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Sociolinguistique

Publié le 15/04/2024

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« Le marseillais, c’est du français.

Ni argot, ni patois, ni mélange, ni créole : du français.

Bariolé, aïolisé, engatsé, mais du français.

Dans les rues de Marseille, dans les commerces ou au pied des tours, dans les cours de récré ou dans les salles d’attente, en voiture, sur la plage, au stade Vélodrome, au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), dans les facs, on peut entendre du français de Marseille, avec des variations selon les quartiers, les milieux sociaux, les générations et le contexte. À côté de mots courants d’origine provençale comme fada, peuchère, dégun (« personne »), estrasse (« torchon, vêtements troués ») ou mèfi (« attention »), on trouve des mots venus d’Italie (via le napolitain, le sicilien ou le piémontais) comme engatser (« énerver »), chapacan (« vaurien, personne négligée »), tchougade (« personne qui louche » ou « fille laide »)… le plus courant étant le oaï (du napolitain guaio), qui désigne un désordre à la fois gênant (comme dans les embouteillages quotidiens) et festif (le « feu » que mettent les supporteurs dans les virages du Vélodrome pour soutenir l’Olympique de Marseille [OM]).

Il y a aussi des mots et des sonorités venus du Maghreb, avec les rapatriés d’Afrique du Nord d’un côté : mouna, une brioche originaire d’Oran, brêle (« nul »), tchatche (« faconde ») ; et les Algériens, (...) Le marseillais, c’est du français n’en déplaise à ceux qui croient au mythe d’une langue pure et immuable sans vraiment comprendre la complexité ni la diversité de la langue, le français varie en fonction de l’endroit où il est parlé et des langues qui entrent en contact avec lui.

Les expressions qui en découlent n’en appartiennent pas moins à la même langue, qui n’est pas que celle de Molière. Ce que l'on appelle pour aller le vite le " français de Marseille " est la variété du français parlé à Marseille, mais aussi aux alentours, dans la région provençale.

Plus particulièrement, il s'agit d'un français populaire dont les particularités sont considérées par les locuteurs comme spécifiques d'un " parler " local.Il s'agit donc bel et bien de " français ", comme on aurait un français d'Alsace, de Corse, de Belgique ou du Sénégal, qui se caractérise par un vocabulaire particulier (dégun, moulon, péguer, espincher…), des expressions ou des locutions (l'an pèbre, de longue, va te faire une soupe d'esques…), des tournures de phrases (" c'est un fou, c'est "). Et surtout, un ou plutôt des accents, c'est-à-dire des prononciations : le " o " ouvert de " rose ". Les voyelles nasales fermées et suivies d'un appendice consonantique nasal : " paing ", " mamang ".

Des intonations singulières, avec un accent tonique comme en provençal ou en italien : aïoli, fadòli… Le tout est très largement influencé par le provençal et, de façon plus nuancée, par les différentes langues apportées au fil des ans par les migrants et leurs enfants. Vous parlez d'une norme endogène locale, qu'est ce que c'est ?Même si quelques personnes essaient de renier leurs origines (par exemple en masquant leur accent), le français de Marseille est considéré par beaucoup de Marseillais comme la forme légitime et la façon de parler " normale "… Certains la considèrent même plus " belle ", plus " expressive " et plus " authentique " que le français standard ou, pire (!), que le français dit " parisien ".

Cette vision très positive du parler local l'institue donc en norme endogène locale : c'est celui qui ne parle pas avec l'accent ou les mots d'ici qui est considéré comme " hors norme ", par rapport à cette norme locale… et c'est celui dont on va pouvoir se moquer en disant qu'il n'a " pas l'accent "… Le langage reflète-t-il l'histoire migratoire de Marseille ?Le " parler marseillais " est somme toute assez " conservateur ", dans la mesure où il s'est constitué à la charnière des XIXe et XXe siècles, soit bien avant les vagues migratoires successives. Au départ, il s'agit du français " à la provençale ", prononcé par des provençalophones qui parlaient le français comme une langue étrangère.

Sur cette base française, le provençal a laissé des traces aussi bien sur le vocabulaire (fada, peuchère, piter, capèou…) que sur les tournures de phrase (" dépêche-toi qu'on va être en retard ", " faire de peine "…) ou sur le fameux " accent ", qui est en quelque sorte le " fantôme " de l'intonation du provençal sur le français… Ce sont les différents dialectes italiens (piémontais, napolitain…) qui ont le plus enrichi le français local avec des mots comme chiapacan, piacàmpi, santibèlli, oaï.

Cela s'explique tout simplement par le fait qu'à la fin du XIXe siècle, un habitant sur 4 à Marseille est italien.

