Ainsi parlait Zarathoustra.
Publié le 30/10/2013
Extrait du document
«
De
larédemption Un
jour queZarathoustra passaitsurlegrand pont,lesinfirmes etles mendiants l’entourèrent
et un bossu luiparla etlui dit :
« Vois, Zarathoustra ! Lepeuple luiaussi profite detes enseignements etcommence àcroire en
ta doctrine : maisafinqu’il puisse tecroire entièrement, ilmanque encorequelque chose–ilte
faut nous convaincre aussi,nousautres infirmes ! Ilyen alà un beau choix et,envérité, c’est
une belle occasion det’essayer surdes nombreuses têtes.Tupeux guérir desaveugles, faire
courir desboiteux ettu peux alléger unpeu celui quiaune trop lourde charge derrière lui :–Ce
serait, jecrois, lavéritable façondefaire quelesinfirmes croientenZarathoustra ! »
Mais Zarathoustra réponditainsiàcelui quiavait parlé : sil’on enlève aubossu sabosse, onlui
prend enmême tempssonesprit –c’est ainsiqu’enseigne lepeuple.
Etsil’on rend sesyeux à
l’aveugle, ilvoit surterre tropdechoses mauvaises : ensorte qu’ilmaudit celuiquil’aguéri.
Celui cependant quifait courir leboiteux luifait leplus grand tort :caràpeine sait-ilcourir que
ses vices l’emportent.
–Voilà ceque lepeuple enseigne ausujet desinfirmes.
Etpourquoi
Zarathoustra n’apprendrait-il pasdupeuple ceque lepeuple aappris deZarathoustra ?
Mais, depuis quej’habite parmileshommes, c’estpour moilamoindre deschoses de
m’apercevoir dececi : « Àl’un manque unœil, àl’autre uneoreille, untroisième n’aplus de
jambes, etilyen ad’autres quiont perdu lalangue, oubien lenez, oubien encore latête. »
Je vois etj’ai vude pires choses etilyen ade siépouvantables quejene voudrais pasparler de
chacune etpas même metaire surplusieurs : j’aivudes hommes quimanquent detout, sauf
qu’ils ontquelque chosedetrop –des hommes quinesont riend’autre qu’ungrandœilouune
grande bouche ouungros ventre, oun’importe quoidegrand, –je les appelle desinfirmes à
rebours.
Et lorsqu’en venantdema solitude jepassais pourlapremière foissurcepont : jen’en cruspas
mes yeux, jene cessai deregarder etjefinis pardire : « Ceci estune oreille.
Uneoreille aussi
grande qu’unhomme. » Jeregardais deplus près et,envérité, derrière l’oreillesemouvait
encore quelque chosequiétait petit àfaire pitié, pauvre etdébile.
Et,envérité, l’oreille énorme
se trouvait surune petite tigemince, –et cette tigeétait unhomme ! Enregardant àtravers
une lunette onpouvait mêmereconnaître unepetite figureenvieuse ; etaussi unepetite âme
boursouflée quitremblait aubout delatige.
Lepeuple cependant meditque lagrande oreille
était nonseulement unhomme, maisungrand homme, ungénie.
Maisjen’ai jamais crule
peuple, lorsqu’il parlaitdegrands hommes –et j’ai gardé monidéequec’était uninfirme à
rebours quiavait detout trop peuettrop d’une chose.
Lorsque Zarathoustra eutainsi parlé aubossu etàceux dont lebossu étaitl’interprète etle
mandataire, ilse tourna ducôté deses disciples, avecunprofond mécontentement, etilleur
dit : En vérité, mesamis, jemarche parmileshommes commeparmidesfragments etdes membres
d’homme !
Ceci estpour monœillachose laplus épouvantable quedevoir leshommes brisésetdispersés
comme s’ilsétaient couchés surunchamp decarnage.
Et lorsque monœilfuit duprésent aupassé, iltrouve toujours lamême chose : desfragments,
des membres etdes hasards épouvantables –mais point d’hommes !
Le présent etlepassé surlaterre –hélas ! Mesamis –voilà pour moileschoses lesplus
insupportables ; etjene saurais pointvivresije n’étais pasunvisionnaire decequi doit
fatalement venir.
Visionnaire, volontaire,créateur,avenirlui-même etpont versl’avenir –hélas ! enquelque
sorte aussiuninfirme, deboutsurcepont : Zarathoustra esttout cela.
Et vous aussi, vousvous demandez souvent :« Quiestpour nous Zarathoustra ? Comment.
»
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