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L'élection de M. Bouteflika provoque une polémique avec Paris

Publié le 17/01/2022

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15 avril 1999 Abdelaziz Bouteflika a remporté l'élection présidentielle du jeudi. Il a été élu dès le premier tour de scrutin avec 73,8 % des suffrages exprimés, selon les résultats officiels proclamés vendredi à Alger par le ministre de l'intérieur, Abdelmalek Sellal. La participation aurait été de 60,25 %. Le candidat soutenu par l'ex-FIS, Ahmed Taleb Ibrahimi, un des six candidats à s'être retirés mercredi à cause des fraudes présumées, arrive en deuxième position avec 12,53 % des suffrages suivi d'un autre islamiste, Abdallah Djaballah (3,95 %). Viennent ensuite le socialiste Hocine Aït Ahmed (3,17 %) et les candidats indépendants Mouloud Hamrouche (3 %),Mokdad Sifi (2,24 %) et, enfin, Youcel El Khateb (1,22 %). Ces six candidats avaient rejetté par avance "la légitimité" des résultats. La police a réprimé sans ménagement les quelques centaines de manifestants qui, vendredi après-midi, s'étaient réunis à l'appel du Front des forces socialistes (FFS) dans le centre d'Alger pour une "marche pacifique contre la dictature", interdite par les autorités. Les relations entre la France et l'Algérie du vainqueur des élections présidentielles du jeudi 15 avril commencent mal. Les résultats de l'élection à peine connus, Abdelaziz Bouteflika s'en est pris à l'ancienne puissance coloniale. "Dites à la France de s'occuper [... ] davantage de [ses] affaires que de celles de mon pays", a lancé le successeur du président Zeroual au cours d'une conférence de presse vendredi en fin d'après-midi. La raison de ce coup de sang tient au commentaire du ministère français des affaires étrangères qui a suivi la proclamation des résultats, vendredi matin, à Alger. Alors que les Etats-Unis, via le département d'Etat, faisaient part de leur "déception" et parlaient d' "occasion perdue", la France, par l'intermédiaire du Quai d'Orsay, se disait "préoccupée" par les circonstances de l'élection présidentielle. "Les autorités algériennes s'étaient engagées à plusieurs reprises à garantir la tenue d'élections libres, transparentes et pluralistes", rappelait la porte-parole du Quai, Anne Gazeau-Secret. "Décalage" Pourtant mesurées, ces phrases inspirées par le retrait de la compétition de six des sept candidats pour cause de fraude présumée, ont été peu appréciées de M. Bouteflika. Se disant "profondément choqué " par "cette forme de protectorat et de souveraineté limitée" pratiquée, selon lui par Paris, il a conclu : "La France doit cesser de faire de l'Algérie un point de fixation." Le ministre algérien des affaires étrangères devait aller un peu plus loin en parlant d' "interférence inacceptable dans les affaires intérieures de notre pays". Ces récriminations n'ont pas empêché le chef de la diplomatie française, Hubert Védrine, d'enfoncer le clou. Les conditions de l'élection présidentielles sont une "préoccupation" pour la France, a confirmé, dans la soirée de vendredi, le ministre. Et d'ajouter : "Il y a manifestement un décalage entre l'espérance qui s'attachait à cette élection et ce qui s'est finalement produit." "Ce qui s'est finalement produit" tient en quelques chiffres. Quelque 10,5 millions d'électeurs, sur les 17,5 millions inscrits, si l'on s'en tient aux données officielles, ont voté jeudi, soit un taux de participation de 60,25 %. A noter que la communauté algérienne à l'étranger s'est peu mobilisée (33,1 % de participation) tandis que la communauté kabyle a déserté les bureaux de votes (6,6 % de participation dans la willayat de Bejaia et 5,73 % dans celle de Tizi-Ouzou). Appel à la grève Comme prévu, M. Bouteflika l'a emporté, d'après les chiffres officiels, haut la main avec 73,8 % des suffrages exprimés, face à ses six adversaires qui s'étaient retirés la veille mais dont les bulletins étaient disponibles dans les bureaux de vote. "Il y avait sept chevaliers, six d'entre eux se sont retirés. Le septième est donc arrivé premier", a commenté le vainqueur. Viennent derrière M. Bouteflika, deux candidats qui bénéficiaient du soutien des islamistes, Ahmed Taleb Ibrahimi et Abdallah Djaballah. Les quatre autres "vrais faux" candidats font des scores compris entre 3 % et 1 %. Pour l'opposition ces chiffres sont manipulés . Selon le FFS, qui s'appuie sur une fuite du ministère de l'intérieur, la participation à l'élection n'a pas dépassé 23,3 % dans les faits. C'est également le taux qui avait été indiqué au Monde par une source militaire. Selon cette dernière, M. Bouteflika n'aurait obtenu que 28 % des suffrages exprimés, soit à peine un peu plus d'un million de voix. Il arriverait devant MM. Ibrahimi (20 %), Aït Ahmed (13,3 %), Djaballah (12,8 %) et Hamrouche (12,2 %). Si vendredi soir les partisans de M. Bouteflika ont bruyamment manifesté leur joie dans les rues du centre de la capitale, quelques heures auparavant la police avait réprimé sans ménagement une "marche pacifique contre la dictature militaire" organisée à l'initiative du Front des forces socialistes mais interdite par les autorités. Celles-ci avaient mis en avant pour justifier leur refus le fait que la demande de manifester n'avait pas été présentée dans les délais légaux (huit jours). Une nouvelle manifestation sera organisée le lundi 26 avril dans la capitale algérienne à l'initiative du FFS mais avec le soutien du "groupe des six" (moins Mokdad Sifi, l'ancien ministre du président Zeroual). Et le jour de l'investiture du nouveau président - dont la date n'est pas encore fixée - les mêmes ont appelé la population à cesser toute activité pendant une heure. JEAN-PIERRE TUQUOI Le Monde du 19 avril 1999

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