Weltpolitik

Weltpolitik, politique expansionniste mondiale menée par l’empereur d’Allemagne Guillaume II de 1890 à 1914.

Sous la pression de l’opinion publique et d’intérêts économiques, le chancelier Otto von Bismarck, artisan de l’Unité allemande de 1871, doit accepter à contrecœur le protectorat allemand sur le Togo et le Cameroun (1884), et la fondation du Sud-Ouest africain allemand (1885). En effet, sa légitime prudence l’oppose à la politique de l’empereur nouvellement couronné, Guillaume II. Ce dernier, profitant de l’hégémonie acquise par Bismarck sur l’Europe, entend pour sa part participer au partage du monde aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne.

En 1890, Guillaume II écarte le chancelier du pouvoir et se lance à la conquête du monde, qui doit lui apporter prestige et reconnaissance. Cautionnée par les pangermanistes et les partis politiques — sociaux-démocrates inclus —, qui voient dans la conquête de marchés extérieurs une des clés de la prospérité allemande, la Weltpolitik (« politique mondiale «) de Guillaume II repose sur l’expansion commerciale soutenue par une flotte et une armée puissantes. Une propagande en faveur de l’expansionnisme — « Notre avenir est sur l’eau «, « L’Allemagne doit faire reconnaître sa place au soleil «, « Écoute l’appel du vent et de la mer « — devance déjà les idéaux pangermanistes de supériorité de la « race allemande «. C’est dans ce climat qu’est créée, en 1891, la Ligue pangermaniste (Alldeutscher Verband).

Suivant deux options pangermanistes, les Allemands tentent de s’implanter dans le monde soit en se présentant comme des « missionnaires civilisateurs «, soit en s’imposant de façon belliciste. Mais le partage du monde étant bien entamé, rares sont les cas d’impérialisme pacifique.

Certes, en 1893, l’Allemagne investit les îles Samoa avant d’acheter les archipels Mariannes, Carolines et Palaos à l’Espagne (1899). En 1898, elle s’implante en Chine du Nord et y renforce sa position pendant la révolte des Boxers, qui voit l’expédition internationale commandée par un proche de l’empereur, le comte Waldersee. Mais c’est dans l’Empire ottoman que l’Allemagne remporte ses plus grands succès pacifiques : en visite d’État à Damas en 1898, Guillaume II assure les peuples musulmans de son soutien, ce qui lui permet d’obtenir la construction (et la concession) du chemin de fer de Bagdad.

Cette politique expansionniste s’oppose aux ambitions françaises et anglaises. Pour affaiblir les alliances diplomatiques de la France, Guillaume II prononce un discours à Tanger en mai 1905, discours dans lequel il exige le respect de l’indépendance du Maroc : mais la conférence internationale d’Algésiras — qui cherche à répondre à la question marocaine en 1906 — renforce la position française et isole diplomatiquement Guillaume II. Aussi, en juillet 1911, envoie-t-il à Agadir la canonnière Panther pour obtenir une partie du Congo français en contrepartie de la reconnaissance du protectorat français sur le Maroc. Guillaume II est plus prudent avec la Grande-Bretagne ; après avoir assuré le président Kruger de son amitié, Berlin renonce à s’engager dans la guerre des Boers en Afrique du Sud (1899-1902). Cependant, en favorisant la construction d’une flotte de guerre, répondant par là à l’initiative du maréchal Alfred von Tirpitz (lois navales de 1898, 1906 et 1912), il s’aliène toutefois la puissance britannique.

Les résultats de la Welpolitik sont contrastés : les conquêtes sont peu importantes, car les efforts sont dispersés. En revanche, en politique intérieure, la Welpolitik sert de dérivatif aux tensions sociales et aux mouvements politiques qui réclament l’avènement de la démocratie. Mot d’ordre rassurant pour un pays en quête de puissance, cette politique mal planifiée finit par isoler l’Allemagne en Europe et par rompre l’hégémonie à laquelle Bismarck avait œuvré.