Devoir de Philosophie

L'échec de la solution militaire en Somalie

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

somalie
28 septembre 1993 - En président pragmatique, Bill Clinton sait faire marche arrière, s'il le juge utile. Appliquant sans tarder la nouvelle doctrine " internationaliste " qu'il avait esquissée vingt-quatre heures plus tôt, à la tribune des Nations unies - et qui impose des limites restrictives à l'action extérieure des Etats-Unis - , le chef de la Maison Blanche a annoncé mardi 28 septembre un véritable aggiornamento de la stratégie américaine en Somalie. L'objectif, a souligné Bill Clinton, doit être désormais de " remettre les affaires de la Somalie dans les mains des Somaliens " et de " fixer une date pour le désengagement des pays qui y participent au maintien de la paix ". Autrement dit, de proclamer la victoire et de partir au plus vite. Le président tourne ainsi le dos, sans l'avouer tout à fait, au " but de guerre " poursuivi depuis plus de trois mois par la " force de réaction rapide " américaine, sous la bannière des Nations unies : capturer mort ou vif le " général " Mohamed Farah Aïdid - maître d'une moitié de Mogadiscio, la capitale somalienne - et qui défie ouvertement Washington depuis plus de trois mois. CE changement d'approche résulte d'un cinglant constat d'échec. Non seulement le " général " Aïdid continue de glisser entre les mailles du filet onusien, mais, surtout, l'entêtement - quasiment obsessionnel - mis à le rechercher a transformé, au fil des mois, ce chef de clan sans scrupules en un héros populaire incarnant la résistance nationale à l' " occupant " étranger. D'erreurs politiques en " bavures " sanglantes - où quelque cinq cents Somaliens et cinquante-six " casques bleus " ont trouvé la mort à ce jour - , la diplomatie de la canonnière avait conduit l'ONU et les Etats-Unis dans une impasse, d'où il était urgent de sortir. En affirmant préférer le dialogue politique aux risques d'une guérilla urbaine sans fin, Bill Clinton donne rétrospectivement raison aux militaires et diplomates italiens, qui - en fins connaisseurs de leur ancienne colonie - avaient publiquement dénoncé les illusions du seul recours à la force. Il donne aussi satisfaction à la fois à l'état-major américain, qui n'a jamais vu d'un bon oeil de faire jouer aux rangers le rôle de policiers dans un milieu beaucoup trop hostile, et aux élus du Congrès, de plus en plus inquiets face aux risques d'enlisement d'une opération qui ne cessait de " dériver " loin de ses objectifs initiaux. Il n'empêche : le revirement de Bill Clinton, pour sage qu'il soit, présente au moins deux inconvénients. Dans l'immédiat, il risque d'encourager d'autres chefs de guerre à défier, ailleurs qu'en Somalie, l'autorité de l'ONU, qui ne manquerait pas d'en pâtir. A plus long terme, il porte ombrage à d'autres éventuelles opérations humanitaires, qui, pour réussir, auraient besoin d'un " accompagnement " armé. Car, en Somalie, on ne saurait oublier l'essentiel : en dehors de Mogadiscio, le pays a retrouvé la paix et l'on n'y meurt plus de faim. BULLETIN Le Monde du 30 septembre 1993

Liens utiles