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Pourquoi Jacques Chirac payait-il ses places d'avion en espèces ?

Publié le 17/01/2022

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22 juin 2001 L'ÉQUATION judiciaire et constitutionnelle reste encore sans réponse. Le président de la République peut-il être poursuivi pour des délits commis avant son accession à l'Elysée ? Peut-il seulement être interrogé en qualité de témoin ? Deux juges d'instruction, Patrick Desmure et Eric Halphen, enquêtant respectivement sur le financement du RPR et sur les HLM de Paris, se sont déclarés « incompétents » pour poursuivre leurs investigations après avoir mis en évidence des « indices » à l'encontre de Jacques Chirac. La question est une nouvelle fois posée, depuis vendredi 22 juin, au parquet de Paris, après la découverte du paiement en argent liquide de billets d'avion au profit de M. Chirac et de son entourage direct. Entre 1992 et 1995 - soit à une période durant laquelle il était encore maire de Paris -, l'actuel chef de l'Etat, son épouse, sa fille Claude et l'un de ses conseillers, le sénateur (RPR) Maurice Ulrich, auraient fait régler en espèces quelque 2,4 millions de francs de frais de voyages, en France et à l'étranger, ainsi que l'indiquait, dimanche 24 juin, le site Internet de l'hebdomadaire L'Express. Confirmées au Monde, lundi matin, par plusieurs sources, ces informations ont été communiquées au procureur par les juges Armand Riberolles, Marc Brisset-Foucault et Renaud Van Ruymbeke, chargés de l'enquête sur les lycées de la région Ile-de-France. Postulant que ces versements pourraient être liés aux « commissions » versées par les entreprises en marge des attributions de marchés franciliens, les magistrats avaient auparavant ordonné des vérifications, qui ont mis en relief l'opacité ayant entouré les déplacements du futur président. Des perquisitions effectuées au siège de l'agence Gondard Voyages, à Neuilly (Hauts-de- Seine) et des auditions de leurs dirigeants, recueillies la semaine dernière par la police, il ressort que le nom de M. Chirac n'apparaissait que sur les billets, mais non sur les factures, libellées au nom de « M. Bernolin » et de « M. Pierac ». L'homme spécialement chargé, au sein de l'agence, de l'organisation de ces voyages, Maurice Foulatière, a confirmé avoir choisi ces faux noms « au hasard » pour dissimuler l'identité des voyageurs, et ce « pour des raisons de sécurité ». Déjà interrogé, le 12 avril 2000, dans le cadre d'une instruction ouverte sur une plainte du syndicat des pilotes d'Air France, M. Foulatière avait relaté qu'en 1993 « le secrétariat de M. Jacques Chirac, alors maire de Paris, [avait] contacté l'agence Gondard pour demander l'organisation d'un voyage à New York pour M. Chirac, sa fille et leur garde du corps ». Emise le 17 juillet 1993, la facture s'était montée à 119 339 francs, pour un vol effectué en Concorde, les frais d'hôtels et la location d'une voiture avec chauffeur. « Le secrétariat de M. Chirac m'a téléphoné, précisait-il. Il m'a été demandé le montant [...]. Ce montant m'a été apporté à l'agence, à Neuilly, en espèces, par un des chauffeurs de M. Chirac. » Il concluait alors : « C'est la seule fois où M. Chirac a réglé un voyage de la sorte, en espèces. » Les éléments recueillis par les enquêteurs semblent attester le contraire. L'Elysée a toutefois contesté l'estimation à 2,4 millions de francs pour les vols utilisés par M. Chirac et ses proches, parlant d' « amalgame disparate » entre des voyages « d'ordre privé » et « d'ordre politique ». Le procureur devra dire si le chef de l'Etat peut ou non expliquer aux juges ce distinguo - et justifier l'origine des fonds utilisés.

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