française n’a pas impliqué la dissolution des identités provinciales, elle a effectué leur subordination, et elle contient l’identité de la province intégrée, c’est-à-dire la double identité.

La Révolution française a ensuite apporté à la francisation une légitimation républicaine : en opérant une substitution de souveraineté, le peuple se proclame souverainement «grande nation» à la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, où les représentants de toutes les provinces déclarent solennellement leur volonté d’être français. Dès lors la France incorpore, en sa nature même, un esprit et une volonté. La France, sans cesser de demeurer un être terrestre, devient un être spirituel, et cela d’autant plus qu’avec le message de la «Déclaration des droits de l’homme» l’idée de France comporte désormais, dans sa singularité même, l’idée d’universalité. D’où l’amour que l’idée de France a inspiré à tant de proscrits, humiliés et persécutés dans le monde.

La polémique franco-allemande sur l’Alsace-Lorraine, au cours du XIXe siècle, affermit la conception spirituelle de l’identité française. Alors que l’Allemagne considère comme sienne cette terre germanique de langue et de culture, la France la reconnaît sienne par son esprit et sa volonté d’adhésion. C’est bien l’idée volontariste et spiritualiste de la France que la IIIe République a fait triompher sur les idées de race, de sang, de sol que lui oppose le parti antirépublicain, dont les trois composantes : monarchiste, catholique, xénophobe, vont du reste se dissocier.

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« LA FRANCE ET LE MONDE 1 Aussi, dans le cadre intégrateur de la IIIe République, la francisa­ tion se poursuivra au xxe siècle, mais de façon toute nouvelle: non plus 35 à partir de territoires annexés ou ralliés, mais à partir d'immigrants venus des pays voisins.

La France est alors le seul pays d'Europe démo­ graphiquement déclinant, où de plus les terres les moins fertiles sont abandonnées par leurs habitants.

Cette situation attire les premières vagues d'Italiens et d'Espagnols.

La Ine République institue alors les 40 lois qui permettent aux enfants d'étrangers nés en France de devenir automatiquement français et facilitent la naturalisation des parents.

Linstauration à la même époque de l'école primaire laïque, gratuite et obligatoire permet d'accompagner l'intégration juridique par une inté­ gration de l'esprit et de l'âme.

45 C'est ainsi que le processus multiséculaire de la francisation a formé la France.

Au cours de ce processus, la Révolution française a introduit dans le code génétique de l'identité française un principe spi­ rituel et l'idée d'universalité.

Ce qui signifie que le ressourcement fran­ çais, compris dans cette logique historique, n'est pas un processus de 50 rejet ni de fermeture.

Il y a certes eu des difficultés et de très grandes souffrances et humiliations subies par les immigrés, qui ont à la fois vécu accueil et refus, acceptation et rejet, amitié et mépris.

Des réac­ tions xénophobes n'ont toutefois pu empêcher le processus de franci­ sation, et, en deux ou au plus trois générations, les Italiens, Espagnols, 55 Polonais, juifs laïcisés de l'Est ou de l'Orient méditerranéen se sont trouvés intégrés jusque par le brassage du mariage mixte.

En dépit de puissants obstacles, la machine à franciser laïque et républicaine a admirablement fonctionné pendant un demi-siècle.

« Les couleurs de la France», Le Nouvel Observateur, 29 août-4 sept.

1996.

,---, • ~nalysez d'une part le processus de formation de la France, d'autre part celui de francisation des immigrés.

Qu'en concluez-vous? 1, • Resumez les paragraphes 5 et 6.

1 • Relevez les indices qui marquent la subjectivité d'Edgar Morin dans le dernier para- graphe.

1 • Dans un développement composé et argumenté, montrez comment les différences c:ulturelles sont source d'enrichissement.

l_> Groupement de textes: voir 2 -10 - 20.

__ _ _________ _ _____________ , 44. »

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