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Massimo D'Alema dote l'Italie d'un gouvernement ouvert

Publié le 17/01/2022

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21 octobre 1998 - Les néo-communistes côtoient des démocrates-chrétiens et des verts dans un cabinet salué par le président de la République Oscar Luigi Scalfaro comme "un événement historique" Massimo D'Alema n'arrêtait pas de sourire, mercredi 21 octobre, lors de la prestation de serment de son gouvernement. Ils furent vingt-cinq à défiler devant lui, et le chef de l'Etat, Oscar Luigi Scalfaro, pour prononcer les paroles rituelles. Le nouveau président du conseil était manifestement heureux. Triplement heureux. Parce que, d'abord, il était parvenu rapidement à former le nouvel exécutif. Ensuite parce que prenait fin la crise née de la rupture du néo-communiste Fausto Bertinotti le 4 octobre et de l'impossibilité, cinq jours plus tard, pour Romano Prodi d'obtenir la confiance de l'Assemblée. Enfin parce qu'évidemment, non seulement Massimo D'Alema en personne avait conquis le pouvoir mais aussi, par la même occasion, parce que ce succès mettait fin à un long ostracisme de ce qui fut le Parti communiste devenu aujourd'hui le Parti démocratique de la gauche (PDS). Oliviero Diliberto, le nouveau ministre de la justice, communiste, le dira pour tous : "Voilà cinquante ans que nous attendions ce moment." Car si un ex-communiste préside désormais aux destinées de la péninsule, deux néo-communistes, Oliviero Diliberto ancien président du groupe parlementaire Refondazione comunista et désormais membre du groupe sécessionniste d'Armando Cossutta, Comunisti italiani ainsi que Katia Bellillo une pédagogue de quarante-sept ans qui hérite du nouveau ministère des affaires régionales font leur entrée au gouvernement. Jusqu'à présent, les communistes s'y étaient refusés. Il s'agit d'autant plus d'une première qu'ils vont côtoyer ceux qui, jusqu'à il y a peu de temps, étaient encore leurs ennemis jurés, les démocrates-chrétiens renaissants de Francesco Cossiga. Trois membres de l'UDR (Union démocratique pour la République) font en effet leur entrée dans le cabinet D'Alema : l'ancien président du Sénat, Carlo Scognamiglio à la défense, Salvatore Cardinale aux postes et télécommunications et Gianguido Folloni aux relations avec le Parlement. Il s'agissait de la condition sine qua non du soutien de l'ancien président de la République qui a salué "l'événement historique de la recomposition du corps de la nation et la construction d'un modèle européen de gouvernement de coalition et d'alternative dialectique et non conflictuelle entre les grandes sphères politiques nationales et européennes". Il est vrai que jamais un tel rapprochement ne s'était produit en Italie. Un exécutif n'avait jamais puisé dans un tel éventail de forces politiques (huit au total) car outre les deux partis déjà mentionnés, sept ministres appartiennent au PDS, principale formation de la majorité, contre neuf précédemment, cinq au Parti populaire dont le vice-président Sergio Mattarella , l'ancienne aile gauche de la Démocratie chrétienne aujourd'hui membre de la coalition de l'Olivier, deux autres au Parti de Lamberto Dini (Rinnovamento italiano), deux autres encore aux Verts, un seul au nouveau Parti socialiste, sans parler des "techniciens" comme Carlo Azeglio Ciampi, reconduit dans ses fonctions de super-ministre de l'économie, et Giuliano Amato au poste-clé de ministre des réformes. "Un spectacle déprimant" Afin de mieux faire comprendre l'ampleur du spectre, il convient enfin de noter que le nouveau cabinet comporte trois anciens présidents du conseil ; six femmes (une autre première en Italie) dont fait unique, l'une d'entre elles, Rosa Russo Jervolino, au ministère de l'intérieur ; que huit ministres parmi les plus importants conservent leurs fonctions ; que trois autres changent d'affectation et que treize nouvelles têtes apparaissent dont celle d'Antonio Bassolino (travail), maire de Naples et artisan du redressement de cette ville. Massimo Cacciari, maire de Venise, a décliné l'invitation, de même qu'Emma Bonino, qui a préféré conserver ses fonctions de commissaire européen. Apparemment, "il y a eu des problèmes mais pas de drame", dans les arbitrages, a assuré Massimo D'Alema avant de rendre hommage à ceux qui s'étaient sacrifiés pour que naisse ce pouvoir aux multiples facettes dans lequel Fausto Bertinotti voit déjà des germes d'instabilité en raison "des modalités et des tractations dignes du temps de la Démocratie chrétienne" qui ont présidé à sa gestation. Massimo D'Alema a fait ses adieux avec un peu de nostalgie au siège du parti, via Botteghe Oscure, bastion du PCI. "Il me manquera, ce bâtiment", a-t-il confié avant de se rendre à l'Assemblée, où il a prononcé jeudi son discours d'investiture et exposé son programme de gouvernement. Le vote de confiance devrait avoir lieu vendredi et la semaine prochaine au Sénat. Sincère, il a reconnu qu'il avait un peu d'appréhension face à "ce chemin inconnu" qu'il allait devoir parcourir. Pour le moment, il dispose de la bénédiction des syndicats, et le patronat s'est bien gardé de condamner à l'avance l'arrivée au palais Chigi d'un homme qui, il y a quelques années encore, aurait provoqué une levée de boucliers. Giovanni Agnelli, dans un entretien à La Stampa, avoue même qu'il voterait la confiance. En général, on attend prudemment de juger sur pièces. Seule l'opposition ne décolère pas et prépare un vaste rassemblement samedi prochain à Rome pour protester contre ce gouvernement taxé d'"illégitime". La nomination d'un communiste au ministère de la justice a été durement critiquée. Pour Gianfranco Fini, président d'Alliance nationale, il s'agit "d'un saut en arrière de dix ans, du retour de la partitocratie, d'un spectacle déprimant". MICHEL BOLE-RICHARD Le Monde du 23 octobre 1998

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