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Qui étaient les résistants ?

Publié le 17/01/2022

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27 mai 1943 - Les acteurs de la Résistance - comme les partisans du régime de Vichy - ont ils été simplement des individus rassemblés par les circonstances ou des groupes sociaux caractéristiques de la société française contemporaine ? Dés éléments de réponse sont apportés dans des thèses d'histoire régionale réalisées à partir des données fournies par les offices départements ruraux de la zone occupée (Ille-et-Vilaine, Nièvre, Somme) et dans un département de zone sud à vocation " tertiaire ", les Alpes-Maritimes. Première remarque : le résistant est un minoritaire dans la population française de treize à soixante-quinze ans. Les pourcentages ont pu varier au cours de la guerre, mais, dans les départements où ils ont été établis, ils se situent aux environs de 1 %. La résistance constitue donc-comme la collaboration-une frange étroite de la société de son temps, les effectifs des clandestins étant toutefois légèrement supérieurs à ceux des partis autorisés par les allemands ou par Vichy. Cette minorité abrite elle-même d'autres minorités : les étrangers et les femmes. En dépit des dangers que leur valait leur situation de réfugiés politiques de la part des allemands comme du gouvernement de Vichy, les étrangers prirent une part active à la Résistance, toujours proportionnellement supérieure à ce que représentait leur contingent dans la population française de l'époque. On ne s'étonnera pas que 7 % d'immigrés, dont 4 % d'Italiens antifascistes, aient rejoint les rangs des résistants dans un département de repli de zone sud comme les Alpes-Maritimes, mais ils sont 3 %, Espagnols réfugiés depuis 1939, à combattre en Ille-et-Vilaine. Des pourcentages analogues ont pu être relevés dans différentes régions de la France. Etudiants, lycéens Ce qui frappe surtout, c'est la disproportion très nette entre la représentativité masculine et la représentativité féminine la proportion des femmes dans la population résistante n'excède jamais 12 %. Comment analyser cette faible représentativité des femmes ? celles-ci ont-elles été réellement peu nombreuses dans la population résistante ou, au contraire, leur présence dans la guerre a-t-elle constitué un phénomène nouveau et, de ce fait, important ? On peut se demander, en effet, si c'était un acte insolite, de la part d'une femme, que de participer au combat militaire et politique jusque-là réservé aux hommes, ou un geste naturel pour une population opprimée (qui comptait, rappelons-le, une forte proportion de femmes). Il faut souligner aussi le caractère de jeunesse des résistants, particulièrement marquée à Défense de la France et à Témoignage chrétien, qui comptent une forte proportion d'étudiants, de lycéens et de membres d'associations de jeunesse catholiques cette jeunesse ne l'est pas moins dans le mouvement de zone sud, Franc-tireur, où 38 % des effectifs n'avaient pas trente ans en 1940. Il serait inexact d'expliquer ce caractère en privilégiant l'institution du STO (service du travail obligatoire en Allemagne), qui fut moins un agent recruteur de la Résistance qu'on ne l'a souvent prétendu. Très tôt, et pas seulement en zone occupée, les jeunes ont pris une part active à la lutte clandestine, et celle-ci ne s'est jamais démentie : dans un département comme le Maine-et-Loire, un tiers des déportés résistants ont été des garçons et des filles âgés de dix-huit à trente ans. Si toutes les catégories sociales ont été représentées dans la Résistance, le poids de chacune d'entre elles n'a pas été le même que dans l'ensemble de la population active. La large participation de la classe ouvrière à la Résistance s'explique aisément. Celle-ci avait déjà été sensibilisée, dès 1934, à la lutte antifasciste en France par les partis ouvriers et les syndicats, et elle avait été directement ou indirectement mêlée à la guerre d'Espagne, qu'elle soit intervenue dans le conflit en combattant dans les Brigades internationales ou qu'elle ait simplement soutenu les républicains espagnols. L'occupation allemande venue, d'autres facteurs concoururent à cet engagement dans la Résistance : politique répressive des Allemands et du gouvernement de Vichy, vie chère et aggravation des conditions de travail et, brochant sur le tout, le STO, dont les ouvriers furent les principales victimes. La sous-représentation des paysans est en revanche moins facile à expliquer. La présence de beaucoup des leurs dans les stalags ne semble pas un argument satisfaisant, non plus que l'attrait que purent exercer sur eux les mouvements de collaboration : celui-ci fut très faible, en zone nord comme en zone sud, les agriculteurs se méfiant d'une façon générale de tout ce qui vient de la ville (ce qui fut aussi le cas de la Résistance). Sans nul doute la politique de " retour à la terre ", le corporatisme de Vichy et, pour les anciens combattants, le " mythe Pétain " sont des éléments d'explication, mais ils ne paraissent pas suffisants. Les deux cas des commerçants et artisans et des employés du secteur privé sont plus complexes. Dans les deux cas, on se trouve en présence de représentants des classes moyennes, d'ordinaire antiparlementaires et anticommunistes, souvent aussi membres des " ligues " d'avant-guerre. Comment expliquer dès lors leur engagement important dans la Résistance ? L'occupation allemande (à quelque moment qu'elle se soit produite) fut-elle pour eux un catalyseur et les fit-elle opter pour un nationalisme qui reléguait au second rang leur anticommunisme ? Les mêmes remarques s'appliquent à la petite et moyenne bourgeoisie, ainsi qu'à la catégorie des employés. Cette scission au sein de ces catégories sociales met à la fois en évidence l'ambiguïté de leur attitude, qui ne permet pas de parler d'une conscience de classe, et leur motivation fondamentale : le patriotisme plus que l'antifascisme. Endogamie L'analyse socioprofessionnelle permet aussi de marquer la corrélation entre l'appartenance à un groupe social et l'engagement à tel mouvement ou tel réseau. L'exemple le plus frappant est donné par le " bloc " FTP-Front national, vers lequel sont allés de nombreux ouvriers, la plupart des autres ayant opté pour Libération-Nord. Ce mouvement, comme d'ailleurs Franc-tireur en zone sud, attirera à lui beaucoup d'enseignants et d'employés du secteur public, en raison de son obédience socialiste et syndicaliste, tandis que les cadres supérieurs de zone nord militeront plus volontiers dans un mouvement d'inspiration modérée comme l'OCM (Organisation civile et militaire) ou dans les réseaux de renseignement où leur situation professionnelle et leurs relations pouvaient être fort utiles. Les contacts, les rencontres entre gens de même milieu ou de " même monde " expliquent l'endogamie qui a présidé au recrutement d'un certain nombre d'organismes de la Résistance. L'analyse socioprofessionnelle permet, enfin , de mesurer les rapports qui ont pu exister entre l'activité résistante et telle ou telle profession. Des secteurs comme les arsenaux, les chantiers maritimes, les usines d'armement et la SNCF ont rendu d'inappréciables services aux réseaux, qui ont été ainsi alimentés en renseignements de première main et qui ont bénéficié de sabotages réalisés sur place par les ouvriers et les cadres. On connaît aussi le rôle joué par les fonctionnaires de préfecture et de mairie qui ont fourni à la résistance les " vrais faux papiers ", les facilités de circulation et les complicités dont elle pouvait avoir besoin. Cette analyse ne doit pas faire perdre de vue le rôle important joué par les intellectuels dans ce milieu résistant. En tant que cadres nationaux et régionaux, ils furent particulièrement à leur place dans des mouvements comme Combat et Franc-Tireur. CLAUDE LEVY Le Monde du 1er janvier 1981

« trouve en présence de représentants des classes moyennes, d'ordinaire antiparlementaires et anticommunistes, souvent aussimembres des " ligues " d'avant-guerre.

Comment expliquer dès lors leur engagement important dans la Résistance ? L'occupation allemande (à quelque moment qu'elle se soit produite) fut-elle pour eux un catalyseur et les fit-elle opter pour unnationalisme qui reléguait au second rang leur anticommunisme ? Les mêmes remarques s'appliquent à la petite et moyennebourgeoisie, ainsi qu'à la catégorie des employés. Cette scission au sein de ces catégories sociales met à la fois en évidence l'ambiguïté de leur attitude, qui ne permet pas deparler d'une conscience de classe, et leur motivation fondamentale : le patriotisme plus que l'antifascisme. Endogamie L'analyse socioprofessionnelle permet aussi de marquer la corrélation entre l'appartenance à un groupe social et l'engagement àtel mouvement ou tel réseau.

L'exemple le plus frappant est donné par le " bloc " FTP-Front national, vers lequel sont allés denombreux ouvriers, la plupart des autres ayant opté pour Libération-Nord.

Ce mouvement, comme d'ailleurs Franc-tireur enzone sud, attirera à lui beaucoup d'enseignants et d'employés du secteur public, en raison de son obédience socialiste etsyndicaliste, tandis que les cadres supérieurs de zone nord militeront plus volontiers dans un mouvement d'inspiration modéréecomme l'OCM (Organisation civile et militaire) ou dans les réseaux de renseignement où leur situation professionnelle et leursrelations pouvaient être fort utiles.

Les contacts, les rencontres entre gens de même milieu ou de " même monde " expliquentl'endogamie qui a présidé au recrutement d'un certain nombre d'organismes de la Résistance. L'analyse socioprofessionnelle permet, enfin , de mesurer les rapports qui ont pu exister entre l'activité résistante et telle ou telleprofession.

Des secteurs comme les arsenaux, les chantiers maritimes, les usines d'armement et la SNCF ont rendud'inappréciables services aux réseaux, qui ont été ainsi alimentés en renseignements de première main et qui ont bénéficié desabotages réalisés sur place par les ouvriers et les cadres.

On connaît aussi le rôle joué par les fonctionnaires de préfecture et demairie qui ont fourni à la résistance les " vrais faux papiers ", les facilités de circulation et les complicités dont elle pouvait avoirbesoin. Cette analyse ne doit pas faire perdre de vue le rôle important joué par les intellectuels dans ce milieu résistant. En tant que cadres nationaux et régionaux, ils furent particulièrement à leur place dans des mouvements comme Combat etFranc-Tireur. CLAUDE LEVY Le Monde du 1 er janvier 1981 CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés. »

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