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votre regard, que ces mille circonstances enfin qui se réunissent

Publié le 04/11/2013

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votre regard, que ces mille circonstances enfin qui se réunissent parfois pour perdre une femme se soient roupées autour de moi dans cette fatale soirée ; mais vous l'avez vu, Milord, la reine est venue au secours de la femme qui faiblissait : au premier mot que vous avez osé dire, à la première hardiesse à laquelle j'ai eu à répondre, j'ai appelé. - Oh ! oui, oui, cela est vrai, et un autre amour que le mien aurait succombé à cette épreuve ; mais mon amour, à moi, en est sorti plus ardent et plus éternel. Vous avez cru me fuir en revenant à Paris, vous avez cru que je n'oserais quitter le trésor sur lequel mon maître m'avait chargé de veiller. Ah ! que m'importent à moi tous les trésors du monde et tous les rois de la terre ! Huit jours après, j'étais de retour, madame. Cette fois, vous n'avez rien eu à me dire : j'avais risqué ma faveur, ma vie, pour vous voir une seconde, je n'ai pas même touché votre main, et vous m'avez pardonné en me voyant si soumis et si repentant. - Oui, mais la calomnie s'est emparée de toutes ces folies dans lesquelles je n'étais pour rien, vous le savez ien, Milord. Le roi, excité par M. le cardinal, a fait un éclat terrible : Mme de Vernet a été chassée, Putange xilé, Mme de Chevreuse est tombée en défaveur, et lorsque vous avez voulu revenir comme ambassadeur en rance, le roi lui-même, souvenez-vous-en, Milord, le roi lui-même s'y est opposé. - Oui, et la France va payer d'une guerre le refus de son roi. Je ne puis plus vous voir, madame ; eh bien, je eux chaque jour que vous entendiez parler de moi. « Quel but pensez-vous qu'aient eu cette expédition de Ré et cette ligue avec les protestants de La Rochelle que je projette ? Le plaisir de vous voir ! « Je n'ai pas l'espoir de pénétrer à main armée jusqu'à Paris, je le sais bien : mais cette guerre pourra amener une paix, cette paix nécessitera un négociateur, ce négociateur ce sera moi. On n'osera plus me refuser alors, et je reviendrai à Paris, et je vous reverrai, et je serai heureux un instant. Des milliers d'hommes, il est vrai, auront payé mon bonheur de leur vie ; mais que m'importera, à moi, pourvu que je vous revoie ! Tout cela est peut-être bien fou, peut-être bien insensé ; mais, dites-moi, quelle femme a un amant plus amoureux ? quelle reine a eu un serviteur plus ardent ? - Milord, Milord, vous invoquez pour votre défense des choses qui vous accusent encore ; Milord, toutes ces preuves d'amour que vous voulez me donner sont presque des crimes. - Parce que vous ne m'aimez pas, madame : si vous m'aimiez, vous verriez tout cela autrement, si vous m'aimiez, oh ! mais, si vous m'aimiez, ce serait trop de bonheur et je deviendrais fou. Ah ! Mme de Chevreuse dont vous parliez tout à l'heure, Mme de Chevreuse a été moins cruelle que vous ; Holland l'a aimée, et elle a répondu à son amour. - Mme de Chevreuse n'était pas reine, murmura Anne d'Autriche, vaincue malgré elle par l'expression d'un amour si profond. - Vous m'aimeriez donc si vous ne l'étiez pas, vous, madame, dites, vous m'aimeriez donc ? Je puis donc croire que c'est la dignité seule de votre rang qui vous fait cruelle pour moi ; je puis donc croire que si vous eussiez été Mme de Chevreuse, le pauvre Buckingham aurait pu espérer ? Merci de ces douces paroles, ô ma belle Majesté, cent fois merci. - Ah ! Milord, vous avez mal entendu, mal interprété ; je n'ai pas voulu dire... - Silence ! Silence ! dit le duc, si je suis heureux d'une erreur, n'ayez pas la cruauté de me l'enlever. Vous l'avez dit vous-même, on m'a attiré dans un piège, j'y laisserai ma vie peut-être, car, tenez, c'est étrange, depuis quelque temps j'ai des pressentiments que je vais mourir. « Et le duc sourit d'un sourire triste et charmant à la fois. « Oh ! mon Dieu ! s'écria Anne d'Autriche avec un accent d'effroi qui prouvait quel intérêt plus grand qu'elle ne le voulait dire elle prenait au duc. - Je ne vous dis point cela pour vous effrayer, madame, non ; c'est même ridicule ce que je vous dis, et croyez que je ne me préoccupe point de pareils rêves. Mais ce mot que vous venez de dire, cette espérance que vous m'avez presque donnée, aura tout payé, fût-ce même ma vie. - Eh bien, dit Anne d'Autriche, moi aussi, duc, moi, j'ai des pressentiments, moi aussi j'ai des rêves. J'ai songé que je vous voyais couché sanglant, frappé d'une blessure. - Au côté gauche, n'est-ce pas, avec un couteau ? interrompit Buckingham. - Oui, c'est cela, Milord, c'est cela, au côté gauche avec un couteau. Qui a pu vous dire que j'avais fait ce rêve ? Je ne l'ai confié qu'à Dieu, et encore dans mes prières. - Je n'en veux pas davantage, et vous m'aimez, madame, c'est bien. - Je vous aime, moi ? - Oui, vous. Dieu vous enverrait-il les mêmes rêves qu'à moi, si vous ne m'aimiez pas ? Aurions-nous les mêmes pressentiments, si nos deux existences ne se touchaient pas par le coeur ? Vous m'aimez, ô reine, et vous me pleurerez ? - Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! s'écria Anne d'Autriche, c'est plus que je n'en puis supporter. Tenez, duc, au nom du Ciel, partez, retirez-vous ; je ne sais si je vous aime, ou si je ne vous aime pas ; mais ce que je sais, c'est que je ne serai point parjure. Prenez donc pitié de moi, et partez. Oh ! si vous êtes frappé en France, si vous mourez en France, si je pouvais supposer que votre amour pour moi fût cause de votre mort, je ne me consolerais jamais, j'en deviendrais folle. Partez donc, partez, je vous en supplie. - Oh ! que vous êtes belle ainsi ! Oh ! que je vous aime ! dit Buckingham. - Partez ! partez ! je vous en supplie, et revenez plus tard ; revenez comme ambassadeur, revenez comme inistre, revenez entouré de gardes qui vous défendront, de serviteurs qui veilleront sur vous, et alors je ne raindrai plus pour vos jours, et j'aurai du bonheur à vous revoir. - Oh ! est-ce bien vrai ce que vous me dites ? - Oui... - Eh bien, un gage de votre indulgence, un objet qui vienne de vous et qui me rappelle que je n'ai point fait n rêve ; quelque chose que vous ayez porté et que je puisse porter à mon tour, une bague, un collier, une chaîne. - Et partirez-vous, partirez-vous, si je vous donne ce que vous me demandez ? - Oui. - À l'instant même ? - Oui. - Vous quitterez la France, vous retournerez en Angleterre ? - Oui, je vous le jure ! - Attendez, alors, attendez. « Et Anne d'Autriche rentra dans son appartement et en sortit presque aussitôt, tenant à la main un petit offret en bois de rose à son chiffre, tout incrusté d'or. « Tenez, Milord duc, tenez, dit-elle, gardez cela en mémoire de moi. « Buckingham prit le coffret et tomba une seconde fois à genoux. « Vous m'avez promis de partir, dit la reine. - Et je tiens ma parole. Votre main, votre main, madame, et je pars. « Anne d'Autriche tendit sa main en fermant les yeux et en s'appuyant de l'autre sur Estefania, car elle sentait ue les forces allaient lui manquer. Buckingham appuya avec passion ses lèvres sur cette belle main, puis se relevant : « Avant six mois, dit-il, si je ne suis pas mort, je vous aurai revue, madame, dussé-je bouleverser le monde our cela. « Et, fidèle à la promesse qu'il avait faite, il s'élança hors de l'appartement. Dans le corridor, il rencontra Mme Bonacieux qui l'attendait, et qui, avec les mêmes précautions et le même onheur, le reconduisit hors du Louvre.

