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Contes d'une grand-mere vieux chapeaux, varechs gluants, débris d'embarcation couverts d'anatifes gâtés et infects, chapelets de petites moules, cadavres de méduses sur lesquels le pied glisse à chaque pas.

Publié le 11/04/2014

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Contes d'une grand-mere vieux chapeaux, varechs gluants, débris d'embarcation couverts d'anatifes gâtés et infects, chapelets de petites moules, cadavres de méduses sur lesquels le pied glisse à chaque pas. Je me hâtais, saisi d'un dégoût que la mer ne m'avait jamais inspiré, lorsque je vis errer autour de moi dans l'ombre une forme vague qui, d'après son exiguïté, ne pouvait être que celle du gnome. J'avais l'esprit frappé. Je ramassai un pieu apporté par les eaux, et me mis à sa poursuite. Je le vis ramper dans la vase et chercher à me saisir les jambes. Un coup vigoureusement appliqué sur l'échine lui fit jeter un cri si étrange, et il devint si petit, si petit, que je le vis entrer dans une énorme coquille qui bâillait à mes pieds. Je voulus m'en emparer: horreur! mes mains ne saisirent qu'une peau velue, tandis qu'une langue froide se promenait sur mon visage. J'allais lancer le monstre à la mer, lorsque je reconnus mon bon chien Tom, que j'avais enfermé dans ma chambre, à l'hôtel, et qui avait réussi à s'échapper pour venir à ma rencontre. Je rentrai alors tout à fait en moi-même et je m'en allai dîner à l'hôtel, où l'on me servit d'excellentes huîtres à discrétion. J'avoue que je les mangeai sans appétit. J'avais la tête troublée, et m'imaginais voir le gnome s'échapper de chaque coquille et gambader sur la table en se moquant de moi. Le lendemain, comme je m'apprêtais à déjeuner, je vis tout à coup le gnome en personne s'asseoir à mes côtés. --Je vous demande pardon, me dit-il, de vous avoir ennuyé beaucoup hier avec mes fossiles. J'avais encore à vous en montrer quelques-uns des terrains crétacés, entre autres l'ostrea spinosa, qui est fort curieuse. L'étage de la craie blanche est fort riche en espèces différentes. Après cela, nous serions arrivés aux terrains tertiaires, où nous aurions trouvé la bellovacina et la longirostris, qui se rapprochent beaucoup des huîtres contemporaines l'oedulis et la perlière. --Est-ce fini? m'écriai-je, et puis-je espérer qu'aujourd'hui, du moins, vous me laisserez manger en paix l'oedulis cancalis, sans m'assassiner avec vos fossiles indigestes? --Vous avez tort, reprit-il, de mépriser l'étude géologique de l'huître. Elle caractérise admirablement les étages géologiques; elle est, comme l'a dit un savant, la médaille commémorative des âges qui n'ont point d'histoire: elle marque, par ses transformations successives, le lent et continuel changement des milieux auxquels sa forme a su se plier. Les unes sont taillées pour la flottaison comme arcuata et carinata. D'autres ont vécu attachées aux roches, comme gregaria et deltoïdea. En général, l'huître, par sa tendance à l'agglomération, peut servir de modèle aux sociétés humaines. --Exemple trop suivi, monsieur! repris-je avec humeur. Je vous conseille, en vérité, de prêcher l'union des partis, à l'état de bancs d'huîtres! --Ne parions pas politique, monsieur, dit le gnome en souriant. La science ne s'égare pas sur ce terrain-là. C'est l'étage supérieur des terrains modernes, qu'on pourrait appeler le conservator-bank. --Si l'on peut rire avec vous, à la bonne heure! repris-je. Vous me paraissez mieux disposé qu'hier. --Hier! Aurais-je manqué à la politesse et à l'hospitalité? J'en serais désolé! Vous m'aviez fait boire beaucoup de sauterne et je suis habitué au cidre. Je me rappelle un peu confusément.... --Vous ne vous souvenez pas d'avoir voulu m'assassiner? --Moi? Dieu m'en garde! Comment un pauvre petit vieux contrefait comme je le suis, eût-il pu songer à se mesurer avec un gaillard de votre apparence? --Vous vous êtes pourtant