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Les Quinze jugent « légitime » une riposte américaine qui serait « ciblée »

Publié le 17/01/2022

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11 septembre 2001 Le malheur qui frappe l'Amérique a la conséquence inattendue de souder les Européens entre eux et de les forcer à accélérer leur coopération judiciaire et policière, qui a longtemps fait figure de parent pauvre des politiques communautaires. Telle est la conclusion qui s'impose à la lumière des discussions du Conseil européen extraordinaire qui s'est tenu dans la soirée de vendredi 21 septembre. Les chefs d'Etat et de gouvernement avaient souhaité conférer solennité et force aux messages de solidarité que leurs pays respectifs adressent depuis huit jours au peuple et aux autorités américaines. L'effet répétitif inhérent à ce genre d'exercice est cependant atténué par l'unanimité avec laquelle le Conseil européen affirme son soutien à une riposte militaire américaine, qu'il justifie par avance, et aussi par l'annonce d'un véritable plan d'action de lutte contre le terrorisme. Le second message des Quinze est de rejeter « tout amalgame entre les groupes de terroristes fanatiques et le monde arabe et musulman », et le dernier vise à rassurer des opinions publiques inquiètes des conséquences économiques des attentats contre l'Amérique, et à lancer un appel au calme aux marchés financiers, lesquels font subir aux Bourses les soubresauts que l'on sait (lire pages 2 et 3). Enfin, par souci d'éviter un rapprochement dangereux entre les attentats terroristes et la situation au Proche-Orient, celle-ci n'a été abordée qu'au cours du dîner qui a réuni les chefs d'Etat et de gouvernement. « CHACUN SELON SES MOYENS » Dans des termes très similaires à ceux figurant dans le communiqué commun euro- américain adopté jeudi à Washington (Le Monde daté 21 septembre), les Quinze affirment leur volonté de coopérer avec les Etats-Unis pour traduire en justice les auteurs et responsables des attentats. Ils estiment qu'une riposte américaine est « légitime », sur la base de la résolution 1368 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée le 12 septembre, ce qui signifie qu'une autre résolution n'est pas nécessaire, comme l'ont confirmé à la fois José Maria Aznar, le chef du gouvernement espagnol, Jacques Chirac, et le chancelier Gerhard Schröder. Chaque pays est prêt à s'engager aux côtés des Américains, « chacun selon ses moyens », dans des actions qui doivent être « ciblées ». En outre, l'Union appelle à la formation d'une « coalition globale aussi large que possible contre le terrorisme, sous l'égide des Nations unies », laquelle devrait comprendre, outre les Etats-Unis et l'Union européenne, la Russie, les pays candidats à l'adhésion et « nos partenaires arabes et musulmans ». Cette déclaration n'est cependant pas un blanc-seing apporté aux Etats-Unis. Certes, l'unanimité affichée par les Européens pour soutenir une intervention militaire américaine est impressionnante, mais elle est encore de principe. C'est lorsque les opérations militaires, sur le terrain, auront commencé, que les Européens seront au pied du mur. « Pour l'instant, nous ne pouvons pas aller plus loin dans la réflexion, a noté Jacques Chirac, Nous attendons que les Américains décident ce qu'ils veulent faire. » Chacun alors se déterminera, en fonction de son opinion publique, de sa marge de manoeuvre politique et parfois constitutionnelle, de ses moyens. « Je n'ai pas de problème » par rapport à une opération militaire, a assuré Gerhard Schröder. Peut-être, mais, outre que la question de la participation effective de soldats allemands dans des combats reste très délicate, les Verts poseront sûrement des problèmes au chancelier. Les pays scandinaves, qui ont insisté pour que la « coalition globale » contre le terrorisme agisse sous l'égide des Nations unies, ne sont pas prêts à accepter des bombardements massifs qui risquent d'être aveugles, pas plus que la France, qui souhaite une riposte « efficace, proportionnée et adaptée », et s'inquiète à l'avance du sort des populations civiles. Paris n'a d'ailleurs pas de « certitude absolue » quant à la culpabilité d'Oussama Ben Laden, mais « tout converge vers la confirmation de cette idée », a précisé M. Chirac. Fidèle à sa tradition de neutralité, l'Autriche, d'autre part, n'enverra pas de soldats sur le terrain. Autant dire que l'unanimité des Européens, à ce stade, n'est que politique, et qu'elle n'engage aucun d'entre eux à s'associer à d'éventuelles frappes militaires. Les Américains n'en demandent pas tant, et Colin Powell, le secrétaire d'Etat américain, se montre sur ce point très conciliant. Les Quinze s'inquiètent à l'avance du sort des réfugiés afghans, dont M. Chirac a qualifié la situation d' « intolérable », et d'« inacceptable », oubliant qu'elle l'est depuis dix ans... La Commission est cependant invitée à établir d'urgence un programme d'aide en leur faveur. Les Européens estiment avoir une responsabilité particulière pour convaincre le « monde arabo-musulman » que la « croisade » un moment annoncée par le président Bush n'est pas dirigée contre lui. Un amalgame avec les terroristes serait profondément injuste, a estimé M. Chirac, et constituerait « un piège tendu par les terroristes qui recherchent le choc des civilisations ». La lutte contre le terrorisme, a renchéri Gerhard Schröder, c'est « un combat pour la culture et non pas des cultures ». S'ils rejettent le lien entre la lutte contre le terrorisme et la situation au Proche-Orient, les Européens n'en sont pas moins soucieux de l'impact des attentats américains sur le processus de paix. Le Conseil européen a donc chargé la troïka européenne (le Belge Louis Michel, président en exercice du Conseil des ministres de l'Union, Javier Solana, Haut représentant pour la politique extérieure et de sécurité commune, et Chris Patten, commissaire européen chargé des relations extérieures) de se rendre, la semaine prochaine, dans cinq pays de la région (Egypte, Jordanie, Syrie, Arabie saoudite et Iran). Il s'agit bien sûr de montrer que l'Europe tient à demeurer impliquée au Proche-Orient, mais aussi de souligner que sa solidarité aux côtés des Etats-Unis ne saurait remettre en cause ses relations traditionnelles avec le « monde arabo-musulman ».

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