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SÉANCE 5  Alfred de Musset, « Tristesse » (1840)/Baudelaire, « Spleen » (1857)

Publié le 12/06/2015

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musset

SÉANCE 5  Alfred de Musset, « Tristesse « (1840)/Baudelaire, « Spleen « (1857)

La séance présente le double intérêt de montrer l'évolution d'un concept clé de la poésie lyrique, bien antérieure au romantisme (cf du Bellay) et qui n'a cessé de s'exprimer depuis (de Verlaine à René Char). Cette approche diachronique qui inscrit Baudelaire (bien malgré lui !) dans le prolongement de Musset, héritier de Lamartine, se combine avec la saisie immédiate d'un état d'âme douloureusement universel, comme en témoignent les poètes étrangers, présents dans ce corpus.

· Objectifs :

Initiation à la critique littéraire : distinguer approches diachro¬nique et synchronique.

Interpréter les figures de rhétorique : de la métaphore à l'allé 

gorie.

— Écrire un texte poétique.

Réponses aux questions [LIVRE ÉLÈVE, P. 142]

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1. On conseillera l'emploi d'un dictionnaire historique de la langue : celui d'Alain Rey (Robert), par exemple.

2. et 3. Les mots accentués sont « perdu « (deux fois) qui rime (rimes intérieures) avec « connu « et « cru « ; l'accent mis sur les passés com¬posés souligne le caractère révolu du passé. Accentués par leur pré¬sence à la rime, « vie «/« génie « et « amie «/« sentie « ont des connotations valorisantes, que contredisent d'autres rimes : « Vérité «/« dégoûté « ; « ignoré «/« pleuré «. Les motifs (raisons) de la tristesse sont tous présents à la rime : perte de la force vitale, de l'ins¬piration et de la foi. Le motif dominant (qui englobe les autres) est

 

celui de la perte de la foi au sens large, qu'il s'agisse de la foi en « Dieu «, de la foi dans la Vérité ou dans le génie.

4. L'expérience personnelle qui contrebalance tout ce qui précède est celle du sentiment amoureux ; il est la seule preuve de l'existence d'une âme et source d'inspiration (même valorisation du sentiment dans la tirade de Perdican, cf livre élève, p. 127-128, 1. 12-13). Ce goût des larmes rend supportable la disparition des biens matériels et des qualités morales (1" strophe), les désillusions de l'expérience (2e strophe), la nostalgie du non-avenu (3 strophe). Les larmes sym¬bolisent la pureté qui lave du dégoût et de l'amertume.

Réponses aux questions [LIVRE ÉLÈVE, P. 163]

Q Lire

1. Tonalité mélancolique : tristesse sourde des accents portant sur des voyelles nasalisées ou fermées. La structure prosodique des rimes suivies prolonge l'écho de ces sonorités étouffées que l'on retrouve à l'intérieur des vers dans des effets de rimes internes (y. 2, 4, 8, 20, 22 et 23). Contrastant avec ces sons assourdis, une seule rime accen¬tue une voyelle ouverte ([E]) faisant rimer scandaleusement « vers « et « chers « qui se trouvent donc doublement soulignés. L'assonance interne du [i] dessine une autre ligne mélodique, plus sonore, qui perce sous les nasales et les sons étouffés : souvenirs/pyramide/ fouillis/plaintifs/respirent/ennui/fruit/granit/assoupi «. Cette ligne sonore est soutenue par l'allitération des occlusives qui contraste avec les nasales des rimes : « plus/procès/pyramide/plus/pastels/plain-tifs/respirent/prend/proportions/plus/assoupi «. La musicalité du poème résume à elle seule l'ambiguïté du « spleen « baudelairien : ennui d'une mélancolie vague teintée de lassitude (1" ligne mélo 

dique) ; ennui d'une angoisse profonde, traversée de visions morbides âg

 

(2e ligne mélodique). Les deux lignes se combinent dans le passage des vers 15 à 18.

2. L'ailleurs temporel est d'abord celui du passé personnel récent (« sou¬venirs «), puis celui d'un passé historique aux grâces surannées (« bou¬doir «, « Boucher «). Enfin, celui d'un passé mythique (« pyramide «, « sphinx «) qui connote un ailleurs géographique : « l'Orient « du désert (« Sahara «). Chaque image est associée à une analogie entre le poète et l'ailleurs (tf. question 3) : « je suis [...] je suis [...] tu n'es plus «.

3. Les trois premières métaphores reposent sur une analogie de contenu. Le constat de l'ennui qui rassemble toutes les images précé¬dentes entraîne un changement d'énonciation : «je suis« (1. 8 et 11) devient « tu n'es plus « (1. 19) ; le minéral (« granit «) a remplacé « la matière vivante« et le poète isolé (v. 22-23) ne chante plus «qu'aux rayons du soleil qui se couche «. Cette dernière métaphore filée du sphinx, « ignoré du monde «, « oublié sur la carte «, exprime la solitude rédhibitoire du poète, motif récurrent du « spleen « baudelairien. S'y ajoutent le motif de l'incompréhension (« monde insoucieux« et « humeur farouche «), ainsi que le goût du néant (« Ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche« — et non du soleil levant, symbole d'es¬poir).

4. Le sentiment de vide et d'inappétence connoté par « l'ennui « peut être mis en relation avec la tristesse selon Musset, Lermontov et Nerval. On remarquera que, si la même tonalité lyrique se dégage de l'ensemble des textes, elle se nuance d'ironie chez Lermontov et de pathétique chez Musset. Les moyens stylistiques différent consi¬dérablement. Alors que Musset et Lermontov choisissent l'expres¬sion spontanée du sentiment, Baudelaire et Nerval recourent au symbolisme d'images expressives.

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