jeté sur moi et vous m'avez même terrassé un instant! LE GNOME DES HUITRES 69 Contes d'une grand-mere --Terrassé, moi! Ne serait-ce pas plutôt...? il était fort, le sauterne! Vous vouliez tout casser chez moi! Mais, puisque nous ne nous souvenons pas bien ni l'un ni l'autre, achevons d'oublier nos discordes en déjeunant ensemble de bonne amitié. Je suis venu ici pour vous prier d'accepter le repas que vous m'avez forcé d'accepter hier. Je vis alors que le gnome était un aimable homme, car il me fit servir un vrai festin où je m'observai sagement à l'endroit des vins et où il ne fut plus question d'huîtres que pour les déguster. Je repartais à midi, il m'accompagna jusqu'au chemin de fer en me laissant sa carte: il s'appelait tout bonnement M. Gaume. LA FÉE AUX GROS YEUX Elsie avait une gouvernante irlandaise fort singulière. C'était la meilleure personne qui fût au monde, mais quelques animaux lui étaient antipathiques à ce point qu'elle entrait dans de véritables fureurs contre eux. Si une chauve-souris pénétrait le soir dans l'appartement, elle faisait des cris ridicules et s'indignait contre les personnes qui ne couraient pas sus à la pauvre bête. Comme beaucoup de gens éprouvent de la répugnance pour les chauves-souris, on n'eût pas fait grande attention à la sienne, si elle ne se fût étendue à de charmants oiseaux, les fauvettes, les rouges-gorges, les hirondelles et autres insectivores, sans en excepter les rossignols, qu'elle traitait de cruelles bêtes. Elle s'appelait miss Barbara ***, mais on lui avait donné le surnom de fée aux gros yeux; fée, parce qu'elle était très-savante et très-mystérieuse; aux gros yeux, parce qu'elle avait d'énormes yeux clairs saillants et bombés, que la malicieuse Elsie comparait à des bouchons de carafe. Elsie ne détestait pourtant pas sa gouvernante, qui était pour elle l'indulgence et la patience mêmes: seulement, elle s'amusait de ses bizarreries et surtout de sa prétention à voir mieux que les autres, bien qu'elle eût pu gagner le grand prix de myopie au concours de la conscription. Elle ne se doutait pas de la présence des objets, à moins qu'elle ne les touchât avec son nez, qui par malheur était des plus courts. Un jour qu'elle avait donné du front dans une porte à demi ouverte, la mère d'Elsie lui avait dit: --Vraiment, à quelque jour, vous vous ferez grand mal! Je vous assure, ma chère Barbara, que vous devriez porter des lunettes. Barbara lui avait répondu avec vivacité: --Des lunettes, moi? Jamais! je craindrais de me gâter la vue! Et, comme on essayait de lui faire comprendre que sa vue ne pouvait pas devenir plus mauvaise, elle avait répliqué, sur un ton de conviction triomphante, qu'elle ne changerait avec qui que ce soit les trésors de sa vision. Elsie voyait les plus petits objets comme les autres avec les loupes les plus fortes; ses yeux étaient deux lentilles de microscope qui lui révélaient à chaque instant des merveilles inappréciables aux autres. Le fait est qu'elle comptait les fils de la plus fine batiste et les mailles des tissus les plus déliés, là où Elsie, qui avait ce qu'on appelle de bons yeux, ne voyait absolument rien. Longtemps on l'avait surnommée miss Frog (grenouille), et puis on l'appela miss Maybug (hanneton), parce qu'elle se cognait partout; enfin, le nom de fée aux gros yeux prévalut, parce qu'elle était trop instruite et trop intelligente pour être comparée à une bête, et aussi parce que tout le monde, en voyant les découpures et les broderies merveilleuses qu'elle savait faire, disait: --C'est une véritable fée! Barbara ne semblait pas indifférente à ce compliment, et elle avait coutume de répondre: LA FÉE AUX GROS YEUX 70

« —Terrassé, moi! Ne serait-ce pas plutôt...? il était fort, le sauterne! Vous vouliez tout casser chez moi! Mais, puisque nous ne nous souvenons pas bien ni l'un ni l'autre, achevons d'oublier nos discordes en déjeunant ensemble de bonne amitié.

