Manifeste d'octobre

Dix mois après le Dimanche rouge de Saint-Pétersbourg, le tsar Nicolas II se trouve face à une opposition menaçant son pouvoir autocratique. Ouvriers et paysans multiplient les manifestations et les grèves (dont la plus importante est celle du 20 au 30 octobre). Las du régime ultra-réactionnaire, les libéraux réclament une monarchie constitutionnelle représentative et les libertés fondamentales individuelles et collectives. Les intellectuels, tel Tolstoï, dénoncent la paupérisation du peuple et les méthodes fratricides de l’État russe.

Pour parer à tout désordre irrémissible, Nicolas II, conseillé par son ministre Witte, proclame un texte tactique d’apaisement reconnaissant la liberté d’expression (mais pas nommément la liberté de la presse) et annonçant des élections à la Douma. Pour autant, la Russie ne s’engage pas sur le chemin des démocraties libérales de type occidental même si, comme le souligne l’historien Nicholas Riasanovsky, avec le Manifeste d’octobre, l’empire des Romanov est censé devenir une monarchie constitutionnelle.

De fait, Nicolas II a agi en pensant à l’adage diviser pour mieux régner. Satisfaits par les réformes, les libéraux laissent, en effet, le tsar réprimer le mouvement socialiste urbain et rural, qui a rejeté le manifeste et ne cesse d’étendre sa contestation. L’écrasement des insurrections de Tbilissi et de Moscou, à la mi-décembre, scelle l’échec de la révolution et un revirement radical, puisque le tsar abroge aussitôt les réformes de 1905, puis dissout la Douma.