« mêmes pressentiments, sinos deux existences nesetouchaient pasparlecœur ? Vousm’aimez, ôreine, etvous me pleurerez ? – Oh ! monDieu ! monDieu ! s’écria Anned’Autriche, c’estplusquejen’en puissupporter.

Tenez,duc,au nom duCiel, partez, retirez-vous ; jene sais sije vous aime, ousije ne vous aime pas ;mais ceque jesais, c’est que jene serai point parjure.

Prenezdoncpitiédemoi, etpartez.

Oh !sivous êtesfrappé enFrance, sivous mourez enFrance, sije pouvais supposer quevotre amour pourmoifûtcause devotre mort, jene me consolerais jamais,j’endeviendrais folle.Partez donc,partez, jevous ensupplie. – Oh ! quevous êtesbelle ainsi ! Oh !quejevous aime ! ditBuckingham. – Partez ! partez !jevous ensupplie, etrevenez plustard ; revenez commeambassadeur, revenezcomme ministre, revenezentouré degardes quivous défendront, deserviteurs quiveilleront survous, etalors jene craindrai pluspour vosjours, etj’aurai dubonheur àvous revoir. – Oh ! est-cebienvraiceque vous medites ? – Oui… – Eh bien, ungage devotre indulgence, unobjet quivienne devous etqui merappelle quejen’ai point fait un rêve ; quelque chosequevous ayezporté etque jepuisse porteràmon tour, unebague, uncollier, unechaîne. – Et partirez-vous, partirez-vous, sije vous donne ceque vous medemandez ? – Oui.

– À l’instant même ? – Oui. – Vous quitterez laFrance, vousretournerez enAngleterre ? – Oui, jevous lejure ! – Attendez, alors,attendez. » Et Anne d’Autriche rentradanssonappartement eten sortit presque aussitôt, tenantàla main unpetit coffret enbois derose àson chiffre, toutincrusté d’or. « Tenez, Milordduc,tenez, dit-elle, gardezcelaenmémoire demoi. » Buckingham pritlecoffret ettomba uneseconde foisàgenoux. « Vous m’avezpromis departir, ditlareine. – Et jetiens maparole.

Votremain, votremain, madame, etjepars. » Anne d’Autriche tenditsamain enfermant lesyeux eten s’appuyant del’autre surEstefania, carelle sentait que lesforces allaient luimanquer. Buckingham appuyaavecpassion seslèvres surcette bellemain, puisserelevant : « Avant sixmois, dit-il, sije ne suis pasmort, jevous aurai revue, madame, dussé-jebouleverser lemonde pour cela. » Et, fidèle àla promesse qu’ilavait faite, ils’élança horsdel’appartement. Dans lecorridor, ilrencontra Mme Bonacieux quil’attendait, etqui, avec lesmêmes précautions etlemême bonheur, lereconduisit horsduLouvre.. »

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