Je suis venu ici pour vous prier d'accepter le repas que vous m'avez forcé d'accepter hier. Je vis alors que le gnome était un aimable homme, car il me fit servir un vrai festin où je m'observai sagement à l'endroit des vins et où il ne fut plus question d'huîtres que pour les déguster.

Je repartais à midi, il m'accompagna jusqu'au chemin de fer en me laissant sa carte: il s'appelait tout bonnement M.

Gaume. LA FÉE AUX GROS YEUX Elsie avait une gouvernante irlandaise fort singulière.

C'était la meilleure personne qui fût au monde, mais quelques animaux lui étaient antipathiques à ce point qu'elle entrait dans de véritables fureurs contre eux.

Si une chauve-souris pénétrait le soir dans l'appartement, elle faisait des cris ridicules et s'indignait contre les personnes qui ne couraient pas sus à la pauvre bête.

Comme beaucoup de gens éprouvent de la répugnance pour les chauves-souris, on n'eût pas fait grande attention à la sienne, si elle ne se fût étendue à de charmants oiseaux, les fauvettes, les rouges-gorges, les hirondelles et autres insectivores, sans en excepter les rossignols, qu'elle traitait de cruelles bêtes.

Elle s'appelait miss Barbara ***, mais on lui avait donné le surnom de fée aux gros yeux; fée, parce qu'elle était très-savante et très-mystérieuse; aux gros yeux, parce qu'elle avait d'énormes yeux clairs saillants et bombés, que la malicieuse Elsie comparait à des bouchons de carafe. Elsie ne détestait pourtant pas sa gouvernante, qui était pour elle l'indulgence et la patience mêmes: seulement, elle s'amusait de ses bizarreries et surtout de sa prétention à voir mieux que les autres, bien qu'elle eût pu gagner le grand prix de myopie au concours de la conscription.

Elle ne se doutait pas de la présence des objets, à moins qu'elle ne les touchât avec son nez, qui par malheur était des plus courts. Un jour qu'elle avait donné du front dans une porte à demi ouverte, la mère d'Elsie lui avait dit: —Vraiment, à quelque jour, vous vous ferez grand mal! Je vous assure, ma chère Barbara, que vous devriez porter des lunettes. Barbara lui avait répondu avec vivacité: —Des lunettes, moi? Jamais! je craindrais de me gâter la vue! Et, comme on essayait de lui faire comprendre que sa vue ne pouvait pas devenir plus mauvaise, elle avait répliqué, sur un ton de conviction triomphante, qu'elle ne changerait avec qui que ce soit les trésors de sa vision.

Elsie voyait les plus petits objets comme les autres avec les loupes les plus fortes; ses yeux étaient deux lentilles de microscope qui lui révélaient à chaque instant des merveilles inappréciables aux autres.

Le fait est qu'elle comptait les fils de la plus fine batiste et les mailles des tissus les plus déliés, là où Elsie, qui avait ce qu'on appelle de bons yeux, ne voyait absolument rien. Longtemps on l'avait surnommée miss Frog (grenouille), et puis on l'appela miss Maybug (hanneton), parce qu'elle se cognait partout; enfin, le nom de fée aux gros yeux prévalut, parce qu'elle était trop instruite et trop intelligente pour être comparée à une bête, et aussi parce que tout le monde, en voyant les découpures et les broderies merveilleuses qu'elle savait faire, disait: —C'est une véritable fée! Barbara ne semblait pas indifférente à ce compliment, et elle avait coutume de répondre: Contes d'une grand-mere LA FÉE AUX GROS YEUX 70. »

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