Devoir de Philosophie

VIE ARTIFICIELLE QU’EST-CE QUE LA VIE ARTIFICIELLE ?

Publié le 02/05/2019

Extrait du document

COMPORTEMENT ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

 

Si un organisme artificiel qui n’existe que dans la mémoire d’un ordinateur est effectivement capable de développer un véritable comportement (voir chapitre précédent) et d’apprendre à partir de l’expérience, pourquoi ne pas le faire sortir de sa prison de silicium en lui donnant corps ? C’est ce qu’ont fait les chercheurs du Mobile Robot Group de l’Artificial Intelligence Laboratory, dirigés par Rodney Brooks. Il s’agit d’une approche complètement nouvelle du problème de la création d’une intelligence artificielle et de la tentative de faire sortir d’une longue impasse les études dans ce domaine.

Les premiers robots réalisés, qui portent des noms tels que Genghis, Attila ou Toto, ressemblent à de grandes blattes mécaniques d’à peu près cinquante centimètres de longueur. Leur comportement est le résultat de l’application coordonnée d’un nombre limité de règles du type « Dans la situation A, mettre en œuvre le comportement B » codifiées dans la mémoire des petits ordinateurs qui les guident. De cette façon, les chercheurs ont obtenu ce que durant des années les programmes très sophistiqués de l’intelligence artificielle n’avaient pu atteindre : faire en sorte que les robots soient en mesure de se mouvoir d’un point à l’autre du sol du laboratoire, en évitant les obstacles ou en les dépassant, sans connaître le terrain et sans instructions spécifiques. Cela semble peu, mais c’était alors une grande première.

Aux robots programmés sur la base de l’intelligence artificielle traditionnelle, en effet, il faut tout enseigner du milieu dans lequel ils devront se mouvoir. Ils doivent en connaître tous les points, les comparer avec leurs instructions, programmer leurs mouvements pour enfin agir. En pratique, ils sont très lents et, dès que survient un imprévu, ils se bloquent parce qu’ils ne savent plus ce qu’ils doivent faire.

Les blattes mécaniques réalisées par Brooks n’ont que quelques règles de comportement simples, qu’elles essayent en séquence pour savoir laquelle fonctionne. Il s’en dégage un véritable comportement, très semblable à celui d’un insecte réel, c’est-à-dire la capacité à se mouvoir et à résoudre des problèmes dans le monde réel, qui est toujours compliqué et imprévisible.

L’objectif des chercheurs est de programmer selon les principes de la vie artificielle des robots autonomes et fiables pour des tâches plus difficiles que le simple déplacement sur le sol du laboratoire, comme les explorations spatiales ou la réparation de machines dans les fonds marins ou dans les réacteurs nucléaires. Certains, toutefois, ont fait remarquer qu’un robot dont le cerveau électronique est programmé selon les principes de la vie artificielle pourrait facilement violer la première loi de la robotique imaginée par Isaac Asimov (né en 1920) : « Un robot ne causera pas de dommage à un être humain, ou bien, en n’agissant pas, permettra qu’on lui en cause. » Si une mutation dans son code lui permettait d’ignorer cette règle, le robot la ferait immédiatement sienne.

 

 

QU’EST-CE QUE LA VIE ARTIFICIELLE ?

 

La vie artificielle est une discipline scientifique très jeune, encore en quête d’une définition plus précise du véritable objet de ses études.

Les organismes artificiels recréés dans un ordinateur peuvent-ils être considérés comme « vivants » ? Et les processus qui sont simulés sont-ils de simples analogies des processus qui ont lieu dans le « véritable » monde vivant avec lesquels ils ont seulement une certaine ressemblance extérieure, ou sont-ils de véritables répliques - fussent-elles simplifiées et sur un autre support physique - de ces processus ?

En d’autres termes, la vie artificielle peut-elle être l’instrument d’une véritable biologie théorique, l’instrument interprétatif décisif capable de donner une réponse aux derniers grands mystères de la vie, ou bien restera-t-elle une simple curiosité intellectuelle ?

La discussion est ouverte et, parmi les chercheurs qui sont en train d’explorer les possibilités de ce type d’études, deux interprétations prédominent, une interprétation « forte » et une interprétation « faible ».

Selon la première, qui considère les organismes artificiels comme « vivants » et leur nature tout à fait comparable à celle des organismes vivants véritables, le calcul (qui n’est autre que l’exécution d’un certain nombre d’instructions) joue un rôle de premier plan aussi bien dans les systèmes physiques que dans les systèmes biologiques. Si les processus naturels sont des processus informatisés, cela veut dire qu’ils peuvent être étudiés par reproduction des mêmes processus, ou des processus analogues, sur un ordinateur. L’hypothèse extrême, soutenue par exemple par des chercheurs comme Edward Fredkin, est que l’univers tout entier serait un gigantesque ordinateur, un immense automate cellulaire dont les instructions sont les lois de la physique, et les structures les plus complexes de la nature, telles que les forêts tropicales, rien d’autre que son comportement global émergent.

