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Les passions. Introduction

Publié le 29/06/2010

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1. PASSION ET EMOTION

* Passion et émotivité. L'émotion s'empare fréquemment des âmes passionnées, révélant ainsi leurs sentiments au-dehors. Rappelons-nous l'émoi qui trahit la passion que Phèdre éprouve pour son beau-fils Hippolyte :

« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue : Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue : Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler : Je sentis tout mon corps et transir et brûler. « (Racine, Phèdre, Acte I, scène 3, 1677)

* Une « émotion à l'état chronique « (Ribot). Certains, tels le psychologue Ribot (1839/1916), n'ont voulu voir entre passion et émotion qu'une différence de degré : la passion, écrivait Ribot, est « une émotion prolongée, une émotion à l'état chronique « (Essais sur les passions, 1907).

2. PASSION ET IMAGINATION

* Irrationalité de la passion. a) Non seulement la passion n'est pas volontaire (cf. § 3), mais elle paraît, en outre, insuffisamment motivée, injustifiable da point de vue de la raison. b) Proust a ainsi souligné comment l'amour le plus intense peut être suscité par un être presque inconnu de nous, dont l'évanescence même contribue à déclencher la passion : « Que connaissais-je 'd'Albertine ? un ou deux profils sur la mer, on aime sur un sourire, sur un regard, sur une épaule. Cela suffit ; alors dans les grandes heures d'espérance ou de tristesse on fabrique une personne, on compose un caractère «. (A la recherche du temps perdu - Albertine disparue, 1913-1927).

* Tendance obsessionnelle de la passion. « La passion, selon Ribot, est dans l'ordre affectif ce que l'idée fixe est dans l'ordre intellectuel « (Psychologie des sentiments, 1896). • Pensez à l'avarice d'Harpagon (dans L'Avare, de Molière), \ toujours et exclusivement préoccupé d'argent ; de même, dans les Fourberies de Scapin, un autre avare, Géronte, père de Léandre, répète inlassablement — lorsqu'il apprend l'enlèvement de son fils par des pirates turcs qui réclament une rançon : « Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? « (Acte II, scène 7 ; 1671). • Pensez au vers de Lamartine : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé « (Méditations poétiques, 1820).

* La passion fausse la perception de son objet.

a) Déformation de l'objet par la passion. Descartes note que les passions «font paraître presque toujours, tant les biens que les maux qu'elles représentent, beaucoup plus grands et plus importants qu'ils ne sont « (Traité des passions, article 138, 1649).

b) Valorisation de l'objet par l'amour. Lucrèce (1er siècle av. J.-C.) remarquait que l'aveuglement de la passion pousse d'ordinaire les hommes à « attribuer à celles qu'ils aiment des mérites qu'elles n'ont pas « (De la nature, chant IV, vers 1153-1154).

c) La cristallisation (Stendhal). • Soit un petit rameau de charmille déposé dans les salines de Salzbourg : on s'aperçoit que « la cristallisation du sel a recouvert les branches noirâtres de ce rameau avec des diamants si brillants et en si grand nombre, que l'on ne peut plus voir qu'à un petit nombre de places ses branches telles qu'elles sont « (Stendhal, De l'amour, 1822). • Aussi, Stendhal appelle-t-il cristallisation ce phénomène de modification de la perception par la passion : la cause de la passion n'est plus appréhendée « telle qu'elle est réellement, mais telle qu'il vous convient qu'elle soit « (Ibid.).

 

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