Les migrants qui arriveront plus tard tout au long du XXe siècle (Arméniens, Espagnols, Vietnamiens, Maghrébins, puis plus tard Comoriens…) ne marqueront que marginalement ce parler déjà constitué, sinon dans de petits groupes ou dans certains quartiers. Seuls les Pieds-Noirs auront une certaine influence, en important des mots venus d'Afrique du Nord et certaines prononciations (comme la fameuse palatalisation que l'on entend de plus en plus comme dans " t'y as vu ", " peintchure "…). Aujourd’hui, le parler des enfants des quartiers populaires est volontiers composé de mots empruntés à différentes langues (arabe, romani, comorien…), mais cela n’a encore que très peu influencé le parler marseillais « commun », partagé par tous (hormis par exemple le terme d’origine arabe rhéné, qui signifie « ringard, nul » et qui est compris et utilisé bien au-delà des groupes de jeunes). Quel est la part de cette « langue » dans le fondement d'une identité marseillaise? Est-ce un facteur d'intégration ? Les Marseillais ont souvent interprété leur Histoire sous la forme d’un conflit avec la capitale, ce qui a permis de forger un sentiment identitaire particulièrement développé.

Cette identité se reconnaît volontiers comme cosmopolite, ce qui rend assez fluides les échanges entre langues à Marseille. Pourtant, c’est le parler marseillais qui semble fédérateur puisqu’il existe un véritable noyau dur, un fonds commun de mots partagés par la plupart des Marseillais, quelles que soient leurs origines ou leur milieu social : dégun, minot, fada, peuchère, de longue, oaï, moulon, esquicher. Ces termes peuvent être entendus aussi bien chez les vieux pêcheurs du Vieux-Port que chez des minots des cités des quartiers nord de Marseille, chez un médecin des quartiers plus huppés de l’est et du sud comme dans les virages du Vélodrome… En ce sens, le parler marseillais, illustré dans la chanson (rap, raggamuffin), dans la littérature. Du quartier à la ville A partir de la Plaine, le discours sur l’occitan peut gagner d’autres lieux de Marseille en empruntant d’autres réseaux de la ville.

Malgré quelques fantasmes, l’occitan n’est pas employé au stade Vélodrome, même s’il est symboliquement présent sur une ou deux banderoles.

Les membres des groupes occitans revendiquent ouvertement leur passion pour l’OM en arborant écharpes, maillots ou autres signes évoquant le club, sur scène ou dans la vie de tous les jours, et l’évoquent dans plusieurs de leurs chansons.

Le répertoire des supporters comprend deux chants empruntés aux groupes phares de Marseille, IAM et MSS (Gasquet-Cyrus, 2000a), mais il est toutefois exagéré de dire que les musiciens des groupes occitans ont appris la langue « dans les clubs de supporteurs de l’OM, fiers utilisateurs des patois marseillais et occitan » (Leroux, 1999a) ou que l’occitan, « se croise également avec le parler de certains supporteurs de l’OM » (Leroux, 1999b).

Si les réseaux permettent une prise de conscience de l’occitan et une sensibilisation à la langue, ils ne modifient en rien les pratiques.

Les réseaux musicaux demeurent les plus efficaces.

Nous allons prendre pour exemple une journée bien particulière dont nous avons suivi le déroulement : le 14/04/00, MSS sortait son nouvel album et avait organisé pour cela un ensemble de festivités sur la Plaine.

Un groupe hétéroclite d’environ 70 personnes (avec notamment des supporters de l’OM) suivait en marchant quelques musiciens qui allaient d’un bar à l’autre du quartier où l’on servait gratuitement des tournées de pastis en écoutant des extraits du nouvel album.

Le drapeau des MTP flottait à l’entrée du Bar de la Plaine.

La fête se poursuivait officiellement hors du quartier aux Docks, près du port, pour une soirée appelée « Café d’Oc ».

A l’entrée, des étalages proposaient à la vente livres, revues, matériel sonore, entièrement ou partiellement en occitan.

On notait aussi la présence de figures intellectuelles occitanistes (journalistes, universitaires) qui parfois conversaient en occitan.

Le lieu était décoré de croix occitanes, mais aussi de banderoles de l’OM (« Yankees Nord », « Ultras », « MTP »).

Le concert de MSS était précédé d’interventions de Jean-Marie Carlotti, de Manu Théron (chanteur de Gacha Empega) accompagné de deux musiciens maghrébins ; de Dupain ; du groupe La Talvera (musique traditionnelle du Tarn et de l’Aveyron en occitan). Après le concert de MSS, un balèti était ouvert avec.... »

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