Même si la science moderne est née avec Galilée (1564-1642), selon lequel « la nature est un grand livre écrit en caractères mathématiques », la plupart des chercheurs qui se sont occupés du problème ne sont pas tout à fait sûrs que les mathématiques, un produit de l’esprit humain, soit effectivement la grammaire de la nature, sans compter le fait que les automates cellulaires sont des machines décrites par la physique classique, qui ne décrit pas aussi bien les phénomènes régis par la mécanique quantique.

La deuxième interprétation de la vie artificielle, interprétation « faible », ne considère pas les organismes artificiels comme véritablement comparables aux organismes créés en près de quatre milliards d’années d’évolution par la nature, ou pour le moins considère qu’il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif. Pour le moment, elle les considère comme des instruments utiles pour vérifier la plausibilité de certaines hypothèses et mettre le spécialiste des véritables systèmes vivants sur la bonne voie quand il s’attaque à des problèmes de grande complexité, comme le développement embryonnaire, la régulation génique, le comportement animal ou le fonctionnement des écosystèmes.

 

Dans de nombreuses disciplines scientifiques, en effet, la nouvelle frontière de la connaissance est précisément le comportement des systèmes complexes, qui requiert probablement des approches autres que celles de la science traditionnelle. La vie artificielle a proposé certaines des théories et des modèles les plus prometteurs pour comprendre ces phénomènes complexes qui régissent notre monde.

« 2 Mais qu’ont en commun les organismes créés in silico , c'est-à-dire réalisés par l’homme dans la mémoire d’un ordinateur, avec les organismes qui existent in vivo ? Les premiers sont-ils seulement des simulations, dont le comportement n’a qu’une ressemblance superficielle avec celui des « véritables » organismes, ou bien les deux organismes partagent-ils la même logique interne ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de remonter à l’origine de l’idée de vie artificielle, à un filon de recherches qui a été ouvert à la fin des années 40 par le grand mathématicien John von Neumann (1903-1957), père entre tant d’autres choses de l’ordinateur numérique. LES AUTOMATES LES PREMIERS AUTOMATES Dans les années où John von Neumann commença ses recherches, on venait juste de démontrer que le siège de l’information dans la cellule est l’ADN, mais on ne savait encore rien de la façon dont cette information est codifiée, exprimée et dont elle évolue dans le temps.

En termes biologiques, on ne savait absolument rien de la façon dont cette série d’instructions que nous appelons génotype donne lieu à des organismes complets faits de cellules, d’organes et d’appareils, et dotés d’un métabolisme.

Une ignorance qui, dans une large mesure, demeure encore aujourd'hui. Pour comprendre quelle est l’organisation logique d’un être vivant capable de se reproduire (c'est-à-dire en mesure de reproduire un autre objet du même niveau de complexité), von Neumann conçut un modèle extrêmement simplifié d’organisme, un automate.

À ses yeux, en effet, un être vivant n’était qu’une machine particulièrement compliquée et souple.

Un automate est une machine dont le comportement doit être, en termes mathématiques, en mesure d’élaborer de l’information, et qui agit en appliquant les données reçues du monde extérieur, à la lumière des instructions au moyen desquelles elle a été programmée. Le premier automate imaginé par von Neumann était doté de la capacité de se reproduire.

Il était constitué d’un ordinateur, d’un élément manipulateur apte à en exécuter les ordres, d’un outil destiné à unir des parties et d’un autre à les diviser, d’un capteur qui pouvait envoyer à l’ordinateur les informations sur le milieu extérieur, et d’une mémoire.

Naturellement, il s’agissait d’une abstraction, mais von Neumann imagina qu’une machine semblable, mise dans un milieu offrant en quantité les différentes pièces dont elle était constituée, aurait construit d’autres copies d’elle-même, lesquelles à leur tour en auraient construit d’autres. D’éventuelles erreurs dans l’une des constructions auraient pu être comparées à des mutations, et tout le processus aurait pu être comparé à une espèce d’évolution biologique. Le schéma conceptuel d’un automate de ce type était exactement ce que, dans les années suivantes, les biologistes moléculaires devaient découvrir dans les organismes vivants : une molécule d’ADN qui codifie une série d’instructions pour la construction d’un nouvel organisme, un mécanisme pour sa réplication, un autre pour son expression, et une forme de contrôle sur l’organisme par le milieu. Le fait qu’une machine de ce genre ne pouvait pas être réellement construite au moyen de la technologie de l’époque (et pas même avec la technologie actuelle). »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles