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Philippe Pétain, le plus illustre des grands chefs

Publié le 17/01/2022

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17 juin 1940 - " Le vainqueur de Verdun, celui qui grâce à qui les assaillants de 1916 n'ont pas passé, celui grâce à qui le moral de l'armée française en 1917 s'est ressaisi pour la victoire, le maréchal Pétain [...] est désormais à mes côtés comme ministre d'Etat, vice-président du conseil. Mettant toute sa sagesse et toute sa force au service du pays, il y restera jusqu'à la victoire "... Dans ce discours radiodiffusé du 18 mai 1940, alors que le moral des Français est anéanti par la percée sur la Meuse, Paul Reynaud se sert du plus illustre des " grands chefs " encore vivants. On trouve dans cette présentation tous les thèmes du maréchalisme ordinaire, qui en quelques semaines deviendra une maréchalolâtrie délirante. Et l'ombre portée de son action pendant les années noires, la politique de collaboration, le Vichy répressif puis policier ne facilitent pas la tâche de qui veut présenter le Philippe Pétain d'avant 1940. Il y a peu à dire des six premières décennies de sa vie : à dix années d'internat succédèrent quarante ans de garnison. La Grande Guerre, comme on le sait, en fera un " grand chef ". En août 1914, colonel un peu obscur, il mena son régiment avec suffisamment de maîtrise, dans le repli qui suivit la bataille des frontières, pour être fait général de brigade. En mai 1915, le 33e régiment, qu'il commandait, parvint à reprendre deux villages, un des rares succès de cette offensive : sa promotion flatteuse au grade de général d'armée couronnait moins la méthode utilisée que les résultats. Verdun lui donna sa stature nationale. Placé en urgence à la tête de la IIe armée, il gagna la bataille d'usure lancée en février 1916 par le Kronprinz et devenue le symbole de la Grande Guerre. La postérité retient l'image du salut qu'il adresse, du perron de la mairie de Souilly, son QG, aux troupes empruntant, dans les deux sens, la Voie sacrée qui relie Bar-le-Duc à Verdun ou bien encore la chute célèbre de son ordre du jour du 10 avril 1916 : " Courage, on les aura ! " " L'homme de la défensive " Les polémologues soulignent qu'il fut alors en avance sur son temps il ne voulait pas faire en 1914 la guerre qui avait été manquée en 1870 il récusait la nécessité de l'offensive pour l'offensive, théorie dominante dans l'état-major français et l'analyse réaliste des conditions du terrain l'avait conduit à accorder une importance primordiale au " feu qui tue ", à préconiser une stratégie défensive. Cette nouvelle tactique lui fit établir les lignes de défense en profondeur, et exiger un bombardement intensif avant toute attaque. Il y gagna parmi les combattants la réputation - essentielle - de savoir épargner ainsi le sang de ses hommes, ce qui le distinguait de la plupart des autres " grands chefs ". Et comme il sut, mieux que les autres aussi, goûter au pinard, prêter attention au tour des permissions, améliorer les cantonnements, bref, s'intéresser d'un peu près aux conditions concrètes de la vie du fantassin, dans la mémoire des " poilus " s'imposa le souvenir d'un chef humain, pas comme les autres. Il sera fait maréchal de France le 8 décembre 1918 avant d'entrer à la tête des troupes dans Metz libérée. Un " maréchal républicain ", moins clérical que ses collègues. La gauche s'en enticha aussi parce que, comme le dira avec pertinence Paul Reynaud en 1945, " il était l'homme de la défensive, et que la défensive était de gauche ". Lorsqu'il fut nommé, en mars 1939, ambassadeur à Burgos (où il fit montre d'habileté), c'était à qui lui adresserait le plus de louanges : " Un tel ambassadeur juche tout de même un peu trop haut l'apprenti dictateur auprès de qui on accrédite le plus noble, le plus humain de nos chefs ", écrit Léon Blum et l'Humanité s'indigne de " l'humiliation infligée à la France de voir son soldat le plus honoré attendre le bon vouloir du traître Franco ". La suite, on la connaît. Sans doute fut-il madré et sut-il prendre la tête du clan de l'armistice. Mais il eut surtout l'habileté d'exploiter les failles du camp adverse, tout en jouant avec efficacité d'une stratégie hexagonale. Il ne courait pas après le pouvoir pour le pouvoir, mais il se voyait depuis longtemps comme le recours qu'il avait été en 1917. Sa popularité, qui était grande et encore intacte, allait en faire le thaumaturge à qui se confier dans le malheur. En réalité arrivait aux affaires un homme d'ordre, froid, pessimiste, ingrat à la fois par réalisme et par sécheresse de coeur, prisonnier d'une vision quasi exclusivement hexagonale, et tout à fait convaincu de sa valeur. Il avait tout ce qu'il fallait pour mener d'en haut la révolution culturelle qui était à ses yeux la sauvegarde de la " France éternelle ".

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