Devoir de Philosophie

Rudolf Hess, le dauphin halluciné de Hitler

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

hitler
10 mai 1941 - Aucun talent particulier ne destinait ce fils de négociant, après ses laborieuses études commerciales, à devenir l'un des maîtres de l'Allemagne. Engagé volontaire de 1914, guerrier sans prouesses ni médailles, il accueille la défaite avec amertume. En 1920, sa rencontre avec Hitler lui permet enfin de donner un sens à sa vie. Il est ébloui, conquis, subjugué. Le soir même il rentre dans sa pension de Munich en hurlant : " C'est lui, je l'ai trouvé, voici l'homme. " Dans le groupe des premiers nazis, il se veut le saint Jean sur l'épaule de qui sommeille le maître. Hitler n'a pas suscité dévouement plus éperdu, admiration plus émerveillée, asservissement plus extatique. Le Führer est sensible à ces vertus d'un disciple qui, contrairement à tant d'autres, n'a jamais songé à faire carrière. Le 21 avril 1933, il nomme Rudolf Hess son " suppléant ". Cette fonction de dauphin en titre est accompagnée d'un poste de ministre sans portefeuille et de quelques obligations politico-mondaines, dont la plus appréciée est de précéder le Führer à la tribune dans les grandes manifestations. Pourtant, le 10 mai 1941, peu avant l'attaque nazie contre l'URSS - que l'on n'avait pas jugé nécessaire de lui annoncer, - Rudolf Hess se lance dans une équipée incroyable. Seul à bord d'un Messerschmitt, il saute en parachute au-dessus de l'Angleterre. Il a décidé de porter à un Anglais rencontré aux Jeux olympiques de 1936, lord Hamilton, à qui il attribue une importance démesurée dans la vie politique britannique, des " propositions ". Sont-elles de son cru ou y a-t-il ébauche de complot ? Il s'agit de " laisser au Reich les mains libres à l'Est ", moyennant quoi " l'Empire ne serait pas attaqué ". Le propos n'est pas absurde et reflète certaines des tirades de politique extérieure du Führer qui espérait par moments écraser la Russie et se concilier la Grande-Bretagne en lui laissant ronger l'os colonial. Mais ce plénipotentiaire tombé du ciel sans lettres de créance ne peut passer, à des yeux britanniques, que pour un fou. On l'interne. Est-il déjà en proie à un grave dérangement mental ? Il en donne vite tous les signes et se plaint à ses gardiens qu'on ait mêlé à ses aliments " des petits cailloux et des crottes de chameau ". A Berlin, la " désertion " de Rudolf Hess fait prendre à Hitler l'une des plus belles colères de sa vie. Les communiqués officiels expliquent que le fugueur " souffrait depuis des années de symptômes de désagrégation mentale ". Etait-il fou ou l'est-il devenu, ce vieux dauphin halluciné aux yeux enfouis dans les orbites charbonneuses ? La guerre finie, il est transféré en Allemagne et condamné à la prison à vie par le tribunal de Nuremberg, en octobre 1946. Il met fin à ses jours dans la prison de Spandau, le 17 août 1987. PAUL-JEAN FRANCESCHINI Le Monde du 19 août 1987

Liens utiles