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L'économie de marché socialiste

Publié le 22/02/2012

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29 mars 1993 - La Chine communiste a accompli un pas symbolique dans la transmutation de sa dictature " de gauche " en dictature " de droite " encore inavouée : la " théorie du socialisme aux caractéristiques chinoises " élaborée par M. Deng Xiaoping pour la lancer dans une " économie de marché socialiste " remplace désormais les communes populaires maoïstes dans sa Constitution. L'économie n'est plus " planifiée " mais " de marché ". La ratification, lundi 29 mars, de ces amendements élaborés par la direction du Parti communiste sans consultation populaire directe constitue, paraît-il, " une étape importante et majeure vers une société placée sous le règne de la loi ", c'est-à-dire un Etat de droit. Mais ce pas en est un de plus sur un parcours consistant pour l'essentiel à tourner en rond au plan politique : la " dictature démocratique du peuple ", version chinoise du bolchevisme, reste inscrite au prologue de la Constitution, et la Chine demeure placée sous la direction morale " du marxisme-léninisme et de la pensée de Mao Zedong ". Ce qui vient d'être fait peut donc être à tout moment défait, en théorie au moins. Témoin de cette absence de progrès, la composition du nouveau gouvernement de M. Li Peng, comme lui nommé pour cinq ans et approuvé massivement par les parlementaires, d'où n'émane aucune volonté de réforme du système politique, ni d'ailleurs aucune surprise. M. Zhu Rongji, modéré, vient en tête des quatre vice-premiers ministres et chapeautera les principaux ministères économiques partagés, de manière un peu confuse, entre ses propres partisans et des hommes devant leur carrière au chef du gouvernement. Puis viennent M. Zou Jiahua, ex-planificateur dont on voit mal les attributions, le chef de la diplomatie, M. Qian Qichen, qui conserve son portefeuille, et l'ex-ministre du commerce extérieur, M. Li Lanqing, qui perd le sien. Parmi les postes ministériels proprement dits, on relève le retour de M. Hu Qili, ancien exclu de la crise de 1989 la présence d'une femme de plus que précédemment, soit trois au total sur quarante ministres (Mme Peng Peiyun au planning familial, Wu Yi au commerce extérieur et Gu Xiulian à la chimie). Pour la première fois, un Tibétain devient ministre : il s'agit de M. Doje Cering, ministre des affaires civiles. Autre représentant des ethnies non chinoises, le Ouïgour Ismail Amat conserve la direction de la Commission pour les minorités nationales mais se voit conférer le titre de ministre d'État. La défense, poste plutôt honorifique, est confiée à l'ex-chef d'état-major, le général Chi Haotian, également ministre d'Etat. Les finances, la sécurité et la police ne changent pas de titulaire. La culture est confiée à un bureaucrate de ce ministère qui ne prendra pas de risques. L'ensemble forme une cohabitation aux caractéristiques chinoises confirmant le grand manque d'imagination du régime. Quant au dégraissage promis, il se résume à l'élimination d'un seul maroquin. La télévision voulait, lundi soir, donner un air de fraîcheur à l'entrée en scène du nouveau gouvernement. On annonça une " interview " des principaux dirigeants. M. Li et ses quatre adjoints se plantèrent devant la caméra et lâchèrent d'un air compassé chacun une phrase sur l'importance de sa tâche et l'honneur que " le peuple " lui avait conféré. Sollicité d'en dire plus, M. Li exhorta la télévision à soutenir le travail du gouvernement. Peu après, le " citoyen ordinaire " interrogé par la caméra-trottoir ne manqua pas d'exprimer son enthousiasme de circonstance avec la plus grande conviction. FRANCIS DERON Le Monde du 31 mars